Cet article date de plus de quatre ans.

Chloroquine proposée aux malades du coronavirus à l'IHU de Marseille : "On n'est pas des sorciers", assure le Pr Philippe Parola

Alors qu'une étude de grande ampleur est lancée sur l'efficacité de la chloroquine dans le traitement du Covid-19, l'équipe du Pr Raoult, s'appuyant sur ses propres essais, l'utilise déjà associée "à un antibiotique que l'on appelle l'azithromycine".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) de Marseille, le 19 mars 2020. (GILLES BADER / MAXPPP)

Une étude clinique de grande ampleur vient d'être lancée pour tester l'efficacité de la chloroquine, utilisée pour traiter le paludisme, contre le coronavirus. Il y a un mois le professeur Didier Raoult, qui dirige l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) de Marseille, faisait état de résultats exceptionnels. Son équipe a donc décidé de l'administrer à des malades sans attendre les résultats de l'étude. "On n'est pas des sorciers. Les autorités chinoises l'utilisent depuis très longtemps", s'est défendu lundi 23 mars sur franceinfo le professeur Philippe Parola, chef du service des maladies infectieuses de l'IHU à Marseille.

>> Posez vos questions sur le coronavirus : #OnVousRépond en direct.

franceinfo : Pourquoi cette décision ?

Philippe Parola : Les décisions que je dois prendre sont des décisions d’un soignant qui prend en charge des patients. Dans le cadre de la relation médecin-patient, je dois faire le mieux en l'état des connaissances. La stratégie que nous avons toujours prônée dans les maladies infectieuses en général et dans le coronavirus en particulier, c'est de tester les patients fébriles, donc de faire le diagnostic au plus tôt, et dès qu'un traitement est disponible de l'administrer au plus tôt. Il ne faut pas attendre que les patients s'aggravent et arrivent en réanimation pour voir ce que vivent mes collègues réanimateurs, c'est-à-dire un afflux massif de patients souvent âgés et à un stade très évolué de la maladie.

Mais pourquoi ne pas attendre les résultats de l'étude ?

Les essais cliniques seront utiles mais je ne sais pas quand est-ce qu'ils seront disponibles. Je pense d'ailleurs qu'il faudrait qu'ils incluent tous l'association chloroquine à un antibiotique que l'on appelle l'azithromycine. Cela marche encore mieux.

Sur le premier essai autorisé que nous avions fait, cette association chloroquine et azithromycine faisait qu'à six jours le petit nombre de patients qui avaient reçu ce traitement n'avaient plus de virus détectable, c'est-à-dire qu'ils n'étaient plus contagieux.

Pr Philippe Parola, chef du service des maladies infectieuses de l'IHU à Marseille

à franceinfo

Nous avons toute notre cohorte de patients qui est actuellement traitée par cette association quand c'est possible puisqu'il y a des précautions d'emploi comme pour tout médicament. Il faut savoir que ces molécules, la chloroquine comme l'azithromycine, sont utilisées depuis des années et qu'on en connaît les effets secondaires, y compris de cette association.

Votre essai est critiqué pour son manque de rigueur et le peu de patients sur lesquels il a été réalisé. Est-ce assez ?

C'est assez pour que moi et mes collègues prenions nos responsabilités face à des patients. Les résultats en cours sont remontés en temps réel aux autorités du pays qui pourront émettre ou pas des recommandations, mais moi je dois prendre mes responsabilités, notamment vis-à-vis de personnes âgées, c'est-à-dire les traiter au plus tôt de la maladie, dès le diagnostic, avant que cela ne s'aggrave. L'association chloroquine et azithromycine marche en laboratoire. On n'est pas des sorciers. Les autorités chinoises l'utilisent depuis très longtemps.

Assumez-vous la part de risque ?

En pratique, tout médecin a le droit de prescrire un médicament en dehors de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament s'il estime qu'il est dans l'intérêt de ses patients et que nous sommes dans une prescription dans l'état actuel de la connaissance. La connaissance n'est pas synonyme de l'autorisation de mise sur le marché. Un médicament est mis sur le marché lorsque des études ont été faites et 10, 20 ans après, on peut avoir un repositionnement, c'est-à-dire qu'un médicament devient utile pour une maladie pour laquelle les études n'avaient pas été faites. C'est ça être un soignant, être au courant de ce qui est le mieux.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.