"Seuls 10 élèves m'ont répondu" : les professeurs inquiets de voir des élèves décrocher à cause du confinement
Dix jours après la fermeture des écoles pour endiguer l'épidémie de coronavirus, les inquiétudes sont de plus en plus fortes pour les élèves en difficultés scolaires, qui risquent de décrocher face aux contraintes de l’enseignement à distance.
Ils enseignent dans des zones défavorisés et plus les jours passent depuis la fermeture des écoles pour cause coronavirus, plus ils s’inquiètent. "Il y a certains élèves qu’on n’a toujours pas réussi à atteindre", déplore Coline, professeure d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis : "On a moyen de vérifier si les élèves se sont connectés à la plateforme qui leur permet de récupérer les devoirs. Dans certaines classes, il y a 30 à 40% d'élèves seulement qui se connectent", constate l'enseignante. "C'est particulièrement compliqué avec les 5e et les 4e, qu'on a du mal à mobiliser".
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Même constat pour Nicolas Voisin, enseignant dans un lycée professionnel de Marseille, qui s'inquiète particulièrement.
J'ai environ 75 élèves sous ma responsabilité, et j'en ai seulement dix qui m'ont contacté pour le moment. Dix sur 75, ce n'est vraiment pas beaucoup...
Nicolas Voisin, professeur en lycée professionnel à Marseilleà franceinfo
Jean-Michel Blanquer demande aux enseignants de passer des coups de fils plus fréquents aux élèves en difficulté, pour ne pas les "laisser au bord du chemin". Mais même pour joindre les élèves au téléphone, c'est parfois un vrai parcours du combattant : "On a réussi à contacter une élève là, mais en passant par le téléphone du cousin, qui était inscrit dans un autre collège... C'est assez compliqué", témoigne Karim Bacha, directeur d’école en banlieue parisienne et représentant Snuipp. Lui n’a toujours pas de nouvelles d’une douzaine d’élèves.
Une fracture sociale qui s'amplifie
Et ce n’est pas qu’une question d’équipement numérique, c'est une fracture sociale plus large qui se révèle. Coline, la professeure d'histoire-géographie de Seine-Saint-Denis, s’inquiète pour certains de ses collégiens déjà à la peine avant le confinement : "C'est en effet une inquiétude de ne pas avoir de retour de certains élèves, qui étaient déjà faibles avant cette situation. On se demande comment ça va se passer pour le retour", s'interroge-t-elle, alors que le retour à l'école est envisagé seulement pour le début du mois de mai.
On est passé d'un coup à un travail uniquement écrit, ça ne se fait pas comme ça. Ceux qui vont s'adapter, ce sont ceux qui sont bons à l'écrit.
Coline, professeure d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denisà franceinfo
Selon elle, seuls les meilleurs élèves - en tout cas ceux qui sont bons à l'écrit - "vont comprendre les consignes, les attendus du prof. Donc oui, on va avoir un fossé entre ceux qui peuvent travailler toute la journée uniquement avec de l'écrit, et ceux qui ne peuvent rien faire", s'inquiète l'enseignante.
L'enseignement à distance n'est pas fait pour tous
Bref, l’enseignement à distance n’est pas adapté à tous, constate également son collègue de lycée professionnel à Marseille, Nicolas Voisin : "Tous nos élèves ne savent pas faire, seuls les meilleurs, les plus intégrés nous répondent régulièrement. Seuls les meilleurs comprennent l'interface qu'on leur propose pour leur envoyer les cours et les documents à remplir et seuls les meilleurs les remplissent à la fin".
On est là dans la révélation tragique d'une inégalité qui s'amplifie encore dans cette situation.
Nicolas Voisin, professeur en lycée professionnel à Marseilleà franceinfo
Pour les élèves les plus en difficulté, les plus éloignés de l’école, le ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, promet des modules de soutien gratuits... après la crise.
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