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Cours à distance : "J'étais prête, mais ce n'était visiblement pas le cas de l'Education nationale..."

Le retour de l'enseignement à distance, mardi matin, a été perturbé par de nombreux bugs informatiques, en raison de serveurs numériques inaccessibles ou défaillants.

Article rédigé par franceinfo, Alice Galopin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un élève devant le site du Cned "Ma classe à la maison", le 6 avril 2021. (MAXPPP)

"Et voilà, ça a planté à 9h02". "J'étais prête pour faire cours à distance, mais ce n'était visiblement pas le cas de l'Education nationale." Voici le genre de commentaires que l'on pouvait lire mardi 6 avril sur les réseaux sociaux. L'école à la maison, (re)mise en place dans le cadre du nouveau confinement, a de fait débuté dans un grand cafouillage. Professeurs, parents et élèves ont signalé de nombreux bugs informatiques sur les plateformes d'enseignement à distance.

Des ralentissements ou une paralysie totale des espaces numériques de travail (ENT), gérés par les collectivités territoriales, ont été repérés mardi matin dans au moins six régions, a appris franceinfo auprès du Snes-FSU. Selon le principal syndicat des enseignants du second degré, des problèmes ont été observés dans les régions Ile-de-France, Hauts-de-France, Occitanie, Normandie, Centre et Grand Est. 

Or, l'accès aux ENT est indispensable pour assurer le bon déroulement des cours à distance puisqu'ils permettent, par exemple, aux enseignants d'échanger avec les élèves et les parents, de transmettre des documents ou encore de réaliser des appels en visioconférence. 

Capture d'écran du portail de l'ENT Ile-de-France, le 6 avril 2021, vers 11h45. (ILE DE FRANCE)

D'autres services d'enseignement à distance, comme "Ma classe à la maison", proposé par le Cned (Centre national d'enseignement à distance), ou Pronote, le système de gestion de la vie scolaire, étaient également concernés par ces dysfonctionnements. 

"Surcharge" des serveurs informatiques

"C'est rageant de se retrouver avec des outils qui ne fonctionnent pas quand on a préparé tous les cours", tempête Laurent*, professeur dans un collège de Normandie, auprès de franceinfo. "Au bout de deux heures et demie", et après de multiples tentatives, cet enseignant a finalement réussi à assurer son cours avec une dizaine d'élèves, "les plus tenaces, qui ont tenté plusieurs fois de se connecter"

"Ce matin, je n'avais accès à rien sur l'ENT", déplore quant à lui Thomas*. Ce professeur dans une école primaire de l'agglomération lilloise avait pourtant "anticipé" dès la semaine dernière le passage des cours en distanciel, en "familiarisant" les élèves avec l'outil de visioconférence de la plateforme. "On a fait tout ça pour rien", souffle l'enseignant, qui a finalement dû avoir recours au dispositif du Cned. 

"La pilule est difficile à avaler quand on s'investit autant sur le terrain."

Thomas*, professeur dans une école de l'agglomération lilloise

à franceinfo

Mais comment expliquer ces difficultés techniques ? La région Ile-de-France évoque auprès de franceinfo "un incident de surcharge" en raison de connexions massives sur l'ENT "à la même heure". Manoëlle Martin, vice-présidente de la région Hauts-de-France, rapporte également un problème de gestion des flux, avec "un million de connexions simultanées à l'ENT à 9h15". "On avait anticipé [une augmentation du trafic], mais pas à ce point", concède l'élue.

Le ministre de l'Education a par ailleurs avancé qu'une partie des dysfonctionnements était liée à l'incendie en mars qui a touché l'opérateur OVH, hébergeur d'une partie des ENT. Une justification vivement démentie par le patron de l'entreprise, sur Twitter, qui affirme que certaines "des régions ENT affectées et des applications indisponibles ne sont pas hébergées chez OVHcloud"

De son côté, Jean-Michel Blanquer a également dénoncé "des attaques informatiques apparemment venues de l'étranger pour empêcher les serveurs de fonctionner", citant notamment le cas de "Ma classe à la maison", mais sans donner plus de précisions à ce stade. "Le travail technique est en train d'être fait pour rétablir cela", a simplement expliqué le ministre de l'Education. 

"L'impression que rien n'a été fait depuis le premier confinement"

Pour les enseignants, la situation a un air de déjà-vu. En mars dernier, l'école à la maison avait également mal démarré, avec des réseaux saturés et des espaces de travail inaccessibles. "Il y a un an, on pouvait être indulgent et comprendre que [les outils numériques] n'étaient pas configurés pour faire face à l'afflux de connexions", expose Gwenaël Le Paih, enseignant en Bretagne et membre du Snes-FSU. "Là, on a l'impression que rien n'a été fait depuis le premier confinement", complète Laurent. 

Au fil des heures, mardi, les enseignants interrogés par franceinfo ont évoqué une amélioration de la situation, même si des problèmes ont subsisté. En Ile-de-France, l'accès à l'ENT a repris "progressivement", indiquait la région à la mi-journée. "On a augmenté davantage le flux", explique de son côté la vice-présidente de la région Hauts-de-France. Il sera difficile de "se rendre compte demain" si le problème est entièrement résolu, puisque les cours – et donc les connexions – sont traditionnellement moins nombreux le mercredi, souligne Manoëlle Martin, qui espère toutefois un retour à la normale avant jeudi.

Le temps presse, selon les enseignants, qui redoutent un décrochage des élèves. "S'ils voient que les ENT dysfonctionnent, ça ne va pas les encourager à essayer de se reconnecter", craint Gwenaël Le Paih. D'autant que les vacances scolaires sont programmées dès vendredi soir, rappelle l'enseignant, pas vraiment aidé par sa hiérarchie : "On n'a pas eu de consignes particulières, à part tenter se reconnecter à un autre moment." 

En attendant un rétablissement complet de l'accès aux plateformes, les professeurs tentent donc de s'adapter. Laurent, lui, assure qu'il échange avec ses collègues pour "bidouiller des solutions" à ses problèmes de connexion. Avant de réellement passer au distantiel, l'heure est encore au "démerdentiel".

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés

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