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Covid-19 : les épidémiologistes se sont-ils trompés dans leurs modélisations, comme l'insinue Emmanuel Macron ?

Le président de la République a défendu, jeudi soir, sa décision de ne pas reconfiner le pays fin janvier, assurant qu'il n'y avait "pas eu l'explosion qui était prévue par tous les modèles". 

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron s'est exprimé depuis le palais de l'Elysée, à la sortie d'un sommet européen réalisé en visioconférence, le 25 mars 2021. (BENOIT TESSIER / AFP)

"Je n'ai aucun mea culpa à faire, aucun remord, aucun constat d'échec." Jeudi soir, le président de la République s'est montré inflexible face aux critiques sur la gestion de la crise sanitaire, lors d'une conférence de presse surprise. "Est-ce que le 29 janvier nous aurions dû confiner le pays, comme certains le disaient, comme des modèles montraient que nous allions flamber en février ?" a questionné Emmanuel Macron. Pour lui, non : "Nous avons eu raison de ne pas reconfiner la France parce qu'il n'y a pas eu l'explosion qui était prévue par tous les modèles." Pourtant, les modélisations réalisées alors mettaient plutôt en garde contre un regain épidémique à la mi-mars, et ce regain a effectivement eu lieu.

Retour fin janvier 2021, lorsque la situation épidémique en France n'est pas aussi alarmante qu'aujourd'hui. Les chiffres quotidiens dessinent alors un plateau ascendant, mais la préoccupation est ailleurs : plusieurs variants sont identifiés et leur progression inquiètent les autorités françaises. Le variant B.1.1.7, apparu en Angleterre, semble plus contagieux, et fait craindre une détérioration rapide de la situation épidémique.

Un pic annoncé entre mi-février et début avril

L'équipe de modélisation des maladies infectieuses de l'Inserm se penche alors sur la question et publie le 16 janvier une étude (PDF, en anglais). Les chercheurs estiment, grâce à leurs modélisations, que "le variant deviendrait dominant en France entre fin février et mi-mars", induisant une augmentation de la pression hospitalière : "Les nouvelles hospitalisations hebdomadaires devraient atteindre le niveau du pic de la première vague (environ 25 000 hospitalisations) entre mi-février et début avril, en l’absence d’interventions", écrivent les chercheurs.

De son côté, le Conseil scientifique, qui émet des avis pour aiguiller les décisions de l'exécutif, propose fin janvier un confinement pour prévenir l'explosion des cas en mars. Il rédige ainsi une note d'éclairage (en PDF) datée du 29 janvier, dans laquelle il expose un scénario alarmiste : "L'émergence de variant du virus va rendre le contrôle de l’épidémie en France encore plus difficile dans les mois qui viennent". Les auteurs poursuivent : "Si nous ne réussissons pas à endiguer la progression du virus avec des mesures fortes, nous risquons d’être confrontés à des pics épidémiques similaires à ceux observés en mars-avril et novembre 2020, voire plus élevés".

"Retarder la reprise de la circulation épidémique"

Même si la situation immédiate en cette fin janvier n'est pas critique, le Conseil scientifique plaide alors pour la mise en place de mesures plus restrictives. "Un confinement précoce permet de gagner du temps à un moment critique", souligne le rapport. Confiner dès le 1er février ou le 8 février permettrait de retarder la reprise de la circulation épidémique à un moment où "la vaccination et les nouveaux traitements seront davantage disponibles". Le Conseil prévient toutefois que de telles mesures ne permettront pas "d’éviter une reprise de la circulation du virus avec le variant VOC [identifié au Royaume-Uni] dans le mois de mars".

Malgré les mots du président, les modélisations réalisées en janvier faisaient donc craindre aux scientifiques un regain épidémique en mars, ce qui a bien été le cas. La proposition d'instaurer dès le début du mois de février un confinement était destinée à limiter l'ampleur de cette nouvelle vague. Une mesure sanitaire préventive qui n'a pas été choisie par l'exécutif, qui a préféré jouer la carte du pari politique.

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