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Coronavirus : "On n’a pas vraiment tiré les leçons" de la crise dans les Ehpad, "il faut se réveiller", alerte la psychologue Marie de Hennezel

"On ne peut pas protéger la vie biologique des personnes âgées au détriment de leur vie affective, sociale, démocratique", a insisté mardi 15 septembre sur franceinfo Marie de Hennezel, qui demande un renforcement des équipes dans les Ehpad.

Article rédigé par franceinfo
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L'Ephad de Séverac-d'Aveyron. (SYLVIE CAMBON / MAXPPP)

"On n’a pas vraiment tiré les leçons" de la crise du coronavirus dans les Ehpad, a estimé la psychologue Marie de Hennezel mardi 15 septembre sur franceinfo. "Il faut se réveiller", a-t-elle ajouté, alors que le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy a fait part, devant les sénateurs, de ses "regrets" dans la gestion de cette crise dans les maisons de retraite. "On ne peut pas protéger la vie biologique des personnes âgées au détriment de leur vie affective, sociale, démocratique", a souligné Marie de Hennezel, qui réclame davantage de personnels dans les Ehpad et davantage de "concertation" avec les familles.

franceinfo : Que pensez-vous des regrets exprimés par Jean-François Delfraissy aujourd’hui ?

Marie de Hennezel : Je les partage complètement. Je crois que les Ehpad ont été pris de court, ils n'avaient pas les moyens de se protéger. Mais aujourd'hui, il ne faut absolument pas recommencer ce qui s'est passé. On ne peut pas protéger la vie biologique des personnes âgées au détriment de leur vie affective, sociale, démocratique. C'est quelque chose qui n'est pas possible. Donc, il faut absolument, d’une part, renforcer les équipes des Ehpad, et d'autre part, faire appel aux familles car la concertation avec les familles est essentielle. Il y a des familles qui demandent à venir aider leurs parents, par exemple, pour les repas. Je ne vois pas pourquoi est-ce qu’une famille ne pourrait pas entrer dans l’Ehpad munie d’un masque. La plupart des familles sont demandeuses de pouvoir contribuer aux soins de leurs parents, surtout qu'elles savent à quel point les parents peuvent se laisser mourir de chagrin, de solitude, quand ils sont coupés de ce qui leur donne vie.

Pensez-vous qu’on a tiré des leçons de cette crise ?

Non, je pense qu'il n'y a pas plus de soignants dans les Ehpad, je pense aussi qu’il n’y a pas plus de concertation avec les familles. Non, je pense qu’on n'a pas vraiment tiré les leçons et qu’il faut se réveiller. Le drame, il est humain : c'était de savoir qu'une personne âgée a pu partir seul, sans revoir ses proches, sans qu'ils puissent lui dire au revoir, sans que l'on puisse justement effectuer les rituels d'accompagnement qui sont des rituels structurants dans notre société. Donc, ça a été extrêmement douloureux. Il y a des deuils impossibles à faire maintenant dans les familles. C'est quelque chose qu'il faut absolument prendre au sérieux. Il y a des dépressions, des culpabilités, des gens qui ne se pardonnent pas de ne pas avoir forcé la porte des Ehpad pour aller dire au revoir à un proche.

À Nice, les visites dans les quatre Ehpad municipaux ont été suspendues. Qu'en pensez-vous ?

Juridiquement, il n'y a pas de fondement. On ne peut pas interdire les visites. Si les familles sont équipées de masques, il n'y a pas de raison qu’on leur ferme la porte. Qu'on limite les visites, je le comprends, mais qu’on les interdise totalement, ce n’est pas possible.

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