Cet article date de plus de trois ans.

Covid-19 : depuis l'épidémie de polio en 1954, "il n'y a pas de période où tout le monde arrive en réa pour la même maladie", alerte un médecin

"Le quotidien c'est beaucoup de malades, au-delà de nos capacités d'accueil, des malades jeunes, beaucoup moins comorbides" que lors de la vague précédente, décrit le chef du service de réanimation à l'hôpital Saint-Louis à Paris.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un chirurgien discute avec un patient, à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, le 28 mai 2020. (MARTIN BUREAU / AFP)

"Il n'y a pas de période dans la vie de la réanimation depuis 1954, l'épidémie de polio, où tout le monde arrive en réa pour la même maladie", a affirmé lundi 29 mars sur franceinfo Élie Azoulay, chef du service de réanimation à l'hôpital Saint-Louis à Paris, après la publication d'une tribune dimanche dans Le Monde [article payant] d'un collectif de neuf médecins de l’AP-HP qui demande à l’exécutif "d’assumer devant la société tout entière sa stratégie" face à la troisième vague.

franceinfo : Vous n'êtes pas signataire de cette tribune, mais partagez-vous le constat, cette forme de ressentiment ?

Élie Azoulay : Je ne suis pas signataire de cette tribune qui a été signée par les directeurs médicaux de crise. Les tribunes n'ont pas vocation à faire paniquer les populations. Elles ont, à l'inverse, l'intention très claire que nous partageons, qui est celle d'informer, et c'est notre travail, sur la réalité du quotidien. Le quotidien c'est beaucoup de malades, au-delà de nos capacités d'accueil, des malades jeunes. C'est une maladie différente de celle de la première vague donc on ne va pas appliquer des équations et des choses de la première vague dans la deuxième. Et puis, les malades sont beaucoup moins comorbides.

"C'est une maladie qui aujourd'hui concerne tout le monde."

Élie Azoulay, chef du service de réanimation à l'hôpital Saint-Louis à Paris

à franceinfo

Cette tribune va plus loin que ce que vous dites, elle dit que la saturation des services de réanimation pourrait très prochainement obliger les soignants à faire un tri entre les malades ?

Aujourd'hui, ça ne s'est pas produit. Aujourd'hui, en dépit du fait que la priorisation fait partie de notre métier, le métier de réanimateur, en tous temps, y compris en dehors du temps de Covid, c'est celui aussi de ne pas s'engager dans des protocoles d'acharnement thérapeutique. Donc, pour certains patients, les réanimateurs sont consultés pour que les décisions d'engager des malades dans des parcours de réanimation très agressifs soient faits avec les patients, avec les familles, de façon consensuelle. Donc, en ce sens, il n'y a pas de nouveauté. La nouveauté là, c'est que nous sommes surchargés quantitativement et si je peux me permettre aussi qualitativement. Il n'y a pas de période dans la vie de la réanimation depuis 1954, l'épidémie de polio, où tout le monde arrive en réa pour la même maladie, nécessite les mêmes machines, les mêmes traitements. Donc vous voyez bien qu'au bout d'un moment, on va être à court de traitements, de matériels, etc. Sans compter que nous sommes aussi aujourd'hui à court de soignants.

Est-ce que des médecins sont parfois allés trop loin en disant "il faut confiner maintenant" ou alors c'est dans leur rôle ?

Notre rôle ça n'est pas de faire la décision politique. Le médecin a un devoir envers son patient, envers l'environnement de son patient. Il a aussi un devoir envers la santé publique et nous avons le devoir d'informer de la réalité du quotidien et on a aussi le devoir d'alerter. Cette alerte aujourd'hui, elle concerne les patients Covid comme les patients non Covid parce que surcharger le système de santé avec des patients Covid pour répondre à l'épidémie, c'est aussi déprogrammer et reprogrammer pour plus tard des maladies pour lesquelles l'impact sur la morbidité et la mortalité est important, en particulier les cancers, les maladies cardiovasculaires sévères, etc.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.