Covid-19 : "Les soignants sont fatigués et l'hôpital n'est pas prêt", constate le fondateur du collectif Santé en danger
Le médecin Arnaud Chiche a été satisfait d'entendre le président Emmanuel Macron reconnaître la fatigue des soignants lors de son interview télévisée du 14 octobre 2020.
"J'ai trouvé un président qui était face à la réalité. Mais j'aurais aimé entendre l'acte 2 : 'Je ne laisserai plus des soignants éprouvés de la sorte et je ne laisserai plus un hôpital souffrir'", a réagi Arnaud Chiche, médecin anesthésiste réanimateur et fondateur du collectif Santé en danger, jeudi 15 octobre sur franceinfo, au lendemain de l'interview d'Emmanuel Macron."Les soignants sont fatigués, on est moins nombreux qu'en mars. Et l'hôpital n'est pas prêt", a-t-il ajouté. Pour lui, "le gouvernement doit rendre sexy les professions de santé".
franceinfo : Nos soignants sont fatigués, mais nous avons appris de la première vague", a dit mercredi 14 octobre Emmanuel Macron. Est-ce que c'est le cas à l'hôpital ?
Arnaud Chiche : Les soignants sont fatigués, je suis heureux de l'entendre. C'est effectivement le premier membre de l'exécutif que j'entends poser un diagnostic sérieux. Oui, les soignants sont fatigués. Oui, on est moins nombreux qu'en mars. C'est vrai, il l'a dit. Et oui, l'hôpital n'est pas prêt. Depuis mars, il y a des gens qui ont été abîmés. Il y en a qui ont changé de métier. Les équipes de réanimation ont du mal à conserver le même nombre de lits. Le Ségur n'a absolument pas donné envie. L'enjeu du Ségur cet été, même si on sait que les mesures mettent du temps à arriver, ça aurait été d'être incitatif. Si le Ségur avait été puissant, je pense qu'on aurait pu créer une petite vague de soignants vers l'hôpital.
Aucune des mesures du secteur de la santé n'est visible aujourd'hui à l'hôpital ?
Comment voulez-vous qu'on embauche quand les conditions ne sont pas bonnes ? Comment voulez-vous qu'on embauche quand on dit à des soignants 'Venez, on va faire du Covid-19, et si vous êtes positif, vous viendrez travailler quand même' ? C'est quand même le métier le moins sexy du monde aujourd'hui. Le gouvernement doit rendre sexy les professions de santé. Depuis mars, les médecins ont appris sur le Covid-19. On le soigne mieux, assurément. Le gouvernement n'a rien fait. Le gouvernement aurait dû faire un retour d'expérience. Le gouvernement aurait dû tirer des conclusions d'organisation de la santé et de la société. Rien n'a été fait. J'ai senti un président assez honnête, assez lucide sur la situation. J'espère qu'il est sincère. J'aurais aimé entendre l'acte 2. 'Je ne laisserai plus des soignants éprouvés de la sorte et je ne laisserai plus un hôpital souffrir', ça je ne l'ai pas entendu. Mais j'ai trouvé un président qui était face à la réalité.
Est-ce que le matériel est là ? Les masques, les gants, les blouses qui vous avaient tant manqué il y a six mois ?
C'est aux forceps. Les masques, je pense que c'est quand même la ligne la moins tendue. Mais il y a quelques jours, dans un bloc opératoire de France, il n'y avait pas de gants stériles. Ça fait deux mois qu'il y a une pénurie. C'est la réalité, les infirmières m'appellent. Au sujet des surblouses, on travaille tous avec des sacs poubelle percés. Est ce que c'est normal ? C'est encore le cas aujourd'hui. Ça fait trois mois que je le dis. Qu'a fait l'État depuis mars ? Où est la plateforme de commande ? Est-ce que je dois aller moi-même en Chine ? Il a fait quoi, Jean Castex ? C'est impardonnable.
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