Covid-19 : pourquoi la situation semble désormais hors de contrôle en Inde
Dans ce pays qui compte environ 1,3 milliard d'habitants, quelque 700 000 cas ont été dépistés en deux jours. Le système de santé est au bord de l'explosion.
La courbe des nouvelles contaminations est devenue verticale. L'Inde a recensé dimanche 25 avril près de 350 000 contaminations au Covid-19 en 24 heures, un pic jamais enregistré jusqu'alors dans le monde. Dans le second pays le plus peuplé de la planète après la Chine, avec 1,3 milliard d'habitants, l'épidémie explose. Franceinfo vous explique pourquoi certains signaux sont particulièrement alarmants.
Parce qu'il y a eu plus de 700 000 cas en deux jours
Les chiffres donnent le vertige. Déjà très élevé, le rythme des contaminations s'est encore emballé. Il y a dix jours, l'Inde dépistait 200 000 cas par jour. Depuis deux jours, elle est passée à 350 000 nouveaux cas quotidiens. Au total, il s'agit du pays le plus touché après les Etats-Unis: plus de 16,9 millions d'Indiens ont contracté la maladie, selon les données (en anglais) de l'université Johns-Hopkins.
Parallèlement, plus de 5 000 morts du Covid-19 ont été dénombrés depuis vendredi. Cependant, de l'avis général, ce chiffre est probablement très sous-estimé "dans un pays où le nombre de crémations dépasse de loin les chiffres officiels", souligne Sophie Golstein, journaliste de TV5 Monde, en citant une enquête du Financial Times sur Twitter.
Progression exponentielle de l'épidémie en #Inde, où le nombre de crémations, notamment, dépasse de loin les chiffres officiels ... l'enquête du FT, à dérouler #India https://t.co/2a3tVBXiNj
— Sophie Golstein (@FreeBEEz) April 23, 2021
Face à cette situation alarmante, la chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré dimanche que son gouvernement se préparait à fournir une aide d'urgence à l'Inde. Aucun détail n'a été donné dans l'immédiat. Mais l'hebdomadaire Der Spiegel a indiqué, en citant des sources anonymes, que les forces armées allemandes avaient reçu la demande d'aider à organiser l'approvisionnement en oxygène.
Parce que les hôpitaux manquent de tout
Pour ne rien arranger à cette situation alarmante, le système de santé est au bord de l'explosion, raconte la correspondante de France 2 sur place. Surchargé, un hôpital de la capitale New Delhi n'a ainsi plus le choix, explique-t-elle dans un reportage : face à l'afflux de patients et au manque de places, les malades doivent être soignés dans la rue, où ils meurent parfois.
À l'entrée des urgences, décrit-elle encore, un corps sans vie est abandonné. Un homme attend désespérément qu'un lit se libère pour son oncle. "Je suis là depuis 10 heures ce matin, aucun hôpital ne veut de lui. J'en ai essayé quatre au total mais ils me renvoient tous ailleurs", regrette-t-il.
New Delhi, qui compte 20 millions d'habitants, est l'agglomération indienne la plus touchée par l'épidémie. Un confinement y a été décrété pour tenter d'atténuer la pression sur les hôpitaux, confrontés à une grave pénurie d'oxygène. Au point que les appels à l'aide se multiplient sur les réseaux sociaux pour trouver justement de l'oxygène, ou un lit libre à l'hôpital. Tous les moyens sont bons. Certains rescapés du Covid-19 s'engagent, se muant parfois en véritable héros, comme Gaurav Rai alias "Oxygen Man" : pour tenter de sauver des vies, ce dernier livre des bouteilles d'oxygène, gratuitement, dans sa ville, Patna (deux millions d'habitants), au nord du pays.
La crise met en lumière la vétusté du système de santé, et les Etats indiens se livrent désormais à une "guerre sans merci" afin de "servir en priorité leurs hôpitaux" en oxygène, détaille Le Monde (article réservé aux abonnés). Le quotidien rapporte le recours à des hommes armés pour protéger les fabricants, et les files interminables devant les bâtiments "tant la demande a explosé". Parallèlement, la colère monte contre l'impréparation du gouvernement fédéral face à cette vague épidémique.
Pour faire redescendre le thermomètre, l'exécutif a demandé à Twitter de supprimer certains messages critiquant sa gestion de l'épidémie, affirme le site The Verge (article en anglais). Le réseau social a confirmé dimanche avoir supprimé, à la requête des autorités indiennes, des dizaines de tweets, dont certains dénonçant la faiblesse des ressources dans les hôpitaux où des patients ont péri du fait de pénuries d'oxygène.
Parce que le variant détecté dans le pays pourrait jouer un rôle
Au-delà de l'impréparation ou du système de santé obsolète, le variant repéré en Inde (B.1.617 de son nom scientifique) est soupçonné d'être un des facteurs à l'origine de la flambée des cas dans le pays. Il est ainsi devenu majoritaire dans l'Etat du Maharashtra, qui abrite la capitale économique de l'Inde, Bombay. Ce variant est "comme celui d'Afrique du Sud ou du Brésil. Ce sont des variants de la souche originelle de Wuhan qui ont acquis des mutations en circulant beaucoup au sein d'une population qui n'était pas immunisée", a exposé sur franceinfo Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine à Paris.
Ce variant est aussi soupçonné de pouvoir causer un "échappement immunitaire". En clair, "il pourrait déjouer les anticorps" produits lors d'une précédente infection ou lors d'une vaccination et donc leur résister, avait expliqué Rakesh Mishra, directeur en Inde du Centre de biologie cellulaire et moléculaire, sur France 2.
Faut-il s'inquiéter de ce variant en France ? Selon la cartographie établie par Santé publique France, il n'y a eu, à la date du 21 avril, que deux cas liés à ce variant, "importés aux Antilles françaises" et repérés par les autorités sanitaires. Cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas davantage, tous les cas n'étant pas identifiés dans l'Hexagone. En France, une quarantaine de dix jours est désormais imposée aux passagers des vols en provenance de l'Inde.
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