Covid long : ce qu'il faut retenir d'une nouvelle étude qui pointe un dérèglement immunitaire, et ouvre des pistes de dépistage et de traitement
Quatre ans après son apparition, c'est une pathologie qui reste mal comprise. Le Covid long, dont on estime qu'il touche environ 10 à 20% des patients infectés par le Sars-CoV-2 selon l'OMS, pourrait être mieux diagnostiqué et traité grâce aux résultats d'une équipe de chercheurs de l'université et de l'hôpital de Zurich (Suisse). Dans un article publié dans la revue Science, vendredi 19 janvier, ils affirment que cette maladie prolongée est associée à un dérèglement immunitaire qui laisse des traces dans le sang, ce qui pourrait faciliter son dépistage et aider à apporter une réponse aux malades. Franceinfo résume ce qu'il faut retenir de cette étude.
Une composante du système immunitaire perturbée
Le travail de cette équipe suisse repose sur des analyses du sérum sanguin, c'est-à-dire la partie liquide du sang, purgée de ses cellules et des protéines participant à sa coagulation. Les chercheurs ont scruté les protéines présentes dans le sérum de 152 personnes, dont 113 ont été infectées par le Covid-19. Après six mois, 40 des patients présentaient des symptômes du Covid long.
Dans le sérum de ces derniers, les scientifiques ont observé une modification des protéines liées au système du complément, qui participe à la réaction immunitaire et aide notre organisme à lutter contre les infections. "Chez les patients atteints du Covid long, le système du complément ne revient pas à l'état de repos comme il le devrait", mais se maintient en éveil, a expliqué le responsable de l’étude, Onur Boyman, à l'agence de presse suisse Keystone-ATS, citée par le quotidien helvète Le Temps.
Une explication possible à la diversité des symptômes
L'anomalie observée par les chercheurs n'est pas sans conséquences : "Si le système du complément reste activé, il s’attaque aux cellules saines de différents organes et les endommage ou les détruit", explique le chercheur Onur Boyman, qui est également directeur de la clinique d’immunologie de l’hôpital universitaire de Zurich.
"Nous avons trouvé une autre pièce du puzzle du Covid long, qui explique également pourquoi cette maladie peut entraîner des symptômes aussi variés", estime le scientifique. Elle se manifeste en effet aussi bien par de la fatigue que des troubles cognitifs, de l'attention ou de la mémoire. "Les patients parlent de brouillard cérébral", a relevé auprès de franceinfo Eric Guedj, chef du département de biophysique et médecine nucléaire des hôpitaux universitaires de Marseille. "Des troubles cardiaques sont aussi possibles", ajoute-t-il.
Des pistes pour le dépistage et le traitement, qui doivent encore être testées
A l'heure actuelle, identifier le Covid long est compliqué. Les symptômes peuvent se confondre avec ceux d'autres maladies. La définition adoptée par l'Organisation mondiale de la santé souligne cette difficulté, car elle attribue au Covid long tout symptôme apparu dans les trois mois qui suit une contamination, qui dure au moins deux mois et n'a pas d'autre explication. Un constat par défaut, faute de marqueur spécifique à cette maladie.
S'ils se confirment, les résultats de l'étude des chercheurs de l'université de Zurich suggéreraient un moyen plus fiable de reconnaître la maladie, et la distinguer d'autres pathologies. Toutefois, le dépistage ne s'annonce pas aisé pour autant, car les scientifiques ont eu recours à une méthode complexe, qui ne peut être utilisé de façon quotidienne dans les hôpitaux ou les laboratoires, reconnaît Onur Boyman auprès de Keystone-ATS.
Les observations de cette nouvelle étude pourraient également montrer la voie vers un traitement. Le chercheur suisse relève qu'"il existe déjà des entreprises qui développent des inhibiteurs du complément", des médicaments qui atténuent l'action de cette composante du système immunitaire, déjà employés pour traiter d'autres maladies auto-immunes. Mais l'étude ne tranche pas sur leur efficacité potentielle contre le Covid long.
D'autres chercheurs, qui n'ont pas participé à cette étude, appellent à la prudence et à la patience. Le professeur David Lynn, spécialiste du système immunitaire à l'université Flinders (Australie) souligne ainsi que d'autres travaux récents ont mis en évidence le rôle du système du complément. "Beaucoup de travail doit encore être fait pour comprendre les différents mécanismes qui ont été avancés dans ces différentes études, et plus important encore, pour développer de nouveaux traitements fondés sur ces découvertes", prévient-il, cité par le Science Media Center.
Cette même source rapporte également les propos de Peter Openshaw, professeur de médecine expérimentale à l'Imperial College de Londres : "Il est important de souligner qu'il serait prématuré de donner de nouveaux traitements aux patients sur la base de ces découvertes, mais l'étude montre la façon dont de nouvelles thérapies pourraient être testées dans de futurs essais (dont certains sont déjà en cours)."
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