Déconfinement : il faudra "un effort énorme pour détecter les cas, les isoler, les retrouver", prévient un chercheur en épidémiologie
Dans une étude publiée par l'Institut Pasteur, le docteur Simon Cauchemez estime que moins de 5,7% des Français auront contracté le Covid-19 d'ici la fin du confinement.
Moins de 6% des Français auront été infectés par le coronavirus au 11 mai, date de début du déconfinement, selon une estimation de l'Institut Pasteur, publiée mardi 21 avril et réalisée en collaboration avec Santé publique France et le CNRS à partir des données d'hospitalisation françaises et d'enquêtes épidémiologiques. Pour bénéficier de l'immunité collective, il faudrait que 70% de la population ait été infectée.
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"Cela met en avant la difficulté dans laquelle on se trouve" à l'approche du déconfinement, a estimé sur franceinfo le docteur Simon Cauchemez, responsable de l'unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur et auteur principal de l'étude. "Il faudra fournir un effort très important au-delà du confinement", a-t-il ajouté car il faudra "être quasiment aussi efficace que le confinement, mais sans le confinement".
franceinfo : Si ce chiffre est autant marquant, c'est qu'on semble très loin des chiffres souhaités pour bénéficier de l'immunité collective ?
Simon Cauchemez : Si on est très loin de ces 70%, c'est justement parce que le confinement a marché. C'est le confinement qui a fait qu'on a pu passer de 700 admissions en réanimation par jour fin mars à 200 admissions environ maintenant. C'est vraiment l'objectif qu'on voulait, éteindre la transmission. Parce que sinon, pour atteindre ces 70%, il faudrait laisser filer le virus dans la population et on sait qu'on aurait une autre crise sanitaire. Cela met en avant la difficulté dans laquelle on se trouve maintenant : si on relâche les mesures de contrôle de façon complète, on s'attend à une reprise de l'épidémie.
Le confinement a marché et en même temps on se trouve sous la menace d'une deuxième vague ?
Dès le départ, on savait qu'on avait en fait deux options difficiles. La première est donc de laisser filer et d'avoir une crise sanitaire. La deuxième, c'est de confiner. Mais dans ces cas-là, on sait qu'au moment du déconfinement, il y a un risque de reprise. Et donc, potentiellement, si on relâche tout, de deuxième vague et donc de reconfinement. Voilà la difficulté de cette situation.
Quelles sont les préconisations ? Comment voyez-vous les pistes pour faire face à cette nouvelle menace ?
Pour la sortie du confinement, il va falloir qu'on mette en place des stratégies qui ont un impact quasiment aussi important en termes de réduction de la transmission, mais qui permettent qu'il y ait un coût moindre pour la société française. C'est être quasiment aussi efficace que le confinement, mais sans le confinement. Cela va passer sans doute par tout ce dont on parle en ce moment, c'est-à-dire de faire un effort énorme pour être capable de détecter les cas, les isoler, retrouver les contacts, les isoler. C'est en développant ces stratégies que l'on va, on l'espère, pouvoir, autant que possible, relâcher les mesures de distanciation sociale. C'est vraiment un défi énorme.
La proportion des personnes contaminées est plus importante en Île-de-France et dans le Grand Est que dans le reste de la France. Cela veut dire des mesures différenciées sur le territoire ?
Il continue à y avoir de l'incertitude assez importante autour de ces 6%. Si on prend en compte l'incertitude, on est entre 3 et 10 % au national et il y a aussi des variations d'une région à l'autre. Que l'on soit à 3%, à 6% ou à 12%, ce que l'on estime actuellement pour l'Ile-de-France et le Grand Est, en termes de santé publique, cela ne change sans doute pas grand-chose. Dans tous les cas, on est très en dessous de ces 70%, donc il faudra fournir un effort très important au-delà du confinement.
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