: Infographies Covid-19 : quelles sont les entreprises qui ont évité la faillite grâce aux aides de l'Etat ?
Après plus d'un an de crise économique liée à la pandémie de Covid-19, franceinfo a passé au crible les ouvertures de procédures collectives dans les tribunaux de commerce.
La stratégie du "quoi qu'il en coûte" a porté ses fruits. Alors que l'économie française a enregistré une récession record jamais observée depuis la Seconde Guerre mondiale (-8,3% du PIB sur l'année 2020), le nombre de faillites bat également des records... mais à la baisse. "Nous n'avons pas connu aussi peu de défaillances d'entreprises depuis 30 ans", affirme Thierry Millon, directeur d'études au cabinet Altares, interrogé par franceinfo.
Le nombre de sociétés épargnées depuis mars 2020 par rapport aux années précédentes se compte en dizaine de milliers. Une situation exceptionnelle qui ne pourra pas durer. "A un moment, il faudra que la crise s'exprime", prévient Lionel Nesta, économiste à l'université Côte d'Azur de Nice. Certains experts prédisent "un mur de faillites", c'est-à-dire des banqueroutes en cascades dans un laps de temps très court. D'autres, au contraire, affirment que le rattrapage sera progressif et s'étalera sur plusieurs mois voire des années.
Pour mesurer l'ampleur de la baisse actuelle des faillites, franceinfo a passé au crible l'activité des tribunaux de commerce. C'est dans ces prétoires, où les patrons jugent les patrons, que se joue l'avenir des entreprises en difficulté. Grâce aux données en libre accès du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc), nous avons comptabilisé les ouvertures de redressements et de liquidations judiciaires*.
Les entreprises concernées par ces deux types de procédures sont dites "défaillantes" : elles sont en cessation de paiement, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent plus payer leurs factures. L'analyse de ces données montre une baisse importante et continue du nombre de procédures, principalement dans les secteurs les plus aidés par le gouvernement.
Des faillites en chute libre en 2020
La projection de l'évolution cumulée des ouvertures de procédures par année montre l'ampleur du décrochage entre 2020 et 2019. Les deux courbes se détachent dès la semaine du 17 mars, c'est-à-dire au moment du premier confinement. Les tribunaux de commerce étaient alors fermés, ou cantonnés à une activité extrêmement réduite. En mai 2020, la courbe des défaillances repart à la hausse. Mais la différence qui s'est créée pendant le confinement n'est pas rattrapée. Elle va au contraire continuer de s'accroître au fil des semaines. Finalement, d'après le décompte de franceinfo, l'année 2020 s'est terminé avec un peu plus de 24 000 dépôts de bilan contre plus de 40 000 en 2019, soit une baisse de 40%.
La baisse se confirme en 2021
Loin de se résorber, la forte baisse constatée en 2020 s'est poursuivie en 2021, en restant à des niveaux proches des creux traditionnellement observés au mois d'août d'une année normale. Dans un premier temps, les économistes avaient mis la baisse du nombre de banqueroutes sur le compte d'une mesure administrative prise dans la foulée du premier confinement. Entre mars et août 2020, le gouvernement avait suspendu l'obligation de se présenter au tribunal de commerce en cas de situation de cessation de paiement pour l'ensemble des entreprises françaises. Mais les tribunaux de commerce ne se sont pas remplis, même après l'expiration de cette "immunité", le 24 août 2020. Aujourd'hui, les experts imputent la chute du nombre de faillites à deux phénomènes : les aides de l'Etat et l'arrêt temporaire des assignations en justice par les organismes collecteurs des cotisations sociales (Urssaf).
Les secteurs les plus soutenus par l'Etat sont les plus épargnés par les procédures
Au total, il y a eu près 23 000 procédures d'entreprises défaillantes ouvertes en moins, dont 13 000 en liquidation judiciaire, entre mars 2020 et avril 2021, en prenant 2019 comme année de référence. En toute logique, la chute est particulièrement forte dans les secteurs les plus frappés par les restrictions sanitaires, et donc les plus soutenus par l'Etat : 2 178 liquidations judiciaires en moins dans l'hébergement et la restauration (-48,1%) et 3 894 en moins dans le commerce (-45,8%). Ainsi parmi les principaux bénéficiaires des prêts garantis par l'Etat (PGE) figurent le commerce (32,7 milliards d'euros), l'industrie (22,1 milliards) et la construction (11,8 milliards). De même, près de la moitié du fonds de solidarité (plus de 28 milliards d'euros), a été distribué entre les secteurs de l'hébergement-restauration (9,8 milliards) et du commerce (3,7 milliards).
Un constat qui ne concerne pas les grandes entreprises
En réalité, la baisse des faillites concerne principalement les petites et les moyennes entreprises (PME) ainsi que les entrepreneurs individuels puisqu'elle regroupe autour de 99% des dossiers traités dans les tribunaux de commerce. Il en va en revanche tout autrement pour les entreprises de plus grande taille (de plus de 250 salariés). Avec 260 défaillances en 2020 contre 182 en 2019, les gros employeurs ont été beaucoup plus nombreux dans les tribunaux de commerce. Parmi ces entreprises figurent notamment Camaïeu et La Halle dans le prêt-à-porter, Presstalis dans l'édition ou encore l'enseigne de distribution spécialisée Bio C'Bon. Ces sociétés, déjà en mauvaise posture au début de l'année 2020, se sont retrouvées d'autant plus exposées pendant la pandémie.
* Note méthodologique : ce travail s'appuie sur les données en libre accès issues du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). Conformément aux recommandations de la Direction de l'information légale et administrative (Dila), seules les informations faisant état de jugements d'ouverture de procédures collectives ont été traitées, ces données étant les plus pertinentes pour une comparaison du nombre de nouvelles procédures sur plusieurs années. Ces données ont ensuite été croisées avec le Système national d'identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements (Sirene) géré par l'Insee. Les procédures concernant des entreprises ne faisant pas partie du système productif (ainsi d'un grand nombre de sociétés civiles immobilières) ou des associations de type loi 1901 ont été écartées de la base étudiée.
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