Isolement en Ehpad : "Il faut que les familles des résidents en France se révoltent", estime un médecin
Alors qu'Emmanuel Macron a appelé ce mardi à ne pas "isoler nos aînés", Marcellin Meunier, ancien médecin coordinateur en Ehpad juge "indigne" la limitation des visites aux résidents dans certaines villes.
"Nous ne souhaitons pas, collectivement, isoler à nouveau nos aînés", a affirmé Emmanuel Macron lors d'un déplacement dans un Ehpad du Loir-et-Cher."Il faut que les familles des résidents en France se révoltent", a réagi sur franceinfo le docteur Marcellin Meunier, ancien médecin coordinateur en Ehpad en Vendée, démissionnaire en juin dernier pour protester contre le manque de moyens. "Il y a certains Ehpads qui se sont transformés en établissements pénitentiaires", juge-t-il.
franceinfo : Le chef de l'Etat a-t'il raison de ne pas vouloir "isoler à nouveau nos aînés", comme ce fut le cas lors du confinement ?
Marcellin Meunier : Oui. Est-ce que l'on veut que nos aïeux meurent en bonne santé, c'est à dire indemnes du Covid, ou est-ce que l'on veut qu'ils puissent vivre en voyant leurs proches, leurs amis, qu'ils puissent avoir leurs activités ? C'est la seule raison qu'ils ont de vivre. J'ai vu tant de gens qui sont tombés dans la déprime, qui ont présenté des complications psychologiques et physiques en rapport avec le déconfinement. C'est une grande tristesse ce qui se passe en France ces dernières semaines.
Est-ce qu'aujourd'hui, les moyens sont là, est-ce que le personnel n'est pas trop épuisé, alors que l'épidémie de coronavirus semble repartir avec 121 clusters déjà détectés dans différents Ehpad de France ?
On part de très bas. La situation en France est bien, bien pire que dans les autres pays. L'OCDE, en juillet dernier, a sorti un rapport qui mettait en évidence le fait qu'en France, on a un ratio de 2,5 soignants pour 100 personnes de plus de 65 ans, contre une moyenne de 5 soignants dans les pays de l'OCDE. Et donc, il faudrait déjà rattraper la moyenne des pays comparables à la France pour partir à égalité. On parle de très loin avec du personnel épuisé, non reconnu financièrement et dans la formation, la progression de carrière.
Quelle tristesse de traiter des anciens comme des prisonniers alors qu'ils n'ont rien commis.
Marcellin Meunierà franceinfo
Il y a certains Ehpad qui se sont transformés en établissements pénitentiaires. J'ai des patients qui ont survécu, dans trois mètres sur trois mètres pendant six semaines, sans sortir, sans aller dans les espaces communs. Qu'est-ce qu'ils ont fait, ces gens à qui on appliquerait cette sanction, cette punition alors qu'ils ne peuvent rien dire ? Je trouve ça hautement indigne.
Dans plusieurs métropoles, les contraintes sanitaires se sont durcies, les visites réduites à deux personnes à Lyon, à Marseille, par exemple. Et à Nice, le maire Christian Estrosi a même stoppé les visites dans les Ehpad municipaux. Qu'en pensez-vous ?
Franchement, si on avait du personnel en nombre, plutôt que d'enfermer des personnes avec les précautions d'usage, avec du personnel protégé, on pourrait les promener individuellement dans les parcs et dans les stades. On pourrait les faire sortir, à trois mètres de distance, pour permettre de voir leurs familles en extérieur ou dans des grands espaces aérés. Il y a possibilité de ne pas transformer à nouveau les Ehpad en prison. Ce n'est pas possible. Il faut que les familles des résidents en France se révoltent. Traiter leurs anciens de cette façon avec Covid ou sans Covid, c'est indigne. Ça n'est pas possible. On n'a rien à leur reprocher. On ne doit pas leur infliger de telles peines.
La protection des personnes âgées sera évoquée lors du prochain conseil de défense. Quelles décisions faut-il prendre pour protéger au maximum, dans cette période, nos aînés ?
Il faut les protéger, mais il faut leur permettre de vivre. C'est l'équilibre dont parlait monsieur le Président, qu'il faut trouver. Il faut un véritable équilibre qui leur permette de vivre, d'espérer vivre et d'espérer la vie et de profiter de la vie. Les derniers moments qu'ils leur restent, qui consistent à voir les gens qu'ils aiment, le peu de personne qu'ils aiment. Ils ont perdu leurs amis, ils ont perdu leur travail, ils ont perdu beaucoup de leurs congénères et leurs familles. Le peu de visites qu'ils ont, il faut préserver ce lien social. Il est vital pour eux.
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