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"La hantise, c'est de revoir un débordement des hôpitaux", prévient l'infectiologue Anne-Claude Crémieux

L'infectiologue Anne-Claude Crémieux estime sur France Inter que la stratégie gouvernementale "peut être efficace", mais craint un nouvel engorgement des hôpitaux et le ras-le-bol des soignants.

Article rédigé par franceinfo
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Le service réanimation de l'hôpital de la Timone à Marseille (Septembre 2020, photo d'illustration).  (SPEICH FRV?DV?RIC / MAXPPP)

Le gouvernement a annoncé mercredi 23 septembre au soir un durcissement des mesures sanitaires dans de nombreuses villes pour tenter d'endiguer le regain de l'épidémie, avec notamment la fermeture totale ou anticipée des bars et restaurants dans certains secteurs. Cette stratégie "peut être efficace", estime la professeure Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l'Hôpital Saint-Louis et membre de l'Académie de médecine. "La hantise, c'est de revoir un débordement des hôpitaux", alerte-t-elle jeudi sur France Inter.

Anne-Claude Crémieux fait part de son "inquiétude, parce que la situation s'est effectivement dégradée. On ne parle plus de nombre de cas, on parle d'hospitalisations, on parle de patients en réanimation et on parle de patients graves. C'est un tournant. La hantise, c'est de revoir un débordement des hôpitaux, un débordement des réanimations, comme on l'a vu en mars. Donc, évidemment, c'est le moment de prendre des mesures supplémentaires".

Une stratégie "efficace"

La professeure en maladies infectieuses estime que la stratégie mise en place peut ralentir la progression du virus. "On le sait, il y a des données de la littérature scientifique qui montrent que le masque est efficace", tout comme "limiter le rassemblement à 10 personnes. Parce que ce qui aide la progression du virus, c'est une multitude de petits rassemblements." Anne-Claude Crémieux préconise ainsi d'éviter les réunions familiales "où les gens ne prennent pas de précautions, leur dire que les précautions, les gestes barrières ne s'arrêtent pas au pas de leur porte."

Concernant la fermeture des bars et restaurants, la professeure estime que "toute la difficulté est d'arriver à un équilibre". "Il y a un article qui vient de sortir qui montre que les personnes qui fréquentent les bars ou les restaurants ont quatre fois plus de chances d'être infectées. Parce qu'on le sait très bien, ce sont des situations dans lesquelles on ne garde pas le masque, bien sûr, et la distance sociale n'est pas toujours respectée", explique Anne-Claude Crémieux. Il faut donc arbitrer "entre le fait qu'on doit continuer sa vie et le fait de prendre des mesures qui sont destinées, et c'est vraiment important, à ralentir la circulation du virus".

La politique de test en question

"Le talon d'Achille de notre stratégie" ce sont les tests, pour l'infectiologue, qui plaide pour un dépistage massif de la population, même si elle reconnaît qu'il faut aujourd'hui "d'abord tester les personnes symptomatiques puis leurs contacts", "parce qu'on ne peut pas faire autrement"

"Aujourd'hui 80% des personnes qui sont infectées ne peuvent pas être reliées à un cas." Ainsi, en ne dépistant que les personnes symptomatiques et les cas contacts, "on va passer à côté de la majorité des personnes infectées, c'est-à-dire qu'on va laisser diffuser l'épidémie", estime Anne-Claude Crémieux, qui ajoute : "or, toute personne infectée qui est détectée et qui s'isole, c'est une petite victoire gagnée sur l'épidémie".

Le personnel soignant face à la lassitude

Des victoires qui ne suffisent plus pour le personnel hospitalier. "Aujourd'hui, il y a effectivement du personnel soignant qui s'en va de l'hôpital public par lassitude", prévient Anne-Claude Crémieux.

"C'est vrai que l'idée d'avoir de nouveau un effort important à fournir entraîne une certaine fatalité. Ce que l'on craint, c'est les difficultés de recrutement", poursuit l'infrectiologue. "Il est extrêmement difficile de recruter, même si de l'argent est dégagé, ça va être un problème."

"Ce que l'on craint par dessus tout, c'est de se retrouver dans une situation où il va falloir déprogrammer [des opérations hors Covid] de façon massive, parce que maintenant, nous avons le recul. Nous savons que cette déprogrammation va entraîner des dégâts sanitaires qui seront autant de conséquences et de décès qu'on cherche à éviter", ajoute Anne-Claude Crémieux.

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