Cet article date de plus de quatre ans.

La Poste américaine menacée par l’épidémie de coronavirus

Aux États-Unis, la crise sanitaire causée par le Covid-19 est doublée d’une crise économique sévère. Des milliers d’entreprises risquent de mettre la clé sous la porte, et même un service public emblématique, l’United States Postal Service, risque de ne pas pouvoir se relever de cette crise. 

Article rédigé par Grégory Philipps - Edité par Olivier Chauve
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Une boîte aux lettres de rue à Washington DC (États-Unis), le 22 avril 2020.  (GRÉGORY PHILIPPS / RADIO FRANCE)

L’histoire de l’United States Postal Service (USPS) se confond avec celle des États-Unis. La Poste américaine a été créée en 1775, quelques mois avant l’indépendance du pays. Son premier directeur n’était autre que Benjamin Franklin, l'un des Pères fondateurs des États-Unis. Le monde entier connaît le Pony Express et ses cavaliers qui distribuaient le courrier dans l’Ouest américain. Et aussi ces petites camionnettes blanches aperçues dans tant de films.

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Mais depuis plusieurs années, la Poste, agence indépendante rattachée au gouvernement fédéral, accumule les dettes : près de 161 milliards de dollars à la fin de l’année 2019. La directrice de l’USPS Megan Brennan estime à 13 milliards de dollars le manque à gagner lié à cette épidémie de coronavirus. Avant la pandémie, la Poste américaine traitait chaque jour 180 millions de lettres et colis. Son principal revenu : les envois groupés. "Mais quel magasin va envoyer en ce moment des prospectus pour faire de la publicité et vendre ses voitures, ses meubles ou ses articles de bricolage, s’interroge Mark Dimondstein, qui dirige le premier syndicat des postiers américains (American Postal Workers Union). Tous ces commerces sont fermés depuis plusieurs semaines maintenant. En conséquence, le volume de courrier à traiter a diminué de manière vertigineuse. Et nos revenus ont été brutalement divisés par deux."

Le coronavirus fatal à l'USPS ?

La crise est telle que l’USPS (qui avec 630 000 salariés est l’un des plus gros employeurs du pays) se demande aujourd’hui si elle pourra survivre au-delà de l’été. La représentante démocrate de New York Carolyn Maloney a estimé récemment que "les services postaux étaient sur la sellette". Le syndicaliste Mark Dimondstein confie aussi son inquiétude : "bientôt nous ne serons plus en mesure de remplir notre mission de service public, qui est de distribuer du courrier à tous les américains, où qu’ils se trouvent sur ce gigantesque territoire, et à un prix réduit. Notre administrateur explique que l’USPS pourrait mourir dès cet été, en juillet ou en août, si le Congrès ne fait rien et ne nous aide pas. Comment imaginer cela ? Sans parler du risque de perdre des centaines de milliers d’emplois, beaucoup d’entre eux tenus par des femmes, des afro-américains, des latinos. Tous payés pareil pour le même travail".

Devant un bureau de poste du quartier de Georgetown à Washington, où plus personne ne se presse, Matthew, un riverain, s’inquiète aussi pour l’avenir de ce service public : "J’aime l’idée d’un service postal qui me permette d’envoyer une lettre à l’autre bout du pays, et sans que cela ne me coûte très cher. Moi, j’habite la capitale fédérale et finalement, j’utilise assez peu leurs services. Je fais tout par internet, ou alors via Amazon ou Fedex. Mais pour ma sœur qui habite à la campagne, je mesure combien la Poste est utile."

Un service mis à mal par une concurrence rude

En vérité, les difficultés de l’USPS ne sont pas nouvelles. L’agence publique doit depuis des années faire face à la concurrence du courrier et des échanges électroniques. Elle affronte également celle des opérateurs privés tels que Fedex, Amazon, ou UPS qui à terme pourraient récupérer une partie de ses activités. Pour éviter d’en arriver là, le Congrès américain a déjà débloqué un prêt de 10 milliards de dollars à la Poste, soumis à l’approbation du Trésor. Il faudrait 80 milliards de plus pour permettre à l’entreprise d’affronter la crise, a compté la directrice de l’agence. Mais il semble que le sauvetage de la Poste américaine ne soit pas l’une des priorités de l’administration Trump. Ce dernier a régulièrement critiqué l’USPS, qu’il juge mal gérée, et "idéologiquement orientée" tant le taux de syndiqués y est important.

Malgré l'épidémie de Covid-19, l'US Postal poursuit son service, mais des mesures de sécurité sont appliquées dans ses bureaux, comme ici à Washington DC (États-Unis), le 22 avril 2020. (GRÉGORY PHILIPPS / RADIO FRANCE)

En attendant d’en savoir plus sur l’avenir de leur entreprise, les 630 000 postiers américains continuent de travailler dans les 30 000 bureaux répartis sur tout le territoire. Et ils distribuent le courrier six jours sur sept, parfois au péril de leur santé. Selon les syndicats de l’USPS, environ 900 facteurs et factrices ont été contaminés par le Covid-19. Et des milliers sont chez eux, placés en quarantaine.

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