Le sport et le Covid-19, le vaccin de la discorde
Le monde du sport, notamment aux États-Unis, a globalement repris ses droits partout dans le monde, mais une zone d'ombre subsiste autour du Covid-19, celui du vaccin.
"Être vacciné ou ne plus jouer" : Andrew Wiggins ou le dilemme à 15,8 millions de dollars (la moitié de son salaire). Le basketteur canadien a fait parler de lui dans le microcosme NBA, et même au-delà. Le joueur des Golden State Warriors s'est résolu à être vacciné contre le Covid-19 samedi 2 octobre, après avoir longtemps été un des visages des sportifs US non-vaccinés du sport US. À l'image de la société entière, le monde du sport vit ainsi avec le coronavirus, ses contraintes, ses besoins et ses zones de friction.
Comme Wiggins, d'autres sportifs ont été ou continuent d'être réticents à l'idée de se faire vacciner, un sujet devenu central dans les préoccupations de ces pratiquants professionnels. Le joueur de la franchise de San Francisco et les autres voient les regards se braquer sur eux, et de nombreuses questions être soulevées. Qui n'ont pas dans le sport trouvé de consensus.
Une dichotomie, et pas vraiment d'entre-deux
Certains acteurs du monde du sport sont devenus de fervents militants pour la cause de la recherche, à l'image du Racing 92 en rugby ou de l'Olympique de Marseille. Dans une opération mêlant santé publique et communication, le club phocéen avait fait de la vaccination de son effectif une vraie campagne sur les réseaux sociaux pour inciter la population à recevoir ses doses.
Gaël Monfils ou encore Kylian Mbappé se sont aussi mis en avant, sparadrap au bras sur leurs différents comptes. L'attaquant de l'équipe de France de football avait ainsi eu le droit aux félicitations d'Emmanuel Macron lors d'un rassemblement des Bleus avant l'Euro, transformant une piqûre en un acte politique.
D'autres sportifs avaient pour leur part refusé de prêter leur image et leur nom à la cause de la vaccination. "Ce n'est pas mon rôle de dire aux gens ce qu'ils devraient manger, ce qu'ils devraient boire, ce qu'ils devraient injecter dans leur corps, avait expliqué le pivot de l'équipe de France de basket Rudy Gobert à franceinfo: sport le 16 septembre. Je prends une décision sur ce que je pense être bien pour moi." Gobert, dont le test positif au Covid-19 avait été l'élément déclencheur de la suspension de la saison NBA en 2020, laisse le public comme le seul juge de ses responsabilités. Certains de ses confrères se sont montrés autrement plus vocaux.
Le circuit du tennis professionnel a un temps été la principale tribune du sport autour de la question de la vaccination. La majorité des "anciens" de l'ATP comme Roger Federer, Rafael Nadal ou encore Andy Murray ont plaidé pour une vaccination la plus rapide possible du monde de la balle jaune. Mais une partie de la jeune garde, Daniil Medvedev et Stefanos Tsitsipas en tête, s'était montrée bien réservée sur la question. Il a fallu une intervention en haut lieu du gouvernement grec pour que Tsitsipas ne change de "camp". Avant l'US Open fin août, à peine plus de la moitié de joueurs masculins étaient vaccinée. Loin, très loin même, des chiffres enregistrés par les championnats nord-américains comme la NFL ou la NBA.
"Je ne suis pas pour ou anti-vaccin, je suis pour la liberté de choix."
Cole Beasley, joueur des Buffalo Bills
Les sports collectifs voient la "force du groupe" souvent pousser les joueurs et joueuses à suivre la majorité à la différence des sports individuels comme le tennis. Malgré plus de 95 % de joueurs ayant reçus au moins une dose, les ligues de football américain (NFL) et de basket (NBA) n'en sont pas moins délestées des polémiques et débats houleux sur la question de la vaccination. La NFL s'est pourtant montrée parmi les plus fermes dans le monde du sport, avec des restrictions lourdes contre les joueurs non-vaccinés. Les sanctions peuvent aller jusqu'à des matches perdus par forfait si une équipe ne peut trouver une date de report à une rencontre repoussée suite à des cas de Covid de joueurs non vaccinés.
Cela n'a pas empêché le joueur des Buffalo Bills Cole Beasley d'être hué par son propre public pour avoir publiquement exprimé son refus d'être vacciné. "Je ne suis pas pro ou anti-vaccin, je suis pour la liberté de choix" avait lâché Beasley dans un communiqué lu en conférence de presse.
A statement from WR Cole Beasley: pic.twitter.com/MWNEHC9Dgv
— Buffalo Bills (@BuffaloBills) July 28, 2021
Si la NBA, contrairement à la NFL, a décidé de laisser les villes dans lesquelles évoluent ses franchises dicter les règles sanitaires, la principale ligue de basket au monde s'est montrée intransigeante quant à leur application. La ville de San Francisco a ainsi imposé la vaccination pour toute personne souhaitant se rendre à une manifestation d'envergure en intérieur, comme les rencontres sportives, y compris pour les joueurs.
Des convictions contre des millions, le cas d'école Kyrie Irving
Plus marquante encore que la situation d'Andrew Wiggins, celle de Kyrie Irving est peut-être la principale interrogation avant la reprise de la saison NBA le 19 octobre prochain. Le joueur des Brooklyn Nets fait partie des opposants les plus farouches au vaccin, allant jusqu'à liker sur les réseaux sociaux les théories d'un des plus fameux complotistes des États-Unis. Superstar, champion olympique 2016 et vice-président du syndicat des joueurs, Irving est une figure de la NBA et un de ses plus fervents activistes sur les questions sociales et raciales, comme durant le mouvement "Black Lives Matter".
Confronté au même cadre dans la région de New York qu'à San Francisco, le meneur de jeu n'est pas autorisé à prendre part aux matches de sa formation, ni même aux conférences de presse, auquel il prend part depuis son salon par visioconférence. Dossier ubuesque jusqu'au bout : il n'a pu obtenir l'accès au centre d'entraînement des Nets que le vendredi 8 octobre – bien après le début de la reprise – grâce à une zone d'ombre juridique du règlement sanitaire de la Big Apple.
Le gymnase d'entrainement de la franchise de Brooklyn est ainsi considéré comme un espace privé, au contraire du Barclays Center, où évolue l'équipe à domicile. Le joueur pourrait manquer au minimum 41 de 82 rencontres prévues au calendrier, et ainsi perdre jusqu'à 15 millions de dollars (380 000 dollars par matchs manqués). Sa franchise, suspendue aux lèvres de sa vedette, fait face à un drôle de dilemme : consentir à avoir Irving à mi-temps uniquement à l'extérieur, ou se priver totalement de son joueur par souci d'équilibre et d'équité vis-à-vis du reste de l'équipe.
Le vaccin ou la porte ?
En NHL, la ligue de hockey, les Columbus Blue Jackets n'ont pas hésité. Une de leurs recrues de l'été, Zac Rinaldo, n'a pas été invité au camp de pré-saison pour avoir refusé de se faire vacciner. "C'est un sujet très important pour nous, un sujet où le collectif prime, s'est défendu John Davidson, président de la franchise. Nous gagnons en équipe, nous perdons en équipe. Comme nous continuons de traverser cette pandémie, nous devons faire ce que nous avons à faire. Je suis fier de notre effectif et qu'il reconnaisse à quel point il est important pour nous de nous protéger et de protéger les autres."
Les Brooklyn Nets jouent pour le moment la montre pour ne pas braquer Kyrie Irving. Difficile d'imaginer un des joueurs majeurs de son sport être simplement licencié pour ses convictions. Pour ces mêmes convictions, certaines personnes jusque dans le corps médical ont pourtant bien perdu leur emploi.
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