Municipales : les élections en France peuvent-elles être annulées à cause du coronavirus ?
Le report du scrutin est prévu par le droit, mais il n'est pas "envisagé" par le gouvernement pour l'instant. Et les possibilités de contestation des candidats ou des électeurs confinés à cause de l'épidémie sont réduites.
Un décès et de nouveaux cas de contamination en France, une maire normande confinée chez elle après un séjour à Venise, l'épidémie qui grandit chez nos voisins italiens... A deux semaines du premier tour des élections municipales, le Covid-19 pourrait-il perturber le scrutin ?
Un report des élections n'est pas à l'ordre du jour, a assuré, jeudi 27 février, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. "Compte tenu des données qui sont portées à notre connaissance, nous n'envisageons pas d'empêcher les élections municipales", a-t-elle répondu, interrogée par Europe 1 sur une telle éventualité.
>> Coronavirus Covid-19 : suivez l'évolution de la situation dans notre direct
L'hypothèse a-t-elle néanmoins été étudiée par le gouvernement ? "J'ai participé à toutes les réunions ministérielles qui concernent le coronavirus : dans aucune de ces réunions ministérielles la question ne s'est posée d'annuler les élections municipales", a-t-elle assuré.
Un cas de force majeure ?
"Le scrutin des municipales est un dispositif très lourd et très cher à organiser, et le repousser aurait de multiples conséquences, par exemple sur l'équilibre des comptes de campagne. Le gouvernement fera donc tout pour le maintenir", explique auprès de franceinfo Bruno Daugeron, professeur de droit public à l'université Paris-Descartes. Si la situation s'aggravait au point de devoir fermer des écoles et de confiner des villes, comme dans certaines villes italiennes, alors le gouvernement pourrait néanmoins changer d'avis, et estimer qu'il s'agit d'un "cas de force majeure".
Le report de l'élection serait possible par l'adoption d'une loi ordinaire par la majorité parlementaire, ou directement par un décret du Premier ministre. Cela ne serait d'ailleurs pas la première fois que le calendrier électoral serait modifié. Initialement prévues en mars 2007, les municipales de mars 2008 avaient ainsi été repoussées d'une année en raison de la multiplication des scrutins majeurs prévus cette année-là – présidentielle et législatives. "La situation actuelle est néanmoins particulière parce qu'on est très près du scrutin", relève Jean-François Kerléo, professeur de droit public à l'université d'Aix-Marseille.
Des possibilités théoriques de report
Même si le scrutin est maintenu par le gouvernement –cas le plus probable– "n'importe quel électeur qui serait confiné le jour du scrutin, et donc empêché d'aller voter, pourrait toujours demander le report des élections via un référé liberté devant le tribunal administratif en arguant qu'il est privé de sa liberté de suffrage", ajoute Bruno Daugeron. Mais "le juge met en balance le droit de suffrage d'une personne et l'annulation de tout un scrutin. Et il est probable que priver un électeur de son droit de suffrage ne justifie pas le report". En d'autres termes, tant que de nombreux électeurs ne sont pas empêchés de se rendre aux urnes, la justice maintiendra très certainement le scrutin.
Par ailleurs, "le fondement de l'impossibilité d'aller voter n'existerait probablement pas en l'espèce, car les recommandations du ministère de la Santé n'ont pas de valeur juridique" même s'il est demandé de les suivre pour le bien de tous, ajoute Jean-François Kerléo.
Un candidat confiné aurait-il plus de succès à faire annuler l'élection ? Le cas se pose déjà alors qu'Hélène Burgat, maire sortante de Mondeville (Calvados), est en confinement après être rentrée mercredi 19 février d'un séjour à Venise, en Italie, zone très touchée par l'épidémie.
"Tant qu'un candidat a déposé sa liste"
Pourrait-elle demander le report de l'élection dans sa commune, au prétexte qu'elle a été désavantagée par rapport à ses concurrents ? Non souligne Bruno Daugeron, car elle n'a subi "aucun préjudice", avant d'ajouter que "tant qu'un candidat a déposé sa liste, les électeurs peuvent voter pour lui, même s'il est empêché le jour du scrutin ou mort d'ici là".
"Si elle était assignée à résidence pendant toute la campagne, elle pourrait contester les résultats une fois l'élection passée en faisant valoir que le principe de sincérité électorale et de pluralisme des courants d'expression n'a pas été respecté puisqu'elle n'a pas eu la possibilité de faire une véritable campagne", indique néanmoins Jean-François Kerléo. Mais pour que le juge administratif annule le scrutin, "il faudrait qu'elle démontre que l'empêchement d'une véritable campagne a eu des effets sur les résultats, donc en clair que ceux-ci soient serrés, sinon [il estimera que] l'impact est très modéré".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.