Neuf critiques à retenir du rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la crise sanitaire
Dans son rapport annuel, l'institution regrette par exemple le soutien "tardif" aux étudiants précaires ou les aides "sans contreparties" aux stations de ski.
Deux ans après le début de la pandémie, la Cour des comptes propose de nouveau un "bilan global des enseignements" à tirer de la gestion française de la crise sanitaire. Dans son rapport annuel publié mercredi 16 février 2022, elle alerte notamment sur la nécessité d'un "effort sans précédent" dans les prochaines années pour maîtriser les dépenses publiques et redresser les comptes de la France. Car la dette publique devrait ainsi atteindre 560 milliards d'euros entre la fin 2019 et la fin 2022, pesant ainsi environ 113% du PIB. Pour vous évitez la lecture des 702 pages du rapport, franceinfo revient sur les neuf principales critiques des magistrats.
Sur les Ehpad
Le Covid-19 a mis en lumière les "faiblesses structurelles" des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), avec un lourd bilan humain et la nécessité d'une réforme que le gouvernement a "trop longtemps reportée", estime la Cour des comptes. Le rapport pointe notamment une pénurie de personnels soignants et appelle à "insérer" les Ehpad "dans un ensemble fonctionnel plus vaste, soit par adossement à un établissement de santé, soit par l'appartenance à un groupe, soit encore par la mutualisation de certaines fonctions". Cette recommandation résonne avec les révélations du livre-enquête Les Fossoyeurs. Depuis sa parution, plusieurs actions sont en cours à l'encontre du groupe Orpea.
Sur le plan "Un jeune, une solution"
Lancé en juillet 2020, le plan "Un jeune, une solution" a réuni "de multiples dispositifs" (accompagnement, aides à l'embauche, contrats aidés...) pour faire face "à la perspective de l'arrivée sur le marché du travail" de 750 000 jeunes sortant du système scolaire "dans un contexte économique dégradé par la crise sanitaire". Selon la Cour des comptes, le montant total du plan "pourrait avoisiner 10 milliards d'euros". Face aux conséquences potentielles de la crise sur l'emploi des jeunes, "une intervention des pouvoirs publics était légitime, mais celle-ci a été parfois mal proportionnée", jugent les Sages del a rue Cambon, qui ajoutent que "son succès est à relativiser".
Sur le soutien aux étudiants
Les dispositifs de soutien aux étudiants pendant la crise sanitaire ont été "tardifs" et "décevants", alors que la pandémie "a profondément bouleversé" leur quotidien. Selon la Cour des comptes, il s'agira à l'avenir de "mieux prendre en compte les risques liés à la santé des étudiants" et "mettre en place des indicateurs fiables et partagés de la précarité étudiant". Selon une étude de l'Inserm parue en novembre, 36,6% des étudiants interrogés ont déclaré avoir eu des symptômes dépressifs, contre 20,1% des non étudiants.
Sur les aides aux stations de ski
Le soutien financier "massif et inconditionnel" aux stations de ski de moyenne montagne durant la crise du Covid-19 "risque paradoxalement" de retarder leur transition vers un modèle économique adapté au réchauffement climatique, regrette la Cour des comptes. Les magistrats ont analysé le cas de deux stations de Nouvelle Aquitaine, gérées par un établissement public. Celui-ci a bénéficié d'un prêt garanti par l'Etat et d'aides du département mais "sans demander cependant de contreparties en termes d'évolution à moyen terme de l'activité et des perspectives économiques des deux stations", pourtant menacées par une totale absence de neige naturelle d'ici 2050.
Sur le secteur aérien
La crise du Covid-19 a mis "en évidence les faiblesses du modèle économique" du transport aérien "jusque-là occultées par la croissance du trafic", juge la Cour des comptes. Les dix plus grands aéroports français ont ainsi vu disparaître près de 70% de leur clientèle en 2020, à l'image de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
La crise touche en particulier le financement des missions de sécurité et sûreté aériennes par la taxe collectée sur le prix des billets. L'Etat a consenti aux gestionnaires des avances de 550 millions d'euros en 2020 et 2021, remboursables sur sept ans à partir de 2024, ce qui pour la Cour "va peser sur la compétitivité des aéroports dans les prochaines années".
Plus largement, la Cour appelle l'Etat et l'Autorité de régulation des transports, qui a la haute main sur l'évolution de la tarification des aéroports, à se préparer à "des décisions difficiles".
Sur la gestion des collectivités locales
Citant l'exemple des Hauts-de-France, la Cour des comptes pointe le "manque d'adaptation" des collectivités concédant des services publics très pénalisés par la crise (équipements sportifs et culturels, centres de congrès et réseaux de transports urbains). Elles ont continué de financer les prestataires "alors même que l'arrêt de l'exploitation ou sa limitation, du fait des contraintes sanitaires, induisaient nécessairement une baisse du coût".
Sur le retard des énergies renouvelables
Se penchant sur la fourniture d'électricité, les magistrats suggèrent de "combler les retards pris dans le développement des capacités nouvelles d'effacement et de production prévues par la programmation pluriannuelle de l'énergie afin d'améliorer la sécurité d'approvisionnement". Les installations de capacités renouvelables ont pris du retard en France par rapport à la feuille de route énergétique, un phénomène accentué par la crise sanitaire. Emmanuel Macron vient toutefois de bousculer ce programme avec une relance du nucléaire et un ralentissement du développement de l'éolien terrestre, au bénéfice des installations en mer.
Sur les finances d'Ile-de-France Mobilités
Des recettes supplémentaires sont nécessaires pour rétablir l'équilibre des finances des transports en commun d'Ile-de-France mis à mal par la crise sanitaire, note la Cour des comptes. En juillet 2021, Ile-de-France Mobilités réclamait ainsi 1,3 milliard d'euros à l'Etat. Parmi les solutions énoncées : augmenter les tarifs, y compris du pass Navigo, cibler les automobilistes ou encore faire payer davantage les collectivités locales. Les automobilistes franciliens pourraient être mis à contribution, d'après la Cour des comptes, via un péage urbain, une vignette ou une taxe sur le carburant.
Sur les prêts garantis par l'Etat
Concernant les prêts garantis par l'Etat (PGE), distribués à près de 700 000 entreprises pendant la crise sanitaire, "les choix effectués en faveur d'un dispositif simple, diffusé par les banques à leurs clients et avec une plateforme en ligne de demande de garantie se sont avérés opérationnels", salue la Cour des comptes. Elle relève toutefois que "le coût final pour les finances, difficilement estimable, dépendra de la capacité des entreprises à faire face au remboursement". Pour mieux mesurer le risque de défaut, le rapport souligne la nécessité de disposer d'outils suffisamment fins de suivi de la trésorerie des entreprises, une recommandation dont le gouvernement va étudier la faisabilité.
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