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Nombre de cas de Covid-19, frontière avec le Brésil... On vous explique pourquoi la situation en Guyane inquiète

Le nombre de personnes contaminées a fortement augmenté ces derniers jours dans le département français d'outre-mer. Un passage au stade 3 de l'épidémie est envisagé pour faire face au coronavirus.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Temps de lecture : 8min
 Le centre de santé de Maripasoula (Guyane), le 7 février 2020.  (MAXPP)

Pendant que l'Hexagone se déconfine progressivement, la Guyane semble prendre le chemin inverse. Depuis quinze jours, le territoire ultramarin enregistre une accélération du nombre de personnes contaminées au coronavirus. Selon la préfecture, 25 nouveaux cas ont été recensés lundi 25 mai, portant à 353 le nombre total de personnes contaminées depuis le début de l'épidémie, sur une population de 300 000 habitants.

Jusqu'ici, le plus grand département de France faisait face à une situation sanitaire relativement maîtrisée, en partie grâce à son étendue et sa faible densité. Une seule personne à ce jour est officiellement morte du Covid-19, mais la multiplication du nombre de foyers de contaminations et la frontière avec le Brésil laisse craindre une aggravation de la situation.

Le nombre de contaminations s'accélère

"On se dirige de plus en plus vers le stade 3 de l'épidémie", estime auprès de La 1ère Mirdad Kazanji, le directeur de l'Institut Pasteur de Cayenne. Selon son décompte et les chiffres de l'Agence régional de santé (ARS), le nombre de personnes infectées par le virus a augmenté de 128% sur les quatorze derniers jours, passant de 144 cas recensés le 9 mai à 328 cas le 24 mai.

Le territoire a dépassé les 300 contaminations dimanche 24 mai, avec 67 nouveaux cas enregistrés moins de 48 heures, soit une centaine en une semaine, détaille le journal France GuyaneSur Twitter, la directrice de l'ARS Clara de Bort a appelé à redoubler de vigilance : "Beaucoup trop de Covid ces derniers jours en Guyane ! Il faut se ressaisir et être plus forts que le virus ! (...) Les gestes barrières : C'EST LE MOMENT !"

Dans un bulletin daté du 20 mai, l'ARS estime que l'épidémie a été principalement liée jusqu'à fin mars à des populations venues de métropole et des Antilles, notamment après le retour à Saint-Laurent-du-Maroni des personnes ayant participé au rassemblement évangélique de Mulhouse (Haut-Rhin). Les nouveaux cas recensés depuis le mois d'avril sont en revanche principalement liés aux "transmissions autochtones" et aux "clusters familiaux".

La circulation du virus perdure dans les clusters 

Le 19 mai, le Premier ministre, Edouard Philippe, a reconnu devant l'Assemblée nationale que le territoire avait connu une "succession de clusters". La situation est particulièrement "sérieuse" à Saint-Georges de l'Oyapock, commune de 4 220 habitants située à la frontière de l'Amazonie brésilienne. Au 25 mai, l'ARS y dénombrait 135 cas contre moins de 20 deux semaines plus tôt.

Un dispositif de recherche des cas positifs a été mis en place avec des dépistages à domicile et la possibilité d'isoler des personnes dans des hôtels. "On a commencé à faire de prélèvements systématiques (...) sur les gens symptomatiques et les gens asymptomatiques pour essayer d'avoir une cartographie de la situation", détaille à La 1ère le médecin Bastien Bibaud, coordinateur de la mission Covid-19 à Saint-Georges.

La contamination continue de progresser dans d'autres foyers. Entre le 20 et le 24 mai, 22 nouveaux cas ont été recensés à Camopi, une commune amérindienne isolée à la frontière fluviale du Brésil, sans axe routier vers le littoral. Un reconfinement y a été instauré. Les trois premiers cas positifs étaient un légionnaire du 3e régiment étranger d'infanterie et deux piroguiers amérindiens travaillant pour la Légion. Environ 25 cas ont également été détectés sur la même période à Kourou, près de 30 en dix-huit jours sur l'île de Cayenne. 

La situation s'aggrave au Brésil, pays frontalier

Avec plus de 22 000 morts officiels du coronavirus, le Brésil est devenu le deuxième pays le plus touché au monde par l'épidémie, derrière les Etats-Unis. Sa proximité avec la Guyane a déjà des répercussions. Selon l'ARS, la contamination initiale sur Saint-Georges a eu lieu dans la ville voisine Oiapoque. Cette commune brésilienne est durement frappée par le virus avec 57 cas confirmés dont un mort et 151 cas suspects. Les échanges entre les deux villes sont permanents, Oiapoque étant une ville de transit et de recrutement des chercheurs d'or des sites illégaux de Guyane. "Il y a beaucoup de Brésiliens qui viennent en Guyane car ils sont privés de soins au Brésil", rappelle également le sénateur guyanais Georges Patient au Parisien.

Un renforcement des contrôles a été mis en place aux frontières avec l'aide du Brésil. En plus de la police, de la gendarmerie et de la douane, les forces armées de Guyane ont été déployées dans le cadre de l'opération Résiliences. 

"La police civile brésilienne effectue aussi des patrouilles fluviales. Cela nous permet d'aider la population à prendre conscience que le confinement, qu'il soit à Saint-Georges ou à Oiapoque, consiste à ne pas traverser le fleuve", a détaillé le préfet à France GuyaneTout accostage de pirogue sur la rive française est interdit et sur le pont, les passages sont "strictement réglementés et limités", a assuré Edouard Philippe. Le 11 mai, le confinement a été maintenu à Saint-Georges jusqu'à la fin du mois au plus tôt.

Les mesures de prévention sont difficiles à appliquer

Comme le reste de la France, des mesures barrières et de distanciation sociale ont été mises en place. En plus des difficultés à avoir accès à l'eau, au savon et à un masque, "le confinement dans des habitations précaires pourvues d'un toit en tôle et le plus souvent d'une ou deux pièces pour une famille comptant plusieurs enfants, le tout sous une température de 35°C, paraît presque impossible à appliquer", avertit une professionnelle de santé sur Guyaweb

Des difficultés encore plus grandes pour les communautés amérindiennes et bushinenge, souligne La 1ère. En cas de suspicion d'une contamination, l'accès au soin ne peut pas être immédiat, facilitant ainsi la propagation du virus. "Les habitants de Grand-Santi sont à deux voire cinq heures en pirogue (en saison sèche) du premier centre hospitalier. Il n'y a sur site, et ce pour tous les écarts avoisinant, qu'un centre délocalisé de prévention et de soins, rappelle dans un communiqué le Grand Conseil coutumier. Pour toute urgence, les évacuations sanitaires par les airs restent la seule alternative."

A cette situation inquiétante s'ajoute une pénurie chronique de professionnels de santé ainsi qu'un nombre de lits en service de réanimation très restreint.

une professionnelle de santé

sur Guyaweb

Conséquences, dans ce territoire où 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, les inégalités se sont accentuées. "Beaucoup de gens subsistent grâce à l'économie informelle mais, avec le confinement, ils ne peuvent plus vivre de ces petits jobs, ni aller au marché. Les besoins d'aides alimentaires sont criants et en constante augmentation", rajoute Aude Trépont, coordinatrice de Médecins du monde en Guyane à La Croix (article réservé aux abonnés). "La situation est dangereuse, il va falloir prendre la mesure des forces de chacun. On a besoin d'être aidés sur ces questions, alerte-t-elle sur RFI. Il faut plus de moyens mis en œuvre sur les territoires d'outre-mer, surtout connaissant leur fragilité."

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