Loi sanitaire : quelles sont les mesures qui pourraient bloquer lors de l'examen par le Conseil constitutionnel ?
Les Sages doivent rendre leur décision le 5 août. C'est la dernière étape à franchir avant l'application du texte qui élargit notamment le recours au pass sanitaire et rend obligatoire la vaccination pour les soignants.
L'extension du pass sanitaire, la vaccination contre le Covid-19 obligatoire pour les soignants, l'isolement des cas positifs potentiellement contrôlé par la police : vous avez sans doute intégré les principales mesures de la nouvelle loi sanitaire, adoptée par le Parlement dimanche 25 juillet. Son entrée en vigueur peut paraître une formalité. Mais le texte, que le gouvernement souhaite voir entrer en vigueur à partir du 9 août, ne s'appliquera pas tant que le Conseil constitutionnel ne l'aura pas examiné.
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Les Sages ont été saisis à la fois par le Premier ministre, Jean Castex, et par 74 députés de gauche. Ils ont annoncé que leur décision serait rendue le 5 août. Et elle forcera peut-être le gouvernement à modifier certaines de ses mesures. Si les spécialistes du droit interrogés par franceinfo ne pointent pas de mesure évidemment inconstitutionnelle, de nombreux points interrogent.
"Il serait étonnant que le Conseil constitutionnel n'émette pas quelques réserves, estime ainsi Didier Maus, ancien président de l'Association française de droit constitutionnel. Mon sentiment, depuis le début, est qu'on est sur le fil du rasoir en matière de libertés", sans pour autant tomber de façon évidente du mauvais côté. "Il faut toujours être prudent quand on fait ce genre de prédictions", prévient Nicolas Hervieu, avocat et enseignant à Sciences Po Paris et l'université d'Evry. Et de rappeler que le Conseil constitutionnel dispose de plusieurs options : il peut censurer une partie du texte, mais aussi valider certains passages avec des réserves qui devront se refléter dans le décret d'application de la loi.
L'isolement obligatoire, un dispositif inédit
Une mesure ressort comme pouvant "poser problème", aux yeux du juriste spécialisé en droit public : l'isolement des personnes testées positives au Covid-19, qui ne serait plus une consigne mais une obligation légale. "C'est la première fois dans notre histoire juridique qu'on crée un mécanisme automatique de privation de liberté", explique Nicolas Hervieu.
L'isolement était déjà contrôlé s'agissant des voyageurs de retour des pays à risque, mais la mesure n'avait pas le même "caractère massif". A l'inverse, le confinement touchait tous les Français. L'avocat s'interroge aussi sur la possibilité de contester cet isolement en justice. Théoriquement, le juge des libertés et de la détention peut être saisi, "mais si vous avez chaque jour 20 000 personnes testées positives, peut-on considérer qu'elles auront toutes accès au juge ?" "Je ne serais pas surpris que le Conseil constitutionnel rogne cette disposition, voire la fasse tomber dans son ensemble", conclut-il.
Un débat sur le calendrier ?
L'existence même du pass sanitaire ne devrait pas être contestée. En mai, le Conseil constitutionnel avait en effet validé sa création. Mais il pourrait s'inquiéter de son extension à certains lieux. Dans les hôpitaux, où il devra être présenté sauf en cas d'urgence, les Sages "pourraient demander à ce que cette notion 'd'urgence'" soit interprétée largement" afin que personne ne se voie refuser l'accès aux soins en raison du pass sanitaire.
Pour Didier Maus, l'article permettant aux préfets d'imposer le pass à l'entrée de certains centres commerciaux représente aussi un point de fragilité. "La rédaction adoptée est trop vague", juge le professeur de droit à la retraite. Le texte adopté dimanche impose aux préfets de motiver leur décision par "les caractéristiques [des centres] et la gravité des risques de contamination". "Il faudrait trouver des critères plus objectifs et détaillés", estime Didier Maus, qui pense que les Sages pourraient demander qu'ils soient précisés. Ils pourraient l'être dans le décret qui doit déjà fixer le seuil de taille au-delà duquel un centre commercial peut être concerné.
Le calendrier d'application des mesures fait aussi partie des aspects qui semblent contestables aux yeux de Nicolas Hervieu. "On observe une vague massive de demandes de vaccination, mais ces personnes n'auront pas le temps d'avoir leur pass" d'ici à début août. "Il serait possible que le Conseil constitutionnel demande un délai".
Les Sages "entendent intervenir dans le débat"
Quant à l'obligation vaccinale pour les soignants, ni Didier Maus ni Nicolas Hervieu ne doutent de sa constitutionnalité. Mais Nicolas Hervieu pense "possible que le Conseil constitutionnel tique" au sujet de la situation des employés des lieux concernés par le pass sanitaire, contraints de le présenter à partir du 15 septembre sous peine de voir leur contrat suspendu. Et qu'il s'oppose "à l'existence de sanctions professionnelles liées à l'obtention du pass" et demande d'en rester à une incitation.
Cependant, depuis le début de l'épidémie, "l'expérience montre que le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d'Etat, prend très au sérieux l'objectif constitutionnel de protection de la santé publique", rappelle Didier Maus. La tendance est plutôt à un interventionnisme léger de la part des Sages. D'autant que "l'avis du Conseil d'Etat et le débat parlementaire sur cette loi ont permis de gommer certaines aspérités du texte", qui lui semblait courir un risque plus important de censure, comme l'article créant un motif de licenciement pour défaut de pass sanitaire, qui a finalement été retoqué.
En choisissant de rendre sa décision le 5 août, le Conseil constitutionnel a cependant montré "qu'il entend examiner pleinement ce texte et intervenir dans le débat", analyse Nicolas Hervieu, qui constate qu'il consacrera davantage de temps à examiner le texte que le Parlement. Mais ce qui en ressortira reste très incertain.
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