: Reportage "Quand je me suis réveillé, on m'a dit : vous êtes à Brest" : les hôpitaux bretons accueillent des patients Covid de toute la France
En quelques semaines seulement, une vingtaine de malades du Covid-19 ont déjà été transférés en avion médicalisé depuis la Provence-Alpes-Côte d'Azur vers la Bretagne, où les hôpitaux sont moins saturés pour le moment.
Dans cette épidémie de Covid-19, il existe heureusement encore un peu de marge pour accueillir des patients en réanimation, notamment en Bretagne. Comme lors de la première vague, la région est encore relativement épargnée, alors ses hôpitaux reçoivent des patients évacués d’autres hôpitaux complètement saturés.
En quelques semaines seulement, une vingtaine de malades originaires de Provence-Alpes-Côte d'Azur ont ainsi été transférés en Bretagne en avion médicalisé. Patrick, lui, va beaucoup mieux. Il reste essoufflé et porte en permanence un masque à oxygène, mais au moins il n’est plus inconscient, intubé. Hospitalisé d’abord à Avignon près de chez lui, il s’est réveillé il y a quelques jours à l’hôpital de Brest, à plus de 1 000 km de son domicile. "Quand je me suis réveillé on m'a dit : vous êtes à Brest. J'étais très surpris, bien évidemment, en me demandant comment j'étais arrivé là", raconte-t-il.
Certes, Patrick est loin de sa famille, mais comme il le dit en souriant, même s’il n’a pas vue sur la mer depuis sa chambre d’hôpital, il est très reconnaissant de cet accueil des soignants bretons.
J'ai été très bien accueilli, ce sont des gens qui vous sauvent la vie, comment ne pas les remercier... Je reviendrai, quand tout ça sera fini et on ira manger des galettes !
Patrick, un patient sorti de réanimationà franceinfo
Comme Patrick, sept autres patients d’Avignon et Nîmes sont arrivés à l’hôpital de Brest récemment. La plupart sont toujours en service de réanimation. L’ambiance est sereine, le service de réanimation n’est pas saturé. En comptant les patients locaux, il reste encore 10 lits disponibles. "Là, notre kinésithérapeute est en train de s'occuper d'un patient. Elle lui fait de la mobilisation passive pour éviter l'engourdissement des articulations, explique le professeur Erwann L’Her, chef du service, qui nous fait la visite. C'est sûr qu'on aura peut-être un peu plus de temps que dans un service qui est débordé. Ça laisse un peu plus de temps pour les soins de confort comme le fait la kiné en ce moment, pour la réhabilitation, pour les faires marcher, les mettre en fauteuil, pour les communications avec les familles. On espère que c'est un avantage."
Les personnels sont aux petits soins pour ces malades évacués, raconte Liliane Ogor, aide-soignante. "Le fait que leurs proches soient loin, ça les affecte beaucoup, de savoir qu'ils sont à 1 000 kilomètres, je pense que ça joue sur leur moral, explique-t-elle. On a de l'empathie. On se dit si ça nous arrivait à nous comment on réagirait, comment on serait ?"
Les patients transférés vivent une angoisse plus forte que les autres je pense. Ça nous touche particulièrement.
Liliane Ogor, aide-soignante à l'hôpital de Brestà franceinfo
Le professeur Erwan L’Her le constate, "il y a du lien qui s'est créé, dit-il. Il y a quelques patients, quand ils sont rentrés chez eux, qui nous ont envoyé des lettres, des photos pour dire qu'ils étaient vraiment contents d'être en vie, qu'ils étaient vraiment contents d'être rentrés chez eux et qu'ils nous remerciaient. Ce sont des expériences de vie totalement exceptionnelles, avec des parcours exceptionnels."
Accueillir malgré "la vindicte populaire"
À Brest, pendant la première vague de l’épidémie, l’hôpital avait déjà reçu une vingtaine de malades du Grand Est. La Bretagne, terre d’accueil des malades Covid, c’est naturel pour le professeur Éric Stindel, président de la commission médicale de l’hôpital. "Les réseaux sociaux se sont parfois posés des interrogations sur la nature même des évacuations sanitaires. Est-ce que c'était finalement conduire à une restriction potentielle de soins pour les patients du territoire ?"
On aurait pu suivre la vindicte populaire en disant : "On garde les lits bretons pour les Bretons". Mais c'était hors de question, ce n'était même pas pensable. Et donc il y a une vraie fierté d'avoir décidé ça et d'avoir assumé totalement.
Éric Stindel, président de la commission médicale de l'hôpitalà franceinfo
Parmi tous les malades évacués soignés à Brest, un seul est décédé. Il s’agit du chanteur Christophe, au mois d’avril. À l’époque, sous le coup de la tristesse, le musicien Jean-Michel Jarre avait regretté que son ami Christophe soit mort "au fin fond de la Bretagne". Des paroles blessantes pour Caroline Segalen, aide-soignante : "Ça nous a blessés parce que peu importe le patient, peu importe la région, peu importe la religion, peu importe qui c'est, nous on donne exactement la même chose à nos patients, autant en soins, qu'en présence, qu'en accueil, on donne." Et s’il le faut, on continuera de donner, tant qu’on a de la place on continuera d’accueillir des malades venus d’ailleurs, conclut-elle.
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