Tests antigéniques : les pharmacies sont-elles trop bien rémunérées par l'Assurance maladie ?
Les tests antigéniques ont déjà coûté près de 300 millions d'euros à l'Assurance maladie. La rémunération pour la réalisation de ces tests est l’objet de discussions avec les professionnels de santé, notamment les syndicats de pharmaciens.
En pleine troisième vague épidémique de Covid-19, les Français se sont rués dessus : plus de 1,2 million de test antigéniques ont été réalisés entre le 29 mars et le 4 avril, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Une semaine record de dépistage avant le lundi de Pâques.
Avec un résultat disponible en 15 à 30 minutes, ces tests antigéniques sont donc plébiscités. Surtout, comme pour les tests PCR, ils sont pris en charge à 100%, ce que n'oublient pas de rappeler certaines pancartes affichées sur les tentes qui ont fleuri sur les trottoirs devant les pharmacies. Des tests gratuits pour la personne testée, qui ne sortira rien de sa poche à part sa carte vitale, mais pas pour l’assurance maladie. Depuis leur mise en œuvre en novembre 2020, près de 300 millions d'euros ont été remboursés aux pharmaciens, infirmiers ou médecins pour la délivrance et la réalisation d’environ 12,4 millions de tests antigéniques, selon les chiffres arrêtés au 2 avril de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam).
De 26,14 à 46 euros par test pour les professionnels
La rémunération par l’assurance maladie varie selon les professions et le lieu où se déroule le test. Par exemple, pour les infirmiers libéraux, le tarif est de 29,92 euros quand il est réalisé au domicile du patient mais de 26,14 euros quand il réalisé en cabinet. Pour les médecins libéraux, la rémunération est de 46 euros (dont les 25 euros de la consultation) dans le cadre d'une consultation ou d’une visite à domicile.
Mais l'essentiel se passe dans les pharmacies, qui assurent "85% des tests antigéniques", indique Pierre-Olivier Variot, vice-président de Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Les pharmaciens touchent un forfait de 33,50 euros, indique la Cnam. Cette somme comprend tout d'abord le coût du test antigénique lui-même, initialement fixé à 8 euros, puis depuis le 1er janvier à 7,50 euros. Il y a ensuite 9,60 euros pour le prélèvement naso-pharyngé, avec un écouvillon. "Il est aligné sur le prix du prélèvement défini pour un test RT-PCR", précise la Cnam. Les 16,40 euros restants couvrent notamment les équipements de protection individuelle, le temps passé pour l’interrogatoire du patient, la réalisation du test, et le rendu du résultat.
"C'est très, très chronophage, les tests antigéniques", assure le pharmacien Pierre-Olivier Variot qui indique réaliser un peu moins d’une dizaine de tests par jour dans sa propre officine, à côté de Dijon. Pour le vice-président de l'USPO, en plus du temps consacré, cela demande du personnel : "Quand on fait les tests, il y a une à deux personnes qui quittent le comptoir. Et on en fait presque tous les jours." Surtout, l’action du pharmacien va "du début à la fin : on remet le test au patient en main propre. Un test ne dure pas qu'un quart d’heure. On va enregistrer le patient, assurer tout ce qui est administratif, et quand on reçoit les gens pour leur donner les résultats, on a une grosse action de pédagogie."
"Si les prix baissent, ça va s’arrêter"
En France, lorsque les professionnels de santé et les pharmacies ont été autorisés à partir de novembre à pouvoir "s'équiper et réaliser" des tests antigéniques, le but était de soulager les laboratoires submergés par les tests PCR. Une offre supplémentaire "afin de renforcer la stratégie 'Tester-Alerter-Protéger' visant à endiguer la propagation du virus, reconnaît la Caisse d'assurance maladie. Il convenait de pouvoir développer une capacité de tests aux résultats plus rapides et qui puissent s’effectuer en proximité."
"Ces prix ont été définis après concertation des syndicats des professions concernées. Ils tiennent compte à la fois de la pratique de ces professionnels (conditions d’exercice…) et des prix déjà existants sur des actes similaires tout en s’attachant à être incitatifs."
La Caisse nationale d'Assurance maladieà franceinfo
Mais ces prix pourraient diminuer. "Des discussions sont en cours avec les professionnels de santé pour réexaminer globalement la rémunération de la réalisation de ces tests", confirme l'assurance maladie. Rien n’est acté mais les syndicats avancent une rémunération du pharmacien qui pourrait s’établir autour de 30 euros, si ce n’est moins. "Je pense que c'est une aberration. Si les prix baissent, ce n'est pas compliqué, ça va s’arrêter", lance Olivier Variot qui voit mal ses confrères continuer à proposer des tests antigéniques. Pour l'instant, un grand nombre de pharmacies en propose. Elles sont un peu plus de 8 000 sur les quelques 22 000 officines en France permettant un accès facile au dépistage à travers tout le pays.
"Si ça ne devient plus rentable l'État assumera et puis fera faire les tests par les laboratoires", poursuit le vice-président de l'USPO. Ou alors les Français vont-ils se tourner vers les autotests, bientôt disponibles ? Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé au début du mois d'avril qu'ils seraient disponibles lundi 12 avril et, pour l’instant, uniquement en pharmacie.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.