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Brevets des vaccins anti-Covid : "Emmanuel Macron a une responsabilité historique", estime Cécile Duflot

La France s'oppose pour l'heure à la levée des brevets des vaccins contre le Covid-19. La directrice générale d'Oxfam France rappelle les propos de l'inventeur de celui contre la polio : "Quelque chose d'aussi précieux, qui peut sauver la vie de l'humanité, doit appartenir à tous".

Article rédigé par franceinfo
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Cécile Duflot, la directrice générale de l’ONG Oxfam France, le 14 janvier 2021. (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)

"Emmanuel Macron a une responsabilité historique", a souligné Cécile Duflot, la directrice générale de l’ONG Oxfam France, jeudi 6 mai sur franceinfo. Elle encourage le président de la République à prendre la même position que les États-Unis : le gouvernement américain a annoncé mercredi être favorable à la levée des brevets des vaccins contre le Covid-19.

En juin 2020, Emmanuel Macron avait assuré que le vaccin devait être "un bien public mondial", mais depuis juin, la France a voté à deux reprises contre une résolution pour lever des brevets. "Pour l’instant, on a un souci avec la France et c'est pour ça que Oxfam France va lancer dans la journée [jeudi] une initiative auprès de l'ensemble des parlementaires, de l’ensemble des grands élus, pour qu’ils demandent à ce que la France, elle aussi, se position pour la levée des brevets sur les vaccins. On touche un sujet qui est vraiment vital pour l'humanité."

franceinfo : La Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique estime que cette annonce des États-Unis est "décevante". Selon elle, cela risque d’affaiblir les chaînes d'approvisionnement déjà tendues et de favoriser la prolifération des vaccins contrefaits. Que pensez-vous de ces arguments ?

Cécile Duflot : Je pense que tout le monde ne dit pas ça, que l'Unesco ne dit pas ça. C'est difficile d'évaluer de façon extrêmement précise les capacités de production, mais on sait qu'elles sont aujourd'hui utilisées à 40% et qu'on sait aussi produire des vaccins, du matériel pharmaceutique dans les meilleures conditions. C'est vrai et c'est compréhensible qu'un certain nombre d'entreprises défendent leurs intérêts commerciaux.

"Face à l'enjeu de la pandémie, les intérêts commerciaux doivent s'effacer au profit de la santé et de la vie de l'ensemble des habitants de cette planète."

Cécile Duflot, la directrice générale de l’ONG Oxfam France

à franceinfo

C'est une décision politique et c'est celle prise par Joe Biden. Et ce n'est pas un hasard si l’ancien président Lula l'a félicité parce qu'on sait quel est le désastre au Brésil. Il y a des précédents historiques. L'inventeur du vaccin contre la polio [l'Américain Jonas E. Salks] avait refusé de le breveter. Il avait eu cette formule : quelque chose d'aussi précieux, qui peut sauver la vie de l'humanité doit appartenir à tous, comme le soleil. Et nous pensons à Oxfam et dans d'autres organisations que les dirigeants politiques doivent considérer qu'il s'agit d'un bien qui doit appartenir à l'ensemble de la planète, celle de sauver la vie de l'humanité.

François Bayrou, le président du MoDem estime qu’il peut y avoir levée des brevets mais qu’il faudra indemniser les laboratoires de recherche. Est-ce qu’il ne faut pas couper la poire en deux ?

D'abord, je pense que la récompense des chercheurs, pour certains d'entre eux, c'est la satisfaction de savoir qu'ils vont pouvoir sauver des vies. C'est ce qui motive souvent les gens qui travaillent dans ce domaine, moins que le profit immédiat.

"Les laboratoires ont déjà énormément gagné, énormément ! Ils ont plus que rentabilisé leurs investissements et il y a eu 100 milliards de dollars mobilisés à l'échelle de la planète de financements publics pour soutenir la recherche. Ce n'est pas uniquement de l'investissement privé."

Cécile Duflot

à franceinfo

Mais même, imaginons que ce soit une seule entreprise qui ait trouvé une seule solution. On peut considérer qu'il s'agit là d'un bien commun à l'ensemble de l'humanité, privatiser la vie humaine à l'inverse de risquer la mort de millions de personnes. On peut considérer que le choix politique collectif que nous faisons, c'est celui de la vie, c'est celui de la santé.

Emmanuel Macron parlait en mai 2020, du vaccin anti-Covid comme d'un "bien public mondial". Est ce que vous avez l'impression qu'il a oublié ses propos ?

S’il a oublié, on va les lui rappeler parce qu'ils sont très justes. Ce vaccin aujourd'hui, face à une pandémie mondiale avec un risque mutation du virus, c'est un bien public mondial, bien sûr. Une pandémie avec un vaccin trouvé si vite, c’est rare. On n’a sans doute jamais connu ça, donc la France ne doit pas rater le coche. Le président de la République doit être à la hauteur de l'histoire.

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