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Campagne de vaccination contre le Covid-19 : cinq questions sur le rôle joué par le cabinet de conseil américain McKinsey

Selon les informations du "Canard enchaîné" et du site Politico.eu, le gouvernement a fait appel à des consultants privés notamment pour "le cadrage logistique" de la vaccination. Le ministère de la Santé confirme, mais ajoute que "ces cabinets n’interviennent à aucun titre sur les choix de nature politique et sanitaire".

Article rédigé par franceinfo
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Un médecin se fait vacciner contre le covid-19 au centre hospitalier de Narbonne dans l'Aude le mardi 5 janvier 2021. (IDRISS BIGOU-GILLES / HANS LUCAS)

Une critique supplémentaire contre le plan de vaccination français, qui démarre avec lenteur. Selon le site Politico.eu, spécialiste des institutions européennes, et Le Canard enchaîné, le gouvernement a fait appel dès décembre au cabinet de conseil américain McKinsey pour le conseiller à propos de la campagne de vaccination. Les consultants de ce cabinet, un des plus connus au monde, ont été notamment chargés d'une mission de "cadrage logistique", qui est pourtant un des maillons faibles de la vaccination contre le Covid-19. Voici ce qu'on sait de ce contrat, qui est confirmé par la direction générale de la Santé.

Quelle a été la mission de McKinsey ?

Selon Politico.eu, "trois missions" ont été confiées au cabinet McKinsey : une sur le "cadrage logistique" de la stratégie vaccinale française, une autre de "benchmarking", c'est-à-dire une comparaison des pratiques à l'étranger, et une dernière consacrée à la "coordination opérationnelle" de la campagne de vaccination.


Dans son édition datée du 5 janvier, Le Canard enchaîné affirme aussi qu'"une visioconférence" a réuni le 23 décembre "le ministre de la Santé, Olivier Véran, les directeurs des Agences régionales de santé et les directeurs des hôpitaux sélectionnés pour démarrer la campagne de vaccination". Et Maël de Calan, "associate partner" chez McKinsey en France, selon son profil Linkedin, y a également participé.

Interrogé par franceinfo, la direction générale de la Santé précise que "l’appui du cabinet McKinsey" au plan de vaccination "est effectué  en ayant recours à  l’accord-cadre interministériel de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP)" intitulé "Prestations d'assistance à la conception et à la mise en œuvre opérationnelle de projets de transformation de l'action publique". "Celui- ci a donné lieu à une mise en concurrence au moment de la passation en 2018  selon les règles en vigueur", affirme encore le ministère.

D'autres cabinets participent-ils à la mise en place du plan de vaccination ?

Oui. "Il a été fait appel au cabinet Accenture pour le lancement, l’enrichissement et l’accompagnement de la mise en œuvre du SI vaccination, aux cabinets CITWELL et JLL, auprès de Santé publique France, pour l’accompagnement logistique et la distribution des vaccins COVID et au cabinet McKinsey auprès de la task-force pour la définition du cadrage logistique, le benchmarking et la coordination opérationnelle", précise encore le ministère de l'avenue de Ségur.

"Le ministère de la santé comme tous les autres ministères, font régulièrement appel à des prestataires extérieurs lorsqu’ils ont des besoins spécifiques qui requièrent une expertise particulière (SI, logistique, etc.) .", ajoute-t-il. "Le dispositif logistique de vaccination contre la Covid 19 est sans précèdent en termes d’ampleur et nécessite une expertise de haut niveau, a fortiori dans la phase d’accélération que nous entamons".

Mais, affirme encore le ministère, "ces cabinets n’interviennent à aucun titre sur les choix de nature politique et sanitaire relevant de la seule responsabilité du gouvernement. Sont ainsi exclu de leur champ d’intervention : le choix des laboratoires et les commandes des vaccins, la priorisation des segments de population recevant le vaccin, le calendrier de mise en œuvre, les modalités de vaccination au plan national (établissements hospitaliers, médecine de ville…).

Combien a été payé le cabinet ?

Mystère. "Nous ne souhaitons pas communiquer sur le sujet", a répondu le cabinet de conseil américain au Canard enchaîné qui lui posait la question. Le journal n'a pas non plus obtenu d'éclaircissements de la part du ministère de Santé. "Pas de réponse sur le montant de la prestation", affirme pareillement Politico.eu. Interrogé sur le sujet jeudi, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a assuré qu'il ne disposait pas de ces informations et a renvoyé vers le ministère de la Santé.

Quelles sont les réactions politiques ?

Plusieurs élus ont fait part de leur stupéfaction. "Absolument sidérant ! Qu'est-ce que McKinsey vient faire là dedans ? On a un ministère de la Santé, un ministère de l’Interieur et un ministère de La Défense armés en gestion de crise... pour peu qu'on sache les mobiliser", s'indigne ainsi Olivier Marleix, député LR d'Eure-et-Loir.

"Le scandale d'Etat se poursuit sur la vaccination et les révélations du 'Canard enchaîné' complètent le diagnostic gravissime d'un pouvoir à la dérive dans la gestion de la pandémie !", juge de son côté l'eurodéputé EELV Yannick Jadot.

"Cela signe une disqualification des agents de l'Etat qui en sont chargés [de la stratégie vaccinale]. Cela montre que jusqu'ici rien n'était prévu et c'est alarmant", estime Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste.

"Macron, Castex, Véran ne savent pas gouverner sans les 'conseils' de McKinsey. (...) Leur 'start-up nation', c'est l'abaissement de l'Etat et le règne de l'incompétence", fustige encore le député Bastien Lachaud, élu de La France insoumise en Seine-Saint-Denis.

Le député communiste de Seine-Maritime, Sébastien Jumel, préfère se moquer de la complexité du dispositif affiché pour aboutir, in fine, à une vaccination "complexe et lente".

L'Etat a-t-il souvent recours au privé ?

Pour justifier cette mission de conseil confiée à McKinsey, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a assuré que depuis "plusieurs quinquennats" et pour des "dizaines de grands projets", les gouvernements ont recours à un "appui du secteur privé" qui vient "en plus de l'expertise" du service public. Fin 2018, le gouvernement d'Edouard Philippe avait déjà fait polémique en sous-traitant à un cabinet international d'avocats "la rédaction de 'l'exposé des motifs' du projet de loi d'orientation des mobilités (...) en plus d'une étude d’impact de la loi", comme l'avait révélé Le Monde.

Car ces recours à des cabinets de conseil ne sont pas forcément rendus publics et c'est la presse qui rend compte de temps à autres de ce type de contrats, sans que le coût des prestations ne soient forcément connus, ni leur efficacité évaluée. En attendant, aux Etats-Unis, la pandémie de Covid-19 a permis au cabinet McKinsey d'engranger "des dizaines de millions de dollars de juteux contrats" de la part des autorités locales ou fédérales, relève Paris-Match, en s'appuyant sur les informations du site d'investigation américain ProPublica.

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