Centres de vaccination anti-covid: le spectre des vaccinodromes contre la grippe A
Après avoir écarté la perspective de grands centres de vaccination contre le Covid-19, le gouvernement annonce jusqu'à 600 centres d'ici la fin du mois. A l'origine de la frilosité de départ: le fiasco de 2009.
Après avoir justifié lenteur et prudence dans la stratégie de vaccination contre le Covid-19, le gouvernement affiche désormais une volonté d'accélération. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a indiqué mardi 5 janvier, l'ouverture, d'ici la fin du mois, de 500 à 600 centres "qui seront accessibles pour la ville". Gabriel Attal, le porte parole du gouvernement, avait précisé dimanche 2 janvier, qu'il ne s'agirait pas de "vaccinodromes géants nécessitant des kilomètres de déplacement" . Derrière ce numéro d'équilibriste: le spectre du fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) en 2009.
Novembre 2009: un millier de centres de vaccination annoncés dans toute la France
Jeudi 12 novembre 2009: face aux caméras des journalistes, la ministre de la Santé de l'époque, Roselyne Bachelot, se fait vacciner contre la grippe A dans un gymnase du 14ème arrondissement de Paris. Après le personnel soignant, ce sont les personnes à risque et entourage des nourissons qui sont invités à se rendre dans des grands centres de vaccination collective. L'objectif par ordre de priorité, est de permettre à tous les Français qui le souhaitent de se faire vacciner. 65 millions de convocations sont envoyées par l'assurance maladie.
Dans chaque centre, une ou plusieurs équipes peuvent prendre en charge 360 personnes par vacation de quatre heures. 1060 centres sont annoncés sur tout le territoire, ouverts progressivement à des plages horaires très larges et jusqu'à sept jours sur sept. Des grossistes répartiteurs procèdent à la livraison des commandes de vaccins des zones de stockage jusqu'aux centres de vaccination. Les vaccins y sont ensuite conservés dans des réfrigérateurs. Préparation du vaccin et injection sont assurées par deux personnels soignants.
Juin 2010: 8% des personnes convoquées finalement vaccinées
"La France a vacciné 5,36 millions de personnes au 1er juin 2010, soit moins de 8,5% de sa population" rapporte, à l'été 2010, la commission d'enquête parlementaire sur "la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A". La commission conclut à un "échec de santé publique", autour d'un double constat: un objectif de vaccination massive de la population loin d’être atteint et un mécontentement des professionnels de santé, en particulier des médecins et infirmiers libéraux.
L'épidémie s'étant avérée beaucoup moins mortelle que redoutée, les Français n'ont pas compris le décalage entre les moyens déployés et la réalité de l'épidémie de l'époque. "La campagne de vaccination, volontariste, s’est en pratique révélée sans doute d’une application trop rigide, malgré ses ajustements, car elle prenait appui sur des dispositifs prévus pour des pandémies plus graves, et reposait essentiellement sur des centres de vaccination dont le principe même était contesté" écrivait ainsi en 2010 la commission d'enquête. La mise en place de ces centres a par ailleurs, ajoutait le rapport d'enquête, "alimenté le sentiment que les autorités sanitaires tournaient le dos aux professionnels de santé, médecins généralistes, infirmiers libéraux et pharmaciens"
L'effet miroir inversé de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1
La crise de confiance massive de 2009 -2010 a laissé des traces et contribue à expliquer certains choix stratégiques de 2020 - 2021. Aux prémices de la campagne de vaccination contre le COVID-19, le gouvernement a assumé et justifié une certaine lenteur, afin de prendre le temps d'expliquer et susciter l'adhésion. Le Premier ministre, Jean Castex, avait par ailleurs estimé début décembre "souhaitable que le médecin généraliste soit au cœur du dispositif et en particulier le médecin traitant", notamment via les consultations pré-vaccinales (destinées à évaluer la situation clinique du patient, vérifier qu'il n'a pas d'allergie, l'informer sur les bénéfices et risques du vaccin et obtenir son consentement). L'objectif clairement affiché était de ne pas vacciner à la chaîne mais de faire venir le vaccin au patient, avec une priorité aux résidents et membres du personnel des EHPAD.
Face au flot d'accusations et d'incitations à "changer de braquet" et alors que nos voisins européens affichent des dizaines, voire des centaines de milliers de vaccinations, le gouvernement a finalement fait évoluer sa stratégie. Des centres de vaccination, accessibles en ville, sont donc annoncés. Reste à connaître les modalités logistiques et médicales du déploiement de ces centres.
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