Covid-19 : la quarantaine est "une mesure pertinente, mais on ne peut pas bloquer un virus à 100%", explique le virologue Hervé Fleury
Il faut développer un vaccin contre le variant brésilien contre lequel même le Pfizer et le Moderna, qui sont les "meilleurs", ne sont pas totalement efficaces, estime-t-il.
La quarantaine imposée aux voyageurs en provenance de plusieurs pays d'Amérique latine "est une mesure pertinente, mais on ne peut pas bloquer un virus à 100%, quelles que soient les mesures", a déclaré dimanche 18 avril sur franceinfo Hervé Fleury, virologue, professeur émérite au CNRS et à l'université de Bordeaux. Il faudra "peut-être prendre des mesures vis-à-vis de toutes les zones qui peuvent nous contaminer avec du variant brésilien", notamment l'île de La Réunion, estime Hervé Fleury. D'après lui, il faut aussi "renforcer la surveillance des souches en France" et "cribler beaucoup plus et séquencer dans la foulée".
franceinfo : Est-ce qu'une quarantaine de 10 jours pour les voyageurs en provenance d'Amérique Latine peut permettre de garantir à coup sûr que le variant brésilien ne soit pas importé ?
Hervé Fleury : À coup sûr, non. C'est une mesure pertinente, mais on ne peut pas bloquer un virus à 100%, quelles que soient les mesures. D'ailleurs, il est déjà en France en tout petit pourcentage. Mais il faut le faire, il n'y a pas d'autres mesures immédiates à prendre. Il faut faire de la quarantaine, de l'isolement et de la surveillance. Il faut manœuvrer à l'asiatique, si je puis dire, c'est-à-dire comme les Coréens, comme les Chinois.
"Il faut absolument vérifier que l'isolement est maintenu pour ces patients qui sont infectés ou qui sont infectables par du variant brésilien. Il faut être rigoureux."
Hervé Fleury, virologueà franceinfo
La suspension des vols depuis le Brésil jusqu'à samedi prochain va suffire ou il faut l'étendre, d'après vous ?
Je pense qu'il va falloir l'étendre, et il y a d'autres pays qui sont concernés. Il y a d'autres zones françaises, par exemple l'île de la Réunion, où j'ai vu qu'il y avait du variant brésilien. Il va falloir peut-être prendre des mesures vis-à-vis de toutes les zones qui peuvent nous contaminer avec du virus brésilien.
Le variant brésilien est présent en France, à quel niveau ?
Il y a des pourcentages très faibles, inférieurs à 4%, certains disent même que c'est à 0,5 ou 1%. Mais il faut surveiller l'augmentation de ce variant derrière le britannique parce qu'il est beaucoup plus dangereux. Il résiste aux vaccins, même s'il n'est pas totalement résistant. Les connaissances ont évolué récemment avec une publication qui montre que même le Pfizer et le Moderna, qui sont les meilleurs actuels, neutralisent moins bien le variant brésilien. Donc, ce variant nous pose un problème par ses mutations, notamment celle qui s'appelle la 484 qui lui permet de résister à la neutralisation par les constructions vaccinales. Donc, il faut faire extrêmement attention à ce variant, qu'il ne prenne pas un pourcentage important en France et que nos campagnes de vaccination Pfizer et Moderna ne soient pas handicapés par l'émergence du variant brésilien.
Si jamais ce variant se répand, cela veut dire qu'il faudra modifier notre stratégie vaccinale, peut-être en injectant davantage que deux doses de Pfizer ou Moderna ?
Il n'y a pas que ça. Je pense que les deux sociétés en question sont déjà en train de préparer un vaccin qui va cadrer le virus brésilien. En étant actif sur le variant brésilien, qui est dominant sur le plan biologique et immunologique, il devrait pouvoir aussi neutraliser les autres variants.
"En fait, en ayant un vaccin contre le variant brésilien, on devrait pouvoir avoir un vaccin toujours efficace contre les autres, il y a une question de dominance des souches."
Hervé Fleuryà franceinfo
Quant à l'AstraZeneca, pour des questions d'effets secondaires je pense qu'il est mal parti pour sa diffusion en Europe, c'est le moins qu'on puisse dire. De plus, on sait qu'il ne donne pas une excellente protection contre le variant sud-africain et contre le variant brésilien. Donc je pense que ça risque de ne pas être la bonne option vaccinale en Europe et chez nous, en particulier face aux variants qui arrivent.
On nous parle maintenant d'un variant indien. Est-ce qu'une partie de la solution passe par le criblage des résultats des tests et le séquençage pour repérer les nouveaux variants ?
Il faut renforcer la surveillance des souches en France. Je pense qu'il faut effectivement cribler beaucoup plus et séquencer dans la foulée. Le criblage est maintenant en développement, le séquençage doit être assuré derrière pour voir le cas échéant d'autres mutations. Mais c'est vrai qu'il faut développer les techniques moléculaires d'étude des souches. C'est en train de se faire.
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