Cet article date de plus de quatre ans.

Covid-19 : on vous explique pourquoi l'OMS ne croit pas à l'immunité collective contre la pandémie

L'Organisation mondiale de la santé a rappelé cette semaine que l'hypothèse d'une immunité de groupe pour lutter contre le virus n'était pas envisageable.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Un marché de Toulouse en pleine épidémie de Covid-19, le 21 août 2020. (JEAN-MARC BARR?RE / HANS LUCAS / AFP)

Imaginez un monde idéal où la majorité de la population aurait déjà contracté le Covid-19, avec uniquement des symptômes bénins, mais suffisants pour développer des anticorps. Grâce à cette large part de gens immunisés, le virus circulerait beaucoup moins vite, jusqu'à disparaître progressivement.

Ce monde-là, où l'immunité collective permettrait de mettre un terme à la pandémie de coronavirus Sars-CoV-2, l'OMS n'y croit pas du tout. Le directeur de l'organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, l'a très clairement signifié lors d'une conférence de presse donnée lundi 12 octobre. "Jamais, dans l'histoire de la santé publique, l'immunité collective n'a été utilisée comme stratégie pour répondre à une épidémie, et encore moins à une pandémie, a-t-il rappelé. C'est scientifiquement et éthiquement problématique." Franceinfo vous détaille les raisons pour lesquelles l'organisation soutient cette position.  

Parce qu'on a trop peu de recul sur la maladie

Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm, partage le même avis que l'OMS au sujet de l'immunité collective. "Pour le moment, nous n'avons pas beaucoup de recul pour affirmer qu'une immunité naturelle pourrait être protectrice, explique-t-elle à franceinfo. Cette maladie laisse beaucoup de gens à l'hôpital pendant plusieurs semaines avec des séquelles pendant des mois... L'immunité collective n'est pas une stratégie, mais plutôt une partie de roulette russe."

Dans un article concernant l'immunité de groupe disponible sur le site de l'Inserm, l'incertitude liée aux individus déjà contaminés est mise en lumière. "Les anticorps développés contre le virus ne sont pas forcément neutralisants [contre le virus] chez tous les individus, et leur présence pourrait simplement témoigner du fait que l'organisme a été en contact avec le virus."

Parce qu'on ignore le pourcentage nécessaire pour atteindre cette immunité collective

L'autre incertitude concerne le taux de population immunisée nécessaire pour pouvoir protéger ceux qui n'ont pas encore été contaminés. Selon l'Institut Pasteur, dans un article publié le 15 avril, ce pourcentage serait de 70% d'individus déjà contaminés par le Sars-CoV-2 pour stopper sa propagation. Un calcul qui est simplement théorique. "Le risque de transmission est homogène, estime Dominique Costagliola. Il y a des événements super-propagateurs où une personne peut en contaminer beaucoup d'autres. Et des cas où une personne contaminée ne va contaminer personne. Si le calcul de l'immunité collective est basé sur les mêmes paramètres de propagation, le résultat devrait certainement être revu à la baisse. Ce sont des formules mathématiques qui montrent que, quand on change l'hypothèse, le résultat est plus bas. Tout cela est purement théorique."

Le directeur de l'OMS a aussi regretté toutes ces inconnues. "La plupart des personnes infectées par le virus développent une réponse immunitaire au cours des premières semaines, mais nous ne savons pas si cette réponse est forte ou durable, ni si elle diffère d'une personne à l'autre." Pour le moment, cinq cas avérés de réinfection dans le monde ont été documentés. Le dernier cas a été décrit dans une revue américaine le 13 octobre.

Parce que, de toute façon, trop peu de personnes ont déjà été infectées

Même si la stratégie était efficace pour mettre un frein à la pandémie de Covid-19, pour le moment, le taux de personnes déjà contaminées est bien trop faible. "La grande majorité des personnes dans la plupart des pays sont susceptibles de contracter ce virus. Les enquêtes de séroprévalence suggèrent que dans la plupart des pays, moins de 10% de la population a été infectée", a détaillé lundi Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Selon une enquête de l'Inserm, seulement 4,5% des habitants de l'Hexagone âgés de 15 ans ou plus possédaient des anticorps au mois de mai. Encore très loin des résultats pouvant justifier une telle stratégie. 

Parce qu'il n'y a pas encore de vaccin

Pour une immunité collective réussie, il est nécessaire de développer des anticorps naturels ainsi qu'un vaccin pour des résultats plus rapides. Mais l'OMS rappelle qu'aucun vaccin contre le Covid-19 n'a pour l'instant été approuvé dans le monde. "Il y a environ 40 candidats vaccins qui se trouvent actuellement au stade des essais cliniques, et 10 d'entre eux sont en phase 3, c'est-à-dire en phase finale, ce qui nous permettra de connaître à la fois leur efficacité et leur sécurité."

L'organisation a estimé que certains groupes pharmaceutiques pourraient avoir "assez de données" à soumettre aux régulateurs "au plus tôt à partir de décembre". "Nous prévoyons qu'un certain nombre d'essais commenceront à fournir des données début 2021."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.