Les Guadeloupéens rétifs à la vaccination contre le Covid-19 : "Tout ce qui vient de la métropole provoque une réaction de recul"
En Guadeloupe, seulement 20 % de la population a reçu sa première dose de vaccin, contre 65 % au niveau national. franceinfo s'est rendu sur place pour comprendre pourquoi.
Depuis mercredi 4 août, la Guadeloupe est reconfinée pour trois semaines. Cette quatrième vague qui frappe l’archipel actuellement est la plus violente depuis le début de l’épidémie. La situation sanitaire sur place est catastrophique. Le variant delta représente désormais 70 % des contaminations et des patients de plus en plus jeunes sont admis à l’hôpital. La Guadeloupe est le département où le taux de vaccination est le plus bas de France : seulement 20 % de la population a reçu une dose, contre 65 % au niveau national. Pourquoi cette couverture vaccinale est-elle si basse ?
Sur la place principale de la commune du Moule, il ne faut pas bien longtemps pour trouver des Guadeloupéens totalement opposés à la vaccination. Lysandre a lu trop d’histoires sur les réseaux sociaux concernant de prétendues conséquences mortelles du vaccin. Comme de nombreux Guadeloupéens, elle a aussi en tête l’exemple de Jacob Desvarrieux, le chanteur du groupe de zouk Kassav, mort récemment alors qu'il avait reçu trois doses de vaccin.
Le cas de Jacob Desvarrieux
"Ce qui est arrivé ne nous rassure pas, confie Lysandre. On nous a dit qu'il avait des comorbidités, que ça n'avait pas arrangé les choses. Mais ce vaccin est justement censé protéger les personnes plus vulnérables". Jacob Desvarrieux était immunodéprimé à la suite d’une greffe de rein et les vaccins fonctionnent mal auprès de ces patients. Mais malgré les faits, la thèse d’une overdose de vaccin a fait son chemin ici.
Yanké-Rachid lui non plus ne se fera pas vacciner. Il éprouve trop de doutes vis-à-vis des effets secondaires de l'injection, et puis à quoi bon ? Il est au chômage, comme un jeune actif sur trois ici, ne voyage pas et ne va pas au restaurant. "En France, les gens se font vacciner parce qu'ils ont un travail qui les oblige à le faire, avance-t-il. Même s'ils sont contre, ils sont contraints de le faire. Mais ici, l'accès au travail est beaucoup plus difficile, il y a beaucoup plus de chômage. C'est ce qui fait la différence entre la métropole et la Guadeloupe".
Une méfiance face à tout ce qui vient de la métropole
Et puis dans cette ancienne colonie, il existe une opposition farouche, traditionnelle à tout ce qui vient de l'État français. C'est bien ce discours que le docteur Fontès, médecin généraliste au Moule, entend régulièrement chez ses patients. "Il y a un amalgame ethno-politique qui fait que tout ce qui vient de la métropole provoque une réaction de recul, analyse-t-il.Ce sont les mêmes patients qui s'opposent au vaccin et qui ont des revendications nationalistes, c'est un discours assez troublant".
Alors sans relâche, le docteur Fontès poursuit quotidiennement son travail de pédagogie. "Tous mes patients me demandent : 'Docteur, qu'est-ce qu'on fait pour le vaccin ?'. Alors je leur dis : 'Pour telle ou telle raison, il faut le faire' et 95 % acceptent", témoigne-t-il. La quatrième vague poussera peut-être les Guadeloupéens indécis à recevoir l'injection. En tout cas, depuis l’annonce du reconfinement, le nombre de primo-vaccinés a sensiblement augmenté sur l'île.
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