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Vaccin contre le Covid-19 : "A l'heure actuelle, ce ne sont pas des résultats qui ont été publiés, c'est du storytelling, c'est de la communication", tempère un infectiologue

Alexandre Bleibtreu, infectiologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, réagit vendredi sur franceinfo à une autorisation conditionnelle de mise sur le marché européen dès la deuxième moitié de décembre pour les vaccins Moderna et Pfizer.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une femme vaccinant un patient en Suède, le 19 novembre 2020. (JOHAN NILSSON / TT NEWS AGENCY)

"Le temps de la science n'est pas forcément le temps des annonces médiatiques ou politiques", a rappelé sur franceinfo vendredi 20 novembre Alexandre Bleibtreu, infectiologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, alors que la Commission européenne a indiqué jeudi que l'Agence européenne des médicaments pourrait "donner l'autorisation conditionnelle de mise sur le marché dès la deuxième moitié de décembre" pour les vaccins Moderna et Pfizer, "si les procédures se passent sans problème". "A l'heure actuelle, ce ne sont pas des résultats qui ont été publiés, c'est du storytelling, c'est de la communication", a-t-il rappelé.

franceinfo : Il ne faut pas faire croire que le vaccin est déjà là ?

Alexandre Bleibtreu : Je suis, comme tout le monde, impatient à ce qu'on ait des vaccins efficaces et sûrs pour nous aider à combattre cette circulation virale. Mais à l'heure actuelle, ce ne sont pas des résultats qui ont été publiés, c'est du storytelling, c'est de la communication. Les résultats, c'est quand on a des données disponibles et précises que les scientifiques peuvent voir, analyser, comparer et critiquer. Pour l’instant, les seules choses qui ont été faites, ce sont des communiqués de presse qui donnent un pourcentage d'efficacité. À part les comités de suivi de ces essais vaccinaux, personne n'a accès aux données. Et si on a un tout petit peu de mémoire, il faut se rappeler le communiqué de presse du laboratoire Gilead sur le remdésivir, le médicament antiviral qui devait peut-être avoir une efficacité. Il y a eu des commandes, il y a eu des autorisations, et aujourd’hui l’OMS vient de le retirer des médicaments indiqués contre le Covid-19.

Vous trouvez que la Commission européenne s'avance trop ?

Le temps politique et le temps scientifique n’est pas le même. Est-ce que le politique a raison d'anticiper et d'essayer de planifier les choses pour que tout se passe de façon la plus fluide possible ? Je ne peux pas être contre. Est-ce que on a des données scientifiques disponibles pour dire que ces vaccins sont efficaces ? Est-ce que ces vaccins sont sûrs et sans effets secondaires ? Pour l'instant, la seule réponse qui est scientifiquement valable, c'est "je ne sais pas".

Il peut aussi y avoir plusieurs vaccins successifs ?

Là, on parle beaucoup des deux premiers qui ont communiqué, mais il y en a une dizaine de candidats vaccins en cours. Chacun de ses candidats vaccins aura des caractéristiques d'efficacité, de durée, de protection et de potentiels effets secondaires différents. Ils n'iront pas tous au bout, ils ne seront pas tous aussi efficaces. C'est évidemment quelque chose de positif, mais ayons une mémoire à court terme et rappelons-nous que le temps de la science n'est pas forcément le temps des annonces médiatiques ou politiques. Ça ne sert à rien de se survendre une bonne nouvelle, parce que si elle n’est pas aussi bonne que prévu, ça va décevoir beaucoup et renforcer le complotisme et les mouvements anti-vaccins.

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