: Vrai ou faux La mortalité des moins de 65 ans a-t-elle vraiment diminué en 2020, comme l’affirme le professeur Didier Raoult ?
Ce constat est fait par l'Insee. Il s'explique notamment par une baisse vertigineuse du nombre d'accidents de la circulation en France.
"Les chiffres, pour moi, n'ont pas un sens symbolique particulier." Alors que la France a franchi, jeudi 15 avril, le seuil des 100 000 victimes du Covid-19, Didier Raoult a refusé d'y voir un symbole. Invité de BFMTV, le directeur de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille a cependant commenté le passage de ce cap vertigineux.
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"Si vous prenez les gens de moins de 65 ans, il est mort moins de gens en 2020 qu'en 2019 et en 2018. Moins. Tandis que si vous prenez les gens de plus de 75 ans ou les gens de plus de 85 ans, il en est mort beaucoup plus", a relevé le microbiologiste, révélé au grand public par ses prises de position iconoclastes sur la lutte contre la pandémie. Didier Raoult dit-il vrai ou fake ?
Une baisse avérée de la mortalité des moins de 65 ans l'année dernière
Toutes causes confondues, 667 400 décès ont été enregistrés en France en 2020, "soit 9% de plus qu'en 2018 ou 2019", dénombre l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans une estimation provisoire. Une plongée dans ces chiffres de l'Insee permet d'identifier un double phénomène. D'un côté, une hausse de la mortalité de plus de 10% a touché les plus de 65 ans entre 2020 et 2019. De l'autre, les moins de 65 ans ont été moins nombreux à perdre la vie en 2020.
Dans le détail, la mortalité a baissé de 6% pour les moins de 25 ans et de 1% pour les 25-49 ans. Mais pour les personnes âgées de 50 à 64 ans, elle s'est accrue de 2%. L'Insee considère donc que la hausse de la mortalité a été "négligeable" chez les moins de 65 ans. Ce qui donne raison au professeur Raoult.
L'effet protecteur des restrictions sanitaires
Comment expliquer une telle baisse de la mortalité chez les plus jeunes ? Pour le démographe et épidémiologiste Jean-Marie Robine, joint par franceinfo, l'explication tient aux mesures sanitaires, qui ont eu des effets bénéfiques collatéraux. "Le confinement, en forçant les gens à rester chez eux, a diminué une grande partie de la mortalité des plus jeunes." Premier phénomène identifié par le conseiller scientifique de l'Institut national d'études démographiques (Ined) : la diminution des accidents de la route. "Ce sont très souvent des jeunes qui en sont victimes", relève Jean-Marie Robine.
Ce que confirment les données de l'année 2020. Le nombre d'automobilistes tués dans un accident de la route a diminué de 28% entre 2019 et 2020, s'établissant à 1 172 morts, rapporte l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Chez les 18-24 ans, pour qui la mort sur la route représente "la première cause de décès" selon le gouvernement, cette diminution atteint 22%. Pour l'organisme public, la limitation des "déplacements pendant les confinements et périodes de couvre-feu" et des départs en vacances moins nombreux expliquent cette baisse drastique du nombre de morts sur la route.
Les gestes barrières ont eux aussi joué dans la baisse de la mortalité des moins de 65 ans, estime Jean-Marie Robine. "Porter le masque les a protégés de tout ce qu'ils auraient pu attraper par ailleurs, que ce soit des gastro-entérites, des grippes ou les maladies infectieuses en général", liste l'épidémiologiste. Des pathologies effectivement en net recul en 2020. Selon Santé publique France (document PDF), l'épidémie de grippe de 2019-2020 aurait fait 3 680 morts, contre 9 000 décès en temps normal.
Une mortalité faible face au Covid-19
Cette baisse de la mortalité chez les moins de 65 ans s'explique aussi par une plus faible létalité du virus chez les plus jeunes, fait remarquer Jean-Marie Robine. "C'est une population très très peu à risque de décéder du Covid, à moins d'avoir des comorbidités", relève l'épidémiologiste et démographe. Les données extraites de la plateforme publique Géodes sur 44 000 décès l'attestent : 87% des morts du Covid-19 étaient âgés de plus de 70 ans, dont trois quarts de personnes au moins octogénaires.
Autre phénomène mis en avant par Jean-Marie Robine : contrairement aux craintes dues au contexte sanitaire et aux restrictions, "il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de suicides en 2020", affirme le démographe. Chaque année, près de 10 000 personnes mettent fin à leurs jours en France. Une situation qui touche principalement les adultes de 25 à 59 ans, révèle Santé publique France. Si l'Observatoire national du suicide n'a, pour l'heure, pas publié de bilan pour l'année écoulée, les indicateurs pointent en effet plutôt vers une absence de hausse du nombre de passages à l'acte en 2020, révélait Le Monde en novembre.
Cette baisse peut sembler paradoxale et provisoire, alors que les conséquences psychologiques des restrictions sanitaires et de la pandémie se font jour. Ainsi, 9% des personnes interrogées par Santé publique France confiaient avoir des pensées suicidaires à la mi-mars 2021. Et 20,7% des répondants présentaient un état dépressif. Santé publique France constate que la santé mentale est particulièrement dégradée chez les étudiants et les moins de 49 ans.
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