Au Samu de Paris, on se prépare avec patience et minutie à faire face à Ebola
Marisol Touraine a assisté, vendredi, aux très délicats habillages et déshabillages des personnels médicaux équipés des combinaisons de protection nécessaires pour traiter des malades du virus.
La France est prête à une arrivée éventuelle du virus Ebola. C'est le message martelé par Marisol Touraine. Pour rassurer, la ministre de la Santé a demandé à tous les services d'urgence de France de se livrer à des exercices grandeur nature simulant l'accueil de patients atteints du virus. Ces entraînements ont débuté jeudi 23 octobre. Mais c'est au quotidien que les personnels de santé doivent répéter les gestes qui doivent leur permettre de se protéger de la contagion. Le personnel du Samu de Paris s'est livré à cet exercice sous les yeux de Marisol Touraine, à l'hôpital Necker, vendredi.
Eviter tout contact avec des fluides
Comme l'explique le docteur Marc Lejay, spécialiste des situations sanitaires exceptionnelles, l'accueil des patients au Samu commence par deux questions : avez-vous de la fièvre, et rentrez-vous d'un pays à risque ? Si le patient y répond par l'affirmative et que les soupçons se confirment, il est alors classé comme cas "possible", et doit être confié à une équipe vêtue de ces combinaisons de protection intégrale. Des tenues qui doivent être enfilées puis retirées avec la plus grande précaution. "C'est compliqué, mais c'est avant tout une question d'habitude et d'entraînement", témoigne une infirmière du Samu de Paris, la voix étouffée par le masque plaqué sur sa bouche. Avec deux de ses collègues, elle répète l'habillage et le déshabillage sous les yeux des journalistes.
La mise en place de la combinaison est un travail de précision. Mettre une charlotte, enfiler le bas de sa tenue et des protections pour les pieds, puis mettre un masque, des gants, des lunettes protectrices, passer le haut de la combinaison en recouvrant les gants avec les manches, puis enfiler une deuxième paire de gants. Chaque geste doit être accompli dans l'ordre et pas un centimètre de peau ne doit être découvert, car le moindre contact avec les fluides corporels d'un patient atteint peut être synonyme de contamination. La combinaison, qui n'est pas réutilisable, coûte une centaine d'euros. Pour cet exercice, le personnel soignant n'utilise donc pas des tenues opérationnelles, mais des équipements d'entraînement. Le Samu reçoit de "vraies" tenues en nombre suffisant, mais "pas excessif", euphémise le docteur Lejay.
Le déshabillage, moment le plus risqué
La procédure est surtout un travail d'équipe. L'habillage et le déshabillage - qui peuvent prendre chacun plus de dix minutes - se font toujours à deux, pour des questions de sécurité. L'habillage est supervisé par une personne formée, qui fait le tour des masques, gants et capuches pour vérifier leur étanchéité. Mais la phase la plus risquée est celle où l'on retire sa combinaison. "Seuls les experts déshabillent, explique le docteur Jérôme Poignant, formateur au Samu, spécialisé notamment dans la gestion des risques biologiques. Il ne faut absolument pas que des parties contaminées de la tenue touchent la peau des personnels soignants." C'est en frôlant son visage avec un gant contaminé que l'aide-soignante espagnole aurait contracté le virus.
Au bout de la chaîne, il y a donc un "déshabilleur", formé aux risques chimiques, et dont c'est le seul rôle dans le traitement d'Ebola. Lui-même est vêtu d'une combinaison plus légère, qui ne couvre pas intégralement le visage, et peut être retirée seul. C'est celle que va aussi utiliser le personnel en contact avec les cas suspects mais "non-sécrétants", c'est-à-dire qui ne présentent pas de vomissements, de diarrhées ou d'autres substances contagieuses.
Principale mot d'ordre du déshabillage : "Prends ton temps." "Il n'y a aucune urgence une fois que le patient a été traité", explique le docteur Poignant. "Les erreurs se font quand on se précipite." On prend donc le moins de risques possibles : pendant toute la procédure, les "déshabillés" gardent les mains en l'air, pour ne pas risquer de toucher leur collègue qui, placé dans leur dos, retire leur combinaison. Une fois la tenue ôtée, l'infirmier pose immédiatement ses pieds en "zone propre". Il retire ensuite sa deuxième paire de gants, se lave les mains, et enfile une nouvelle paire, avec laquelle il retire et jette dans une poubelle, d'un seul geste, son masque et ses lunettes. Un "déshabilleur" arrête une infirmière qui s'apprête à enlever sa charlotte : "Non, d'abord les gants." Les gestes sont parfois un peu hésitants, mais les spécialistes veillent.
Une ambulance sous escorte policière, même pour de faux
Le personnel répète ces gestes à l'arrivée de la ministre. Marisol Touraine entre dans la pièce, saluant les infirmiers en combinaison. "C'est rare que l'on serre les mains comme ça", s'amuse le professeur Pierre Carli, qui dirige les équipes du Samu de Paris, et l'accompagne. Plus tard, elle assiste à une autre phase cruciale : le transfert dans une ambulance médicalisée d'une cellule de transport hermétique, dans laquelle une personne probablement infectée serait transférée vers l'un des 12 hôpitaux français habilités à traiter les malades d'Ebola. Aucun échange d'air n'est possible entre ce "sarcophage", comme on l'appelle, et l'extérieur, mais les accompagnateurs, parmi lesquels au moins un médecin et un infirmier, sont tous en combinaison hermétique. Un dispositif qui avait fortement impressionné les voisins de l'infirmière transférée de son domicile de Puteaux jusqu'à l'hôpital Begin, jeudi 16 octobre, à cause d'une fièvre suspecte.
Cette fois, c'est la ministre de la Santé qui donne le départ de l'ambulance. Le véhicule quitte le Samu sous escorte policière, même lors des exercices. Pour l'instant, aucun cas possible d'Ebola n'a transité par l'hôpital Necker.
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