Le virus Zika, une excuse des joueurs de golf pour ne pas participer aux JO de Rio ?
Des golfeurs de renom ont renoncé à participer à l'épreuve olympique par crainte d'être infectés par cette maladie transmise par le moustique Aedes.
Après 112 ans d'absence, le golf fait son retour aux Jeux olympiques. Mais l'épreuve qui aura lieu à Rio de Janeiro (Brésil) est boudée par les meilleurs joueurs mondiaux. De nombreux cadors ont renoncé à y participer prétextant craindre le virus Zika. Transmis par des piqûres du moustique Aedes, il peut causer de la fièvre, des douleurs articulaires et – dans des cas beaucoup plus rares – entraîner une microcéphalie chez le fœtus dont la mère est contaminée.
Un tournoi sans les 4 meilleurs mondiaux
Le dernier champion à avoir jeté l'éponge est l'Américain Jordan Spieth, n°3 mondial. Il l'a annoncé lundi 11 juillet. Les autres sont l'Australien Jason Day (n°1 mondial), l'Américain Dustin Johnson (n°2) et le Nord-Irlandais Rory McIlroy (n°4). Sans compter d'autres pointures de renommée mondiale comme l'Australien Adam Scott, les Sud-Africains Louis Oosthuizen et Charl Schwartzel, le Fidjien Vijay Singh, et le Japonais Hideki Matsuyama. En clair : six des dix meilleurs joueurs de la planète ne seront pas à Rio.
Au total, soixante golfeurs vont concourir. Parmi eux, l'Américain Bubba Watson, n°5 mondial, est le mieux classé. Un journaliste de la chaîne spécialisée américaine ESPN a tweeté la liste des concurrents.
Here is the list of 60 male golfers who will compete in the Olympics next month: pic.twitter.com/pdckoWIkbR
— Jason Sobel (@JasonSobelESPN) 11 juillet 2016
Rassurez-vous. Le tournoi ne sera pas pour autant insipide. "Il y aura assez de grands champions présents pour faire le show, pour que cela soit de très haut niveau", assure auprès de francetv info Christian Cévaër, double vainqueur de l'European Open, coach au golf de Saint-Cloud et consultant pour Golf+ et Golf Magazine. "C'est être irrespectueux envers ces joueurs de penser que le spectacle ne sera pas au rendez-vous."
Parcours en bord de mer
Le tracé de Barra da Tijuca, où aura lieu la compétition, se situe dans une réserve naturelle. Des mouvements écologistes se sont d'ailleurs élevés contre le projet, a rapporté Eurosport, en février 2015.
Après sa livraison en novembre 2015, certains titres de presse ont salué sa beauté. Madame Figaro écrit, par exemple, que l'architecte Gil Hanse a dessiné "des fairways ondulants comme une vague, des greens balayés par le vent, des roughs en sable et restinga (mangrove locale)".
Le 18 trous est de style links, qui fait référence aux premiers parcours de golf, en Ecosse, explique le Dictionnaire amoureux du golf. Comme le veut la tradition, il se trouve donc en bord de mer et compte de nombreux points d'eau, dont deux lacs artificiels.
"Je ne veux pas être malade"
Justement, c'est grande la présence d'eau stagnante qui inquiète les joueurs, un endroit rêvé pour les moustiques et peut-être le fameux moustique Aedes, qui transmet le virus Zika. Le néo-zélandais Danny Lee, 48e mondial, a résumé les craintes des golfeurs :
C'est un endroit avec de larges surfaces d'eau stagnante, le genre de lieu qu'il faut justement éviter. On est sur le parcours entre cinq et six heures chaque jour pendant six jours, et pour moi, cela revient à être plus exposé aux piqûres de moustique que les autres athlètes qui évoluent en salle ou dans un stade.
"J'ai juste l'impression, et c'est un point de vue partagé par beaucoup, que le CIO ne répond pas à 100% aux questions que nous nous posons [au sujet de Zika]", a-t-il affirmé. Avant de conclure : "Je ne veux pas être malade. Je suis encore jeune et à un moment dans ma vie, j'espère fonder une famille."
"Des médecins ont confirmé que décider de concourir à Rio signifie forcément prendre un risque, même peut-être faible, pour ma santé et celle de ma famille", a déclaré le n°1 mondial Jason Day. Même son de cloche du côté de Dustin Johnson, n°2 mondial : "Paulina et moi, nous prévoyons d'avoir d'autres enfants bientôt et j'ai le sentiment que cela serait irresponsable de prendre des risques, pour moi et ma famille."
"C'est un sport guidé par l'argent"
D'autres sont moins anxieux : "Je suis impatient de défendre les couleurs américaines à Rio", a tweeté le n°7 mondial, Rickie Fowler, partageant même la tenue qu'il portera lors des JO.
Looking forward to wearing some red white and blue in Rio @olympics pic.twitter.com/8bpr5d9iL4
— Rickie Fowler (@RickieFowler) 10 juillet 2016
Chez les femmes, très peu de golfeuses ont renoncé à participer à la compétition, alors que ce sont elles qui courent les plus gros risques si elles sont enceintes. "Je pense juste qu'ils [les golfeurs] utilisent Zika comme une excuse", a taclé le rameur britannique Steve Redgrave, cinq fois champion olympique, sur la BBC (en anglais). Malheureusement, c'est un sport guidé par l'argent et ils ne gagnent pas beaucoup d'argent en allant aux Jeux olympiques", a-t-il ajouté.
Priorité aux tournois du Grand Chelem
Si les meilleurs joueurs mondiaux sont absents, c'est aussi parce qu'ils estiment que cette compétition n'est pas capitale, malgré ses 112 ans d'absence lors d'une olympiade. Rory McIlroy, n°4 mondial, n'a pas caché son manque de considération, citant d'autres rendez-vous : "La plupart des autres sportifs rêvent toute leur vie de gagner un titre olympique, on rêve, nous, du Claret Jug [le trophée du British Open] ou du blazer vert [remis au vainqueur du Masters d'Augusta]".
Des JO, j'en ai quatre par an, ce sont les tournois du Grand Chelem.
"C'est vraiment dommage qu'autant de joueurs du top niveau décident de renoncer", s'est désolé Colin Montgomerie, ancien n°2 mondial, qui a défendu le retour du golf devant le Comité international olympique (CIO) en 2009.
"Ils sont sensibles à la cause olympique mais ils n'ont pas grandi avec le golf olympique et n'ont pas cette culture", commente Christian Cévaër. Selon lui, "participer à ce tournoi pourrait peut-être être compromettant en terme de gestion d'énergie, notamment à cause des longs voyages, par rapport à ce qui est le plus important dans le monde du golf, à savoir les majeurs [les tournois du Grand Chelem]".
Le même destin que le tennis olympique ?
Mais peut-être l'épreuve olympique de golf va-t-elle retrouver la cote auprès des cadors dans les années à venir, comme cela a été observé dans le tennis. En effet, le tennis est redevenu olympique en 1988. Dans les années 90, la compétition olympique été laissée de côté par les pointures mondiales. Mais elle est redevenue un rendez-vous important lorsque le Suisse Roger Federer, au milieu des années 2000, s'est mis en tête de la remporter.
Depuis, la compétition olympique est devenue fréquentable, au point de devenir une sorte de tournoi du Grand Chelem officieux. Par exemple, en 2012, Andy Murray et Serena Williams ont été sacrés en simple, ces mêmes champions ont remporté l'édition 2016 d'un tournoi aussi prestigieux que Wimbledon.
"Le golf doit rester olympique, ce qui se passe maintenant est une péripétie, j'aimerais participer aux JO à Tokyo [en 2020]", a tenté de rassurer Jason Day, le numéro un mondial. Un retour en grâce du golf olympique est donc peut-être possible.
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