Maladies, précautions, opérations d'éradication : cinq questions sur la prolifération du moustique tigre
Les Franciliens vont-ils à nouveau pouvoir dormir la fenêtre ouverte sans penser à ces insectes ? Deux opérations de démoustication ont été menées en région parisienne, mercredi 30 et jeudi 31 août, après la découverte de deux cas de dengue, une maladie notamment transmise par la piqûre du moustique tigre. Ces opérations ont eu lieu dans le 13ᵉ arrondissement de Paris, et à Colombes dans les Hauts-de-Seine.
L'Ile-de-France est loin d'être la seule région concernée. Des opérations ont été menées ces dernières semaines, là encore après la détection de cas de dengue, à Lyon, Strasbourg, Toulouse, Mâcon, Poitiers, ou encore Nice. La prolifération du moustique tigre et les opérations de lutte contre cet insecte pose plusieurs questions auxquelles franceinfo apporte des réponses.
1Quels sont les départements concernés par la présence du moustique tigre ?
Sur 96 départements de l'Hexagone et de la Corse, 71 sont actuellement colonisés par le moustique tigre, rapporte le ministère de la Santé. Seuls certains territoires de la moitié nord (et la Creuse) semblent épargnés pour l'instant. Ce moustique, qui a la particularité de piquer de jour, se trouve essentiellement dans les zones urbaines. Fin 2021, sa présence a été constatée et confirmée dans 3 934 communes. Si vous constatez sa présence chez vous, vous pouvez le signaler sur le site internet dédié de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
Dans certains départements, plus de 40% de la population vit dans une commune concernée par la présence du moustique tigre. Le Sud-Ouest, la côte sud-est, la vallée du Rhône, la Corse, le bassin parisien et les alentours de Strasbourg sont particulièrement touchés.
2Quelles maladies le moustique tigre transmet-il ?
Au-delà des démangeaisons qu'elles provoquent, les piqûres du moustique tigre peuvent transmettre des maladies. "Le moustique tigre peut être vecteur de nombreux virus comme ceux de la dengue, du Zika ou du chikungunya", avertit l'Anses sur son site. Pour transmettre un virus à une personne qu'il pique, le moustique doit d'abord s'être infecté en prélevant le sang d'une personne malade. En quelques jours, le virus passe dans la salive de l'insecte, qui contamine les personnes qu'il pique. Démoustiquer les quartiers où un cas de dengue, de chikungunya ou de Zika a été repéré s'avère donc crucial pour empêcher une épidémie.
Si la dengue "est dans la majorité des cas asymptomatique, (...) dans de rares cas, des complications graves et parfois mortelles peuvent survenir", explique Santé publique France. Dans sa forme classique, la dengue "se manifeste par une forte fièvre, (...) accompagnée de frissons, de maux de tête, (...) de nausées, de vomissements, de douleurs articulaires et musculaires" notamment, liste l'agence nationale de santé publique. Seulement 5% à 1 % des cas symptomatiques peuvent "conduire à des hémorragies pouvant mettre en jeu le pronostic vital", rassure l'agence.
Avec la prolifération du moustique tigre sur une large partie de l'Hexagone, les autorités sanitaires surveillent désormais les cas "autochtones" de cette maladie tropicale, c'est-à-dire ceux contractés sans voyage, et non plus seulement les cas "importés", comme auparavant. En 2022, 66 cas de transmission autochtone de la dengue ont été documentés. "La survenue de cas de dengue autochtone est dorénavant un phénomène attendu dans le sud de la France", estime Santé publique France.
Le chikungunya se manifeste "par une fièvre et de douleurs articulaires qui disparaissent spontanément au bout de quelques jours", écrit l'agence de santé. Seulement trois épisodes de transmission ont été constatés en Hexagone et en Corse. Enfin, concernant le virus Zika, un seul épisode de transmission autochtone, a été identifié, en 2019. Cette maladie provoque dans la majorité des cas une "éruption cutanée", une "fièvre modérée", mais également "une conjonctivite, une fatigue, des douleurs musculaires et articulaires, des maux de tête", liste Santé publique France. Dans de rares cas, le virus peut "être responsable de complications" pour l'embryon ou le fœtus et de complications "neurologiques sévères", si la personne infectée est enceinte.
3Quelles sont les précautions à prendre ?
Afin de se protéger du moustique tigre, l'Anses recommande avant tout d'éliminer les eaux stagnantes, qui sont des lieux de ponte idéaux pour l'insecte et lui permettent de proliférer. Une femelle moustique peut en effet "pondre plusieurs centaines d'œufs à chaque ponte". Concrètement, l'agence recommande de "vider régulièrement ou supprimer les coupelles sous les pots de fleurs, vases… ou les remplir de sable afin de conserver l'humidité sans qu'il y ait d'eau stagnante" ; de "ranger, à l'abri de la pluie, les seaux, le matériel de jardinage, les jouets ou encore les récipients divers" ; de "recouvrir les bidons de récupération d'eau à l'aide d'un filet moustiquaire ou de tissu" ; et de "curer les gouttières pour faciliter le bon écoulement des eaux".
Si les moustiques tigres sont présents, vous pouvez tout de même limiter les risques de vous faire piquer en adoptant ces gestes recommandés par l'Anses : "porter des vêtements longs, amples et clairs", "utiliser des répulsifs cutanés en suivant les précautions d'emploi indiquées", et " utiliser des moustiquaires". Quant aux bracelets antimoustiques, qui contiennent des substances chimiques, l'agence de sécurité sanitaire recommande de les proscrire chez les nourrissons et les jeunes enfants, après plusieurs cas de brûlures.
4 Comment se déroule une opération de démoustication ?
Les opérations de démoustication ne sont pas effectuées systématiquement lors de la découverte de la présence de moustiques tigres. Ces opérations "ne sont déclenchées par les autorités sanitaires qu'en cas de risque de propagation épidémique de la dengue, du chikungunya ou de Zika", explique l'agence régionale de santé (ARS) d'Auvergne-Rhône-Alpes. Lorsqu'une personne est atteinte par d'une de ces trois maladies, une enquête est menée pour déterminer la zone à démoustiquer. "Il s'agit d'éviter que des moustiques tigres présents piquent la personne malade et transmettent la maladie à d'autres personnes alentours", explique l'ARS.
L'opération de démoustication a ensuite lieu la nuit, "pour éviter la présence de personnes en extérieur sur le secteur traité et limiter au maximum son impact sur les autres insectes". Un document est distribué à la population du quartier concerné. "Bien que le produit et le dosage utilisé soient sans risque pour la population, il est fortement recommandé de suivre les précautions inscrites sur le flyer distribué dans les boîtes aux lettres ou affichés dans les immeubles", recommande l'ARS. Un produit biocide est pulvérisé pour tuer les larves et les moustiques adultes.
5La prolifération du moustique tigre a-t-elle un lien avec le réchauffement climatique ?
La prolifération du moustique tigre pose la question de la présence de l'insecte en Europe. Comment cet insecte, originaire d'Asie du Sud-Est, parvient-il à prospérer sous nos latitudes ? "C'est en partie lié au changement climatique", explique Céline Bellard, chercheuse en écologie au CNRS, interviewée par France Télévisions.
La scientifique pointe ainsi du doigt "des hivers qui sont plus doux, et des températures qui sont plus clémentes, plus tôt dans l'année". Cette situation "permet une période de nuisance au moustique tigre qui est beaucoup plus importante que ce qu'on observait auparavant".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.