Parmi les 100 associations présentes à Solidays, certaines se concentrent sur l'accompagnement des femmes malades
" Ikambere", " Dessine moi un mouton" et " Ucara" accompagnent des milliers de femmes dans leur lutte contre la maladie et leur re-donnent confiance en l'avenir.
De nombreux services sont offerts : prévention, formation professionnelle, soutien ethno-psychiatrique... Mais l'objectif premier est d'offrir un lieu de parole pour lutter contre le silence.
- IKAMBERE, en rwandais cela veut dire : "La maison accueillante". Cette association fondée en 1997 a créé un cadre convivial où les femmes touchées par le VIH se retrouvent pour rompre l'isolement. Sa directrice, Bernadette Rwegera, nous présente le travail d'Ikambere.
Bernadette Rwegera : "Depuis 1997, 1.560 femmes sont venues nous voir. On reçoit uniquement des femmes infectées du Sida et il y en a 100 de plus chaque année. Notre objectif est d'aider les femmes à se former et à trouver du travail. Pour chacune d'elle, nous mettons en place un projet professionnel, thérapeutique et social.
Les femmes que nous accueillons sont vulnérables. Elles ont laissé leur famille, leur travail et trouvent ici la précarité, la rue et rien à manger. La convivialité que l'on installe leur permet de faire le deuil de leur séropositivité. L'expérience des plus anciennes leur permet d'évoluer et d'imaginer d'avancer dans la vie, de faire un enfant, de trouver un travail... Car ce n'est pas gagné d'avance. Quand on est séropositif, on perd confiance. En dehors d'Ikarembe, elles ont peur de parler du Sida. Quant elles en parlent à l'extérieur elles disent qu'elles sont à "la maison blanche", à "Ika" ou au "Café". Ici elles ont confiance. C'est une deuxième maison pour elles. Nous proposons des cours d'alphabétisation, d'informatique, de couture, et chaque jour nous préparons un repas. Et comme les gens n'ont pas beaucoup de moyens avec la crise, nous distribuons aussi aux femmes des colis alimentaires une fois par semaine. Des fruits et des légumes surtout, c'est mieux pour leur traitement.
Nous faisons aussi beaucoup de prévention car ce n'est pas parce qu'elles sont contaminées, que le monde entier doit être contaminé. Pour cela nous faisons venir des médecins à Ikambere. A l'hôpital, l'homme est en blouse blanche, dans sa toute puissance. C'est mieux quand ils viennent ici à l'association habillés comme vous et moi. Ils prennent le temps de parler et les femmes ont le temps de poser toutes les questions qu'elles veulent.
Justine, 39 ans, séropositive et réfugiée rwandaise à Paris depuis 2003, a appris le français et trouvé un travail grâce à Ikambere.
"Quand je suis arrivée du Rwanda je ne parlais pas français et j'étais atteinte du VIH. A l'hôpital Bicêtre on m'a donné l'adresse d'Ikambere. Ils m'ont trouvé un interprète pour m'accompagner faire mes soins à l'hôpital. En 2005, j'ai obtenu une carte de séjour et l'asile politique pour dix ans car mon mari est décédé dans le génocide du Rwanda. A partir de là j'ai été accueillie dans un foyer pour réfugiés à Paris. On était trois par chambre. J'étais obligée de me cacher pour prendre mes médicaments. Ca a duré un an et demi. Mais grâce à mes papiers, j'ai eu un logement. Après ça, j'ai obtenu un contrat d'accompagnement d'un an et demi avec La Main fine (partenaire d'Ikambere qui mène les femmes à l'autonomie grâce à la couture) et j'ai pris des cours de français. Puis, en 2007 j'ai suivi une formation pour devenir caissière en contrat pro chez Carrefour. Aujourd'hui je suis en CDI. Je me sens bien. C'est un peu dur parfois mais au moins je sais que j'ai un travail. J'ai un nouveau projet pour m'améliorer encore. Une formation de comptabilité et gestion. Je suis quelqu'un qui veut progresser c'est tout."
Contacts:
Ikambere "La Maison accueillante"
39, bd Anatole France
93200 Saint-Denis
01.48.20.82.60
www.ikambere.com
- UCARA pour Unité de réflexion et d'action des communautés africaines. Le but de cette association qui lutte contre le Sida depuis 1986 est la prévention globale et sociale associée à la défense des cultures africaines.
Au-delà des ateliers classiques des associations de lutte contre le Sida, UCARA adopte une méthodologie à part. Celle-ci se base sur la participation active des membres de la communauté concernée. Elle utilise donc des éléments culturels comme moyens d'intervention afin de rendre possible les liens entre la société d'accueil et le pays d'origine. Par exemple, "les femmes doivent réflechir à des moyens de prévention, exemple une chanson", explique Fatiha Ayoujil, psychologue chez UCARA.
Et pour faciliter encore un peu plus le lien entre l'Afrique et la France, UCARA tient une consultation en ethno-psychiatrie. "Les malades atteints du VIH ont peur d'en parler et sont victimes d'un fort isolement", explique Fatiha Ayoujil, qui dirige cette consultation. "Quand je reçois des malades, on essaye de briser le tabou" raconte-t-elle. Ses consultations ont donc déjà permis à des femmes de commencer leur traitement. Avant cela, le silence et la honte les empêchaient de parler, et donc de se soigner. Fatiha invite également ses patientes à s'orienter vers la médecine occidentale car beaucoup font encore confiance aux médecines traditionnelles africaines. "Je ne leur dis pas que c'est mieux, mais je les informe sur les traitements possibles", précise la psychologue.
L'association se bat également pour rompre l'isolement des femmes en particulier. Elle a ainsi créé une 'Assemblée des femmes' qui en accueille 40 par semaine. Autour d'un repas organisé par l'une d'elle pour l'ensemble du groupe, les femmes recréent ainsi l'atmosphère d'une concession africaine et discutent des relations conjugales, des enfants, de la santé ou du pays d'accueil.
Contact:
Ucara
33, rue Polonceau
75018 Paris
01.42.52.50.13
www.uraca.org
Dernière parution : 'Etre africain et malade du sida à Paris en 2009. Paroles de patients, paroles de soignants.'
- DESSINE-MOI UN MOUTON, accompagne des femmes enceintes atteintes du VIH depuis 1991. Environ 1.300 femmes ont fait appel à l'association depuis sa création. Marie-Christine Gazeau infirmière en péri-natalité nous présente son association.
"La moitié des femmes apprennent leur séropositivité lors d'un examen de grossesse. Il y a un vrai choc lors de l'annonce car elles ont déjà pu voir des femmes de la famille en mourir au pays. Ensuite se pose le problème du conjoint. Comment lui annoncer? Va-t-il rester ? Puis il faut apprendre à vivre cette grossesse sous traitement. La femme contaminée ne peut par exemple pas allaiter son bébé. Ce qui entre en conflit direct avec le poids communautaire qui dit qu'il vaut mieux allaiter. La difficulté majeure pour ces femmes est donc d'accepter le traitement et de donner le biberon et non le sein. Mais si la femme commence son traitement, même lors du 7e mois de grossesse, le bébé ne naîtra pas séropositif. Le diagnostic des bébés peut d'ailleurs se faire dès le 3e mois. Il devra tout de même suivre un traitement de 4 à 6 semaines. Quant à la césarienne elle est tout à fait évitable, si le traitement est bien pris. De même, les femmes ont parfois peur de mourir demain, alors qu'elles ont la même espérance de vie que n'importe qui si elles prennent le traitement adapté. Cela fait dix ans que je travaille ici et j'ai vu des femmes retrouver le sourire et avoir envie de vivre."
Contact:
Dessine-moi un mouton
12, rue d'Enghien
75010 Paris
01.40.28.01.01
www.dessinemoiunmouton.org
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