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Peut-on survivre après avoir avalé 35 pilules de Viagra® ?

C'est une histoire plutôt insolite qui circule sur Internet : après avoir avalé 35 pilules de Viagra®, un homme se serait retrouvé à l'hôpital avec une érection de cinq jours. Si l'anecdote paraît un peu grosse au premier abord, plusieurs éléments semblent indiquer qu'elle est plausible.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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L'histoire, selon The Sun

A en croire le tabloïd The Sun, un Britannique de 36 ans aurait eu la brillante idée, lors d'une soirée arrosée, d'avaler un maximum de pilules de Viagra®, vraisemblablement "pour faire rire" ses amis.

Mais une heure et 35 comprimés plus tard, c'est l'overdose. Pris de vertige, l'homme finit par avoir des hallucinations : "tout ce que je voyais était vert", aurait-il expliqué au Sun. "Et j'ai eu une énorme érection qui ne voulait pas partir".

Pas de quoi inquiéter ses compagnons de beuverie cependant, puisqu'il lui faudra attendre de rentrer chez lui pour que ce soit sa femme, choquée, qui appelle les secours.

Le personnel de l'hôpital, visiblement amusé par la situation, aurait décidé de le garder 36 heures en observation avant de le renvoyer à domicile où il serait resté cloué au lit, le temps que les effets se dissipent cinq jours plus tard. Selon l'intéressé, si son érection n'était pas permanente, le moindre frottement suffisait à ranimer son intimité.

L'histoire, sous le scalpel d'Allodocteurs.fr

Il faut bien le reconnaître, l'anecdote est douteuse, à tout point de vue. Surtout si l'on considère que le tabloïd The Sun est un habitué des scoops basés sur de simples témoignages. Avec si peu d'éléments de contexte, difficile d'authentifier l'histoire. Un tel scénario est-il seulement plausible ?

  • Les symptômes sont-ils cohérents ?

La fiche médicament du sildénafil (le principe actif du Viagra®) mise en ligne par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) mentionne parmi les effets secondaires des nausées, des troubles de la vision des couleurs, ou encore un priapisme, c’est-à-dire une érection qui dure plus de quatre heures. Les symptômes concordent donc avec ceux rapportés par The Sun.

Mais, ces effets (rares) ont été observés à des doses thérapeutiques normales, c'est-à-dire après la prise d’un seul comprimé, dosé à 25, 50 ou 100 mg. Toutefois, quelques études de surdosage ont été menées sur des volontaires qui ont pris en une fois des doses de sildénafil de 800 mg (soit huit fois la dose maximale recommandée). Aucun n'en est mort : "les effets indésirables étaient les mêmes qu’aux doses plus faibles, mais leur incidence et leur sévérité étaient accrues", relève l’ANSM.

Or, l’article du Sun ne rapporte pas le dosage des comprimés ingérés par notre fêtard écervelé. S'il s’avère qu’il a pris 35 pilules dosées à 25 mg, il n’a ingéré au final "que" 875 mg de sildénafil, une dose proche de celle administrée aux volontaires lors des essais cliniques[1]. A l’inverse, si les pilules étaient dosées à 50 voire à 100 mg, l'expérience du Britannique sort clairement des sentiers battus de la pharmacologie.

  • Notre Britannique n'aurait-il pas dû finir raide mort ?

Pour autant, quelques précédents avérés existent : des pionniers ont déjà tenté l'expérience. Ainsi, une étude publiée en juillet dernier par des chercheurs d’Anvers (Belgique) relate un cas de tentative de suicide par ingestion massive de Viagra®. L'intéressé, un homme de 56 ans, a été admis aux urgences 24 heures après avoir avalé pas moins de…65 comprimés, dosés à 100 mg.

Une dose éléphantesque qui tient lieu de record officiel dans l’histoire des petites pilules bleues. Le patient belge souffrait à son arrivée à l’hôpital de sévères vomissements, d’importants troubles de la vision et de tachycardie (une accélération du rythme cardiaque). Étonnamment, aucune érection persistante n’est mentionnée dans le rapport. L’individu concerné s’en sortira sans aucune séquelle physique.

Deux décès ont toutefois été recensés après un surdosage de sildénafil. Pour l'un deux, la dose absorbée était pourtant trois fois plus faible que celle du recordman belge. Mais, contrairement à ce dernier qui était en parfaite santé, les deux morts étaient alcooliques chroniques. Abîmé par l’alcool, leur foie éliminait donc plus difficilement le sildénafil de leur sang.

  • Il aurait pu perdre un membre

Si notre intrépide Britannique s'en est sorti vivant, il aurait tout de même pu y laisser son sexe. Un priapisme prolongé peut endommager de manière permanente le pénis, peut-on lire sur le site du fabriquant du Viagra®. Quelques cas de gangrène liés à des priapismes prolongés sont d'ailleurs répertoriés. En 2013, l'obscure histoire d'un homme amputé du pénis après une surdose de Viagra® avait également circulé sur Internet.

En résumé, s’il est difficile de déterminer la véracité de l’histoire du Sun, force est de constater qu'elle est bel et bien plausible. Si elle ne lui a pas coûté la vie, cette stupide expérience a dû lui coûter un bras. Comptez 2 à 3 euros la pilule pour le générique, en sachant que les prix peuvent s'envoler jusqu'à 12 euros, si notre fêtard a opté pour un comprimé de marque officielle Viagra®.

 


[1] *la posologie étant différente, l'absorption et l'élimination du principe actif par le corps sont elles aussi légèrement modifiées. Mais la dose absorbée, elle, est relativement semblable.

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