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Patient guéri du VIH : "Il faut se concentrer sur les traitements, même si on cherche des voies de guérison", selon le professeur Yazdan Yazdanpanah

La guérison d'une troisième personne atteint du VIH, responsable du sida, est très importante, mais pas réalisable au quotidien, prévient le directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites et les maladies infectieuses émergentes.
Article rédigé par franceinfo
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Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites et les maladies infectieuses émergentes (ANRS). (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Il faut se concentrer sur les traitements, même si on cherche des voies de guérison", conseille le professeur Yazdan Yazdanpanah. Le directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites et les maladies infectieuses émergentes (ANRS) réagissait sur franceinfo mardi 21 février à la guérison définitive d'un troisième patient atteint du VIH (virus de l'immunodéficience humaine), suite à une greffe de moelle osseuse.

franceinfo : Comment cette troisième guérison est-elle possible ?

Yazdan Yazdanpanah : Il y a eu d'abord le "patient de Berlin", puis le "patient de Londres", le troisième est "le patient de Düsseldorf". Il s'agit d'une personne qui a reçu un traitement antirétroviral, un traitement pour la vie. Il a développé une leucémie, une maladie du sang, et il a été greffé par des cellules souches. Comme pour les deux autres cas, il y a eu une guérison. Quatre ans après l'arrêt de tout traitement, les chercheurs ne retrouvent pas le VIH chez ce patient.

C'est une greffe de moelle osseuse, un procédé lourd. En quoi est-ce un espoir ?

C'est très important, ça nous apprend énormément de choses sur la guérison, mais ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire tous les jours, en pratique courante. Il s'agit de patients qui ont des maladies graves, à qui on propose une greffe de moelle osseuse : on change les cellules immunitaires des patients avec des cellules des donneurs qui, eux, ont des mutations qui les protègent contre le VIH. On ne peut pas le faire pour tout le monde. Une greffe de moelle osseuse, une greffe de cellules souches, c'est très lourd, avec des risques importants. En revanche, cela nous permet de comprendre comment on peut se rapprocher de la guérison, de montrer que c'est possible.

Comment passe-t-on d'un protocole lourd à un médicament pour le grand public ?

La question n'est pas facile. Ces patients, qui reçoivent une greffe de moelle osseuse avec des cellules immunitaires, deviennent résistants au VIH parce qu'ils ont une mutation au niveau d'un récepteur qui permet l'entrée du VIH dans les cellules cibles du VIH. Une manière de reproduire ce phénomène pourrait venir des thérapies géniques : essayer d'introduire cette mutation pour que les personnes deviennent résistantes. Encore une fois, ce n'est pas quelque chose de facile à faire. Il y a d'autres mécanismes pour éliminer le VIH : soit cibler et éliminer les cellules infectées par le virus ; soit rendre les cellules résistantes ; soit optimiser les réponses immunitaires contre le virus.

Un vaccin est aussi toujours attendu. Il a fallu atteindre quelques mois seulement pour le Covid-19. Pourquoi est-ce si long avec le VIH ? Est-ce que l'ARN peut changer la donne ?

Il faut savoir tout d'abord que tous les virus ne sont pas les mêmes. Pour le VIH, cela fait des années qu'on cherche, et c'est beaucoup plus compliqué parce que c'est un virus différent. Malheureusement, un essai clinique assez avancé vient d'être arrêté parce qu'il n'était pas efficace. Il y en a un autre en cours, mené par l'Inserm, dont on va avoir les résultats qui sont assez prometteurs. L'ARN est une piste, mais ce n'est pas parce que ça marche avec le Covid-19, que ça marchera avec le VIH. Ce qu'il est important de rappeler, c'est que, sans minimiser le VIH, on a aujourd'hui des traitements qui sont faciles à prendre. C'est à vie, oui, mais on a des traitements à prendre une fois par jour, avec peu d'effets secondaires. On a aussi des traitements longue durée, avec des patients qui font des injections tous les deux mois. Se traiter empêche la transmission, ça rend le virus indétectable, même si on n'est pas guéri. Donc, pour l'instant, il faut surtout se concentrer sur les traitements, même si on cherche des voies de guérison, sans oublier la prévention. Il faut utiliser le panier d'outils à disposition : le préservatif, la PrEP, qui est un traitement préventif, et surtout le dépistage.

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