Anesthésiste de Besançon : pourquoi le chlorure de potassium est à manier avec précaution ?
Céline a perdu sa mère il y a bientôt dix ans. Monique est décédée d’un arrêt cardiaque, après une opération du côlon. À l’époque, les médecins n’arrivent pas à expliquer le décès de cette femme qui ne présente aucun antécédent médical.
« J’étais effondrée et me demandais pourquoi elle avait eu cet arrêt cardiaque sachant qu’elle avait pas de problème de cœur aucun souci de santé à part qu’elle devait se faire opérer. Forcément on se pose des questions… je n'arrive pas à faire le deuil ", confie la jeune femme.
En 2017, Céline apprend qu’un anesthésiste, le Dr Péchier, est soupçonné d’empoisonnements dans la clinique où sa mère a été opérée. Elle porte plainte. Un an plus tard les enquêteurs découvrent l’origine de l’arrêt cardiaque de Monique : une dose létale d’anesthésiques lui a été administrée.
Aujourd’hui, le Dr Péchier est mis en examen pour 24 empoisonnements sur des patients. Neuf sont morts, dont Monique. Dans le corps des victimes , les mêmes substances sont retrouvées en très grande quantité : des anesthésiques ou du potassium.
"Si vous en injectez une dizaine comme cela (...) la dose peut s'avérer létale rapidement"
Ces produits sont fréquemment utilisés par les médecins anesthésistes et doivent être manipulés avec précaution, notamment le chlorure de potassium qui se présente sous forme de petite pipette : « Le potassium est un produit anodin. Mais si vous en injectez une dizaine comme cela, vous injectez une dose qui peut s'avérer létale très rapidement » explique le Dr Mourad Benyamina, anesthésiste réanimateur à l'hôpital Saint-Louis de Paris.
Les médecins donnent fréquemment du potassium aux patients carencés. Ils l’ajoutent à ces poches d’hydratation destinées à être perfusées. S’il est administré à très forte dose, le potassium va entraîner une arythmie qui peut conduire à l’arrêt cardiaque.
« Utiliser une dose très importante de potassium un produit anodin .. personne peut se rendre compte, sauf si vous avez des arrêts cardiaques qui se répètent ça va attirer l’attention fatalement, » précise le Dr Benyamina.
L’auteur présumé des faits aurait donc agi en toute discrétion. Après deux ans d’enquête, à Besançon, le procureur de la République a révélé l’implication du Dr Péchier dans chaque dossier et déclaré que "M. Péchier apparaît comme le dénominateur commun de ces événements indésirables graves".
Cette version est contestée par Maître Jean-Yves Le Borgne, avocat du médecin : « (...) le Dr Péchier clame son innocence, nous n'avons pas de preuves contre lui, (...) on parle de faisceaux d’indices ou de "dénominateur commun" Bref, d'un certain nombre d’expressions qui sont le paravent de la faiblesse de l’accusation et de l’absence de preuves. Ne confondons pas un indice, un soupçon, avec une preuve, c’est ça la vraie question aujourd’hui, » précise-t-il.
Les empoisonnements concernent des patients âgés de 4 à 80 ans. Pour ces faits, le Dr Péchier risque la réclusion criminelle à perpétuité.
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