Cancer : un patient sur trois a recours à des médecines complémentaires
Quelle est la place des "médecines douces" dans le traitement du cancer ? Des chercheurs en oncologie de l’université du Texas se sont penchés sur la question et, dans une étude qu’ils publient le 11 avril dans le JAMA Oncology, ils révèlent qu’un tiers de patients ont recours à des médecines dites complémentaires et alternatives. Ces thérapies sont utilisées en addition ou à la place des thérapies conventionnelles contre le cancer, telles que la chimiothérapie, la radiothérapie ou l'hormonothérapie.
Compléments alimentaires, ostéopathie, acupuncture…
Pour conduire leurs travaux, les chercheurs se sont appuyés sur les données récoltées en 2012 par un sondage national des autorités de santé. Ils ont ainsi réuni une cohorte de 3118 participants traités pour un cancer. Parmi eux, 1023, soit 33%, ont déclaré avoir eu recours à des médecines complémentaires ou alternatives au cours de l’année passée.
Remède le plus souvent utilisé : les compléments alimentaires à base de plante, pour 35,8% des répondants. Viennent ensuite la chiropraxie, l’ostéopathie, les massages, le yoga, tai-chi ou qi gong, la méditation (mantra, pleine conscience, spirituelle), les régimes spéciaux, l’acupuncture, l’homéopathie, la naturopathie ou encore l’hypnose.
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29% des patients ne parlent pas de ces techniques à leurs médecins
Mais s’ils n’hésitent pas à utiliser ces méthodes de soin, les patients n’en parlent pas pour autant à leurs médecins. Ainsi, selon les résultats des oncologues américains, 288 patients (soit 29,3%) des 1023 participants soignés pour un cancer et utilisant des « médecines douces » n’indiquent pas à leurs médecins le recours à ces pratiques. Dans le détail, le fait de divulguer ou non l’utilisation des médecines douces dépendait souvent de la méthode utilisée. A titre d’exemple, seulement 11,8% des patients prenant des compléments à base de plantes ne le mentionnent pas à leur médecin, mais ce chiffre grimpe à 58,2% pour ceux qui ont recours aux techniques de méditation (spirituelle, mantra et pleine conscience).
Comment expliquer le silence des patients autour de ces techniques ? Dans 57,4% des cas, les patients n’en ont pas informé leurs médecins parce que ces derniers ne leur ont pas posé la question. Et selon 47,4%, des patients, les médecins n’ont pas besoin de le savoir. Autres raisons évoquées par les participants au sondage : la sensation que leur médecin manquait de connaissance sur ce type de thérapie (8,5%), le manque de temps pendant la consultation pour évoquer ces médecines (5,7%), la peur d’une réaction négative du médecin (3,9%), la peur que le médecin ne les décourage d’utiliser ces techniques (3,6%) ou encore le fait que les médecins les aient déjà découragé par le passé (1,9%).
Un risque d’interaction avec les traitements anti-cancéreux
Devant le nombre important de patients ayant recours aux médecines complémentaires dans le cadre d’un traitement contre le cancer, les auteurs de l’étude insistent sur le besoin de mieux étudier ce sujet mais aussi d’encourager la discussion entre patients et médecins.
D’autant que les médecines complémentaires comprennent des écueils dans lesquels il est dangereux de tomber. En effet, si certaines de ces thérapies peuvent apporter aux patients un "mieux-être", d’autres sont susceptibles de modifier l’efficacité des traitements anti-cancéreux, notamment en encourageant la prise d’aliments ou de substances qui interagissent avec les médicaments. Seule une discussion transparente avec les médecins pourra alors protéger le patient de ce risque d’interaction.
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Attention aux charlatans qui demandent l'arrêt des traitements
Enfin, le risque est également que les médecines "complémentaires" ne deviennent "alternatives", c’est-à-dire que les traitements de fond du cancer soient abandonnés au profit de ces techniques dont l’efficacité n’a jamais été scientifiquement prouvée. Conséquence de ce comportement : un risque accru de décès et donc une perte de chance réelle pour le patient, parfois encouragée par certains soignants à l’éthique douteuse : "Ce qui est grave, c'est quand une personne souhaite vous faire arrêter un traitement. C'est le signe que vous avez affaire à un charlatan. C'est un message à faire passer : ne vous laissez pas abuser et si on vous demande d'arrêter un traitement classique, de ne pas aller à l'hôpital… c'est que vous êtes entre de mauvaises mains" alertait ainsi le docteur Serge Blisko, médecin généraliste et président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), invité du Magazine de la Santé en janvier 2016.
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