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Quatre questions sur les embryons hybrides humains-animaux désormais autorisés au Japon

Des cellules souches pourront être implantées dans des embryons d'animaux pour que des organes humains puissent s'y développer. Ce qui pose plusieurs questions éthiques. 

Article rédigé par franceinfo
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Une implantation d'embryons de rongeurs dans une souris, à Orléans (Loiret) en décembre 2002.  (FREDERICK FLORIN / AFP)

Un cœur d'humain dans un cochon ? Ce sera bientôt possible au Japon qui vient d'autoriser le développement de cellules souches à terme, dans des embryons d'animaux, comme l'a rapporté la revue Nature (article en anglais), la semaine dernière.

C'est la première fois que des chercheurs japonais ont l'aval du gouvernement nippon pour réaliser, jusqu'au terme, l'implantation de cellules humaines dans des animaux. Franceinfo fait le point sur cette avancée scientifique qui pose plusieurs questions, notamment éthiques. 

Comment ça marche ? 

Le processus consiste à implanter, dans des embryons d'animaux modifiés, des cellules souches qu'on appelle "iPS", pour "cellules pluripotentes induites". "L'embryon est génétiquement modifié pour ne pas que ses cellules produisent un organe précis, comme le pancréas par exemple, précise au Parisien John De Vos, responsable du département d'ingénierie cellulaire et tissulaire du CHU de Montpellier (Hérault). Les cellules humaines vont coloniser l'animal pour créer cet organe manquant." 

Cette avancée scientifique, mise au point par le chercheur japonais Shinya Yamanaka, lui avait valu le prix Nobel de médecine en 2012. Ces IPS peuvent produire n'importe quel genre de cellules en fonction de la partie du corps où elles sont implantées. "Contrairement aux cellules souches extraites d'un embryon humain, il s’agit de cellules d’humains adultes génétiquement reprogrammés pour retrouver les caractéristiques d'une cellule souche embryonnaire", explique le magazine Usbek et Rica.  

Hiromitsu Nakauchi, généticien pionnier dans ce domaine, a débuté des recherches préliminaires prometteuses il y a plusieurs années, au Japon. Des pancréas de souris ont été ainsi créés dans des rats puis réimplantés dans des souris diabétiques et ont fonctionné normalement. Des essais plus compliqués ont été réalisés : le développement de reins de souris dans des rats. 

Le Japon exigeait auparavant que les embryons dans lesquels des cellules humaines avaient été introduites soient détruits au bout de 14 jours. Par ailleurs il interdisait aussi que des embryons de ce type soient implantés dans des utérus d'animaux pour éviter qu'ils ne s'y développent. Depuis mars, ces préconisations ont été abandonnées, ce qui a permis à des chercheurs de procéder à des demandes d'autorisations concernant leurs projets. 

Quel est l'objectif de cette avancée scientifique ? 

L'idée serait, à long terme, de pouvoir produire des organes humains dans un animal en vue de pratiquer une transplantation. Cette technique pourrait palier la pénurie de don d'organes. En France, 24 791 personnes étaient ainsi sur liste d'attente en 2018, année où 5 804 greffes ont été pratiquées. Autre avantage, cette technique permettrait d'éviter le risque de rejet ou d'obligation de suivre un traitement immunodépresseur à vie lié à l'incompatibilité entre l'organe du donneur et le receveur.

Des expériences similaires avaient déjà été réalisées auparavant, mais jamais jusqu'au terme. En 2018, des chercheurs américains avaient ainsi transplanté des cellules souches humaines sur des moutons, comme le rapportait Sciences et Avenir. Une autre expérience avait été tentée en 2017 : des chercheurs américains avaient créé des embryons chimères contenant des cellules humaines et porcines, comme le rapportait une étude publiée dans la revue américaine Cell (article en anglais). 

Quelles sont les limites éthiques et scientifiques ? 

Le principal débat concerne le risque de trop forte hybridation entre l'homme et l'animal. "Il ne faut à aucun prix que le cerveau de l’animal soit humanisé et qu’on se retrouve avec un porc qui aurait un cerveau en grande partie d’origine humaine", estimait déjà en 2017 le docteur John De Vos dans une interview à franceinfo.

Dans un article sur le sujet publié dans la revue Stem Cell Research & Therapy (article en anglais) par une équipe du CHU de Montpellier, dont John De Vos, les auteurs français pointaient, rappelle Le Monde, des problèmes éthiques liés à des préoccupations médicales autour du risque d’humanisation de l’animal. Si des cellules iPS étaient disséminées dans le cerveau de l’animal, cela pourrait altérer sa cognition au risque de voir se développer une forme de pensée ou de conscience analogue à celle de l’homme. Des caractères extérieurs ressemblant à ceux d'un humain (mains, pieds, visage) pourraient également apparaître, et l'animal pourrait potentiellement produire des gamètes humains.

Hiromitsu Nakauchi assure que son équipe fera preuve d'une extrême précaution, en ne portant pas les embryons jusqu'à leur terme dans un premier temps. "Nous aurons deux étapes de contrôle au cours du développement embryonnaire des chimères", précise le chercheur.

A chaque étape, nous vérifierons la présence ou non de cellules humaines dans le cerveau. Une fois leur absence assurée, nous passerons à l'étape suivante.

Hiromitsu Nakauchi, généticien pionnier dans ce domaine

Il rassure aussi en affirmant que "l'étude ne fait que commencer. Ne vous attendez pas à ce que nous générions des organes humains dans un an ou deux".

Est-ce que ce sera possible en France ? 

La loi de bioéthique 2011 interdisait la recherche sur l'embryon sauf par dérogation avec un encadrement très strict depuis 2013. Le projet de loi bioéthique 2019, présenté en Conseil des ministres le 24 juillet puis examiné en septembre, fait évoluer cette partie. Parmi les 60 propositions, la question de la recherche sur l'embryon et les cellules souche est évoquée à travers "la demande d'autorisation de création, pour la recherche, d'embryons transgéniques, jusqu'alors strictement interdite en France", comme le rappelle Florence Bellivier, professeure de droit à l'université Paris-Nanterre, spécialiste du droit de la bioéthique à Sciences et Avenir

Techniquement ce genre d'expérience serait donc possible en France dans les années à venir. "C'est envisageable, explique à franceinfo John de Vos. La révision actuelle de la loi de bioéthique pourrait éclaircir cette problématique pour éventuellement rendre cette pratique possible." Il ajoute tout de même qu'il existe toujours "un flou au niveau juridique et réglementaire", qui pourrait donc s'éclaircir à la rentrée. 

Sur les tests faits sur les animaux, une partie de la communauté scientifique déplore que la nouvelle loi bioéthique "n'indique pas de limite dans l'utilisation des animaux à des fins de recherche médicale", toujours dans Le MondeDes alternatives aux tests sur les animaux sont en train d'être développés, comme l'impression d'organes en 3D, comme l'explique Usbek et Rica

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