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Effet placebo ou réelle efficacité ? Voici ce que la science nous dit sur l'homéopathie

Article rédigé par franceinfo - Coline Vazquez
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un flacon et des granules homéopathiques, en 2007. (GETTY / ESEMELWE)

Les Français en sont les plus gros consommateurs du globe. L'homéopathie séduit autant qu'elle divise. Principe de dilution, médicament discrédité et effet placebo, voilà ce qu'il faut savoir sur cette médecine alternative.

Qui ne connaît pas les petites granules blanches d'arnica, à prendre après une mauvaise chute ? Toux, insomnie, anxiété, l'homéopathie a la solution à tous les maux du quotidien. Pourtant, depuis son invention il y a plus de deux cents ans, elle ne cesse de faire débat. En mars dernier, la pétition du collectif FakeMed, signée par 124 professionnels de santé, a remis en question cette médecine non conventionnelle. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, se questionne désormais sur le maintien de son remboursement par la Sécurité sociale. 

Accusée de n'avoir aucune efficacité, cette médecine douce est pourtant plébiscitée par 77% des Français, dont 36% qui en consomment régulièrement, selon un sondage Ipsos paru en 2012. Mais que dit la science de cette pratique au centre de nombreux débats ? Franceinfo vous explique ce qu'est l'homéopathie. 

Des principes actifs très dilués

C'est en 1796 que le médecin allemand Samuel Hahnemann crée l'homéopathie. L'idée de cette nouvelle méthode thérapeutique est de stimuler le corps pour qu'il se soigne lui-même. En d'autres termes, on prescrit à un patient une substance (végétale, animale, minérale ou chimique) qui provoque des troubles similaires à ceux qu'il présente. Sur France Culture, en 1998, Bernard Peyran, médecin homéopathe et directeur du Centre d'études et de documentation homéopathiques, donnait l'exemple suivant : "Une intoxication par des baies de belladone va déclencher un certain nombre de troubles qui définissent l'intoxication atropinique, entre autres. Un malade qui n'a pas fait une intoxication atropinique mais une maladie qui, sémiologiquement, y ressemble, pourra bénéficier, selon le principe de similitude, de la prescription de belladone."

Pour éviter de nuire au patient, Samuel Hahnemann décide de diluer le principe actif. Il en mélange donc une goutte dans 99 gouttes de solvant – de l'eau alcoolisée –, obtenant une dilution de 1 CH (1 centésimale Hahnemannienne). Le protocole peut être répété plusieurs fois de suite, passant de 1 CH puis 2 CH à 10 CH, jusqu'à 30 CH. Donc plus le CH est élevé, plus le produit est dilué, jusqu'à en obtenir une quantité infinitésimale. "Une méthodologie rigoureuse acquise après de nombreuses années d'enseignement et d'expérience", défend le médecin homéopathe Jean-François Masson dans Libération. Mais elle soulève des questions quant à la réelle efficacité de cette médecine alternative.  

Un effet placebo reconnu par la science

Si l'homéopathie ne fait l'objet "d'aucune évaluation scientifique", comme l'a récemment rappelé la ministre de la Santé sur RMC/BFMTV, elle semble tout de même avoir des effets bénéfiques, liés à son effet placebo. "Ça ne fait pas de mal", a ainsi estimé Agnès Buzyn à propos des granules. "Si ça peut éviter d'utiliser des médicaments toxiques, quelque part je pense que nous y gagnons collectivement." 

"Lorsque vous prenez un traitement, il y a trois effets psychologiques, rappelle le neuropsychiatre Alain Autret, auteur du livre Les Maladies dites imaginaires (éd. Albin Michel, 2016), interrogé par franceinfo. Le premier est lié à l'attente : on attend quelque chose que l'on croit efficace. Le deuxième à la répétition de la prise d'une thérapeutique : ça entraîne un sentiment d'amélioration. Enfin, lorsque vous allez voir un professionnel de santé, il y a une prise en charge psychologique liée au fait que vous rencontrez un thérapeute rassurant, qui va vous comprendre et vous écouter." Ainsi, selon lui, "un comprimé antimigraineux possède à moitié un effet propre et à moitié, un effet placebo".

Il existe également un conditionnement thérapeutique. Autrement dit, notre cerveau est habitué à aller mieux lorsqu'on prend un médicament, comme l'explique Allodocteurs.fr. Des études vétérinaires ont d'ailleurs montré qu'on retrouve ce phénomène chez les animaux, en particulier ceux de laboratoires et domestiques. D'autant qu'un maître rassuré, va apaiser l'animal. 

Pour de nombreux scientifiques, c'est cet effet placebo qui explique l'efficacité de l'homéopathie, comme en témoigne une étude publiée en 2005 dans la revue scientifique The Lancet, l'une des plus prestigieuses dans le milieu médical. En comparant les effets des produits homéopathiques à ceux d'un placebo, les chercheurs ont ainsi conclu que les premiers ne présentaient pas plus d'efficacité que les seconds. Pour Alain Autret, cette explication ne fait aucun doute. On "reçoit une thérapeutique qu'on pense efficace. Et celle-ci entraîne un effet bénéfique, une amélioration", explique-t-il. Mais elle est décriée par les médecins homéopathes : pour eux, il est schématique de réduire l'homéopathie au seul effet placebo.  

Une efficacité médicale jamais prouvée

Si de nombreuses études se sont penchées sur ce sujet brûlant depuis plus de trente ans, aucune n'a toutefois réussi à mettre en lumière une quelconque efficacité de cette thérapie sur le plan médical. C'est notamment le constat de l'EASAC (Conseil scientifique des académies des sciences européennes), qui confirme, dans un rapport publié en décembre 2017"l'absence de preuve solide et reproductible de l'efficacité des produits homéopathiques". En 2015, le National Health and Medical Research Council (NHMRC) en Australie, avait, lui, comparé les granules d'homéopathie à "une pilule de sucre" après avoir passé au crible les résultats de 225 études sur le sujet.

Des résultats sur lesquels se basent certains médecins opposés à ces alternatives : en février, 124 spécialistes ont ainsi demandé la fin du remboursement de l'homéopathie dans une pétition contre les "fake médecines". Pour eux, cette médecine, pourtant exercée par 5 000 praticiens en France, s'avère inutile et dangereuse car elle alimente "la défiance vis-à-vis de la médecine conventionnelle" et peut retarder le diagnostic, donc la prise d'un traitement allopathique, en cas de maladie grave. 

Reste que de nombreux patients sont conquis par les pilules, gouttes et autres sirops du géant français, les laboratoires Boiron, premier producteur mondial d'homéopathie avec un chiffres d'affaires de plus de 614 millions d'euros en 2016, dont plus de la moitié en France, selon les chiffres rendus publics par l'entreprise. Le neuropsychiatre Alain Autret ne croit pas, lui non plus, à une efficacité médicale de l'homéothérapie. "Le symptôme peut être amélioré de façon transitoire, mais la maladie sous-jacente, c'est autre chose, précise-t-ilIl ne faut pas se tromper de discours et dire qu'il y a une efficacité biologique s'il n'y en a pas. Mais à l'inverse, il faut aussi accepter qu'il y ait un soulagement psychologique." 

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