Pédophilie : une ligne d’écoute pour éviter les passages à l’acte
Agir à la source pour éviter un passage à l’acte. C’est l’objectif d'une nouvelle ligne d’écoute à destination des personnes pédophiles. Cette ligne, entrée en phase d’expérimentation le 20 novembre, s’inscrit dans les mesures du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, dévoilées par le secrétaire d’Etat en charge de la protection de l’enfance Adrien Taquet.
Le numéro d’appel, le 0 806 23 10 63, est unique, gratuit, confidentiel est accessible du lundi ou vendredi de 9h à 17h. Il s’adresse à toutes les personnes qui ressentent un attrait, une préférence sexuelle persistante pour les enfants (pédophilie) ou les adolescents (hébéphilie).
Ce projet est porté par la Fédération Française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) et soutenu par la Mission Commune d’Information du Sénat et l’association France Victimes.
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Diagnostiquer puis orienter l’appelant
Actuellement, six sites pilotes expérimentent ce numéro d’appel pendant trois mois : Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Tour et Marseille.
Concrètement, il s’agit d’une plateforme téléphonique : suite à un message d’accueil, l’appelant renseigne son département de résidence puis il est renvoyé vers un interlocuteur – soit un secrétaire soit un soignant des CRIAVS formés à cette mission. Ce dernier sera alors chargé d’évaluer la situation et d’orienter la personne vers un suivi local et adapté : "un psychologue, un psychiatre ou un groupe de parole" détaille le docteur Mathieu Lacambre, psychiatre au Centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) de Montpellier. "Une prise en charge médicamenteuse est également possible car la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande l’usage d’antidépresseurs ou de traitements inhibiteurs de libido contre les troubles pédophiliques depuis 2009" ajoute le psychiatre.
Pour le moment, "si l’appelant habite en dehors d’un département concerné par l’expérimentation, la plateforme téléphonique lui indiquera que la ligne qu’il demande n’est pas encore active" décrit le docteur Lacambre. Et pour que le numéro soit actif sur l’ensemble du territoire, il faudra attendre "le printemps 2020", à condition que la phase d’expérimentation de trois mois "prouve son intérêt", explique le docteur Lacambre.
Une population "demandeuse d’aide"
Le trouble pédophilique est reconnu et classé comme trouble psychologique par l’Organisation mondiale de la Santé depuis 1992. "Il s’agit d’un diagnostic médical et non d’une infraction, contrairement à la pédocriminalité. Et c’est bien là l’intérêt de cette ligne d’écoute : d’agir en amont, avant un éventuel passage à l’acte" précise le docteur Lacambre.
Mais "les sujets présentant un trouble pédophilique ne sont pas tous sujets au passage à l’acte sur les enfants" et, de façon réciproque, "tous les agresseurs sexuels d’enfants ne sont pas attirés de manière préférentielle par les enfants" précise la FFCRIAVS. Le numéro unique cible donc une population "vulnérable (en souffrance et/ou/donc à risque) et apporte ainsi une réponse en matière de prévention, d’autant plus que la population ciblée est demandeuse d’aide" poursuit la FFCRIAVS.
C’est en effet ce que montrent les études réalisées sur ce type de dispositif mis en place à l’étranger comme en Allemagne depuis 2005 et en Angleterre depuis 1992. Dans ces différents pays, plus de 50% des appelants appellent à l’aide suite à une crainte de passage à l’acte et près de 55% ont déjà cherché une aide professionnelle.
"Nous ne disposons d’aucun moyen"
En Allemagne, la ligne d’écoute est un "exemple" et a "largement fait ses preuves en terme de prévention", note la FFCRIAVS. "Depuis 2005, la ligne d’écoute allemande a reçu 10.000 appels, a permis d’évaluer 3.000 personnes et a conseillé plus de 1.500 offres de thérapie qui ont permis de réduire le risque de passages à l’acte" relève le docteur Lacambre.
Et en France ? Avant le lancement de ce numéro unique, seule l’association Ange Bleu offrait une écoute aux personnes présentant des symptômes évocateurs de pédophilie. Mais comment expliquer un tel retard par rapport à nos voisins européens ? "Nous ne disposons d’aucun moyen particulier. Même pour ce dispositif, nous travaillons avec nos propres ressources", dénonce le docteur Lacambre.
Une collaboration européenne serait envisagée pour une mise en commun des ressources. C’est déjà le cas pour le site d’information et d’autodiagnostic www.troubled-desire.com, lancé en Allemagne, traduit en français et mis en ligne cette année.
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