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"Le manque de sommeil m'a fait passer à côté de ma vie"

37% des Français se plaignent de troubles du sommeil. Pour francetv info, des personnes souffrant d'insomnies persistantes témoignent.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
L'insomnie chronique est l'un des troubles du sommeil les plus répandus. (GANDEE VASAN / GETTY IMAGES)

"Cela doit être héréditaire : ma mère dormait peu et quand je regarde mon fils de 33 ans, je vois bien ses cernes sur son visage", constate Annie avec fatalisme. Cette quinquagénaire dort très mal depuis une dizaine d'années. "Soit je me réveille la nuit, soit le matin très fatiguée", confie-t-elle. Ces situations sont vécues par des millions de Français : 37% de la population se plaint en effet de troubles du sommeil, d'après une étude menée par l'Institut national du sommeil et de la vigilance et la MGEN en 2014Les insomnies à répétition peuvent devenir un cauchemar et empoisonner les nuits mais aussi les journées. Des internautes ont répondu à notre appel pour partager leur expérience. Ils nous révèlent les difficultés nocturnes qu'ils rencontrent.

Quand les insomnies sont apparues dans sa vie il y a quinze ans, Annie n'y a pas vraiment prêté attention. Ces troubles sont survenus subitement sans raison apparente, ni évènement particulier. La Montpelliéraine, aujourd'hui âgée de 58 ans, mettait sa fatigue sur le compte d'un trait de caractère. "Au début, je pensais que j'étais fainéante, car je faisais des siestes tout le temps", admet-elle. Puis Annie, chargée de gestion, a fini par consulter. "Il y a trois ans, je suis allée pendant deux jours dans une unité du sommeil à Montpellier. Mais ils n'ont rien trouvé : ils m'ont dit que j'avais un sommeil normal." Les médecins expliquent à la quinquagénaire que ses insomnies sont peut-être liées au stress, à un état nerveux. Mais Annie n'est pas convaincue : "Même quand je ne suis pas stressée, je dors mal."

"La fatigue joue sur ma joie de vivre"

Dans un premier temps, elle suit les conseils donnés par les médecins. "J'ai essayé le yoga, la sophrologie mais cela n'a pas eu d'effets. Pire, cela m'a agacée." Pour Annie, c'est un constat d'échec : "Les médecins ne m'ont pas écoutée. Il a fallu que je trouve mes propres solutions." Elle se tourne alors vers les somnifères et le résultat est immédiat. "Quand j'en prends, le lendemain, je suis capable d'abattre des montagnes. Je ne veux pas devenir dépendante, alors j'alterne avec des médicaments à base de plantes. Mais pour que cela fasse effet, je dois en prendre beaucoup : jusqu'à huit comprimés",avoue la quinquagénaire.

Malgré la prise occasionnelle de somnifères et de plantes, Annie se résigne à vivre avec ses troubles du sommeil. Quand l'envie de dormir la quitte, elle attend patiemment dans son lit que la fatigue l'emporte. Elle espère toujours trouver "la solution miracle". En attendant de venir à bout de ses insomnies, elle dresse un bilan accablant : "A force, cette fatigue constante joue sur ma concentration, ma joie de vivre. Parfois, j'ai l'impression que ce manque de sommeil m'a fait passer à côté de ma vie, m'a fait perdre beaucoup de choses." La Montpelliéraine a maintenant hâte d'être à la retraite pour s'occuper de ses petits-enfants. Elle espère aussi réussir à trouver un nouveau rythme de vie qui lui accorde enfin du repos.

 "Au départ, je ne me suis pas inquiété"

Bruno, lui, est âgé de 43 ans. Il affirme avoir perdu le sommeil en 2010. Avant cette date, ses problèmes d'obésité lui causaient des apnées du sommeil. Sa respiration s'interrompait quelques secondes, plusieurs fois par nuit, entraînant une grande fatigue. Il était obligé de porter un masque pour dormir. En 2010, donc, il subit une opération pour se faire poser un anneau gastrique. Les problèmes d'apnées disparaissent, mais le sommeil aussi. "Au départ, je ne me suis pas inquiété, je me suis dit que ça allait revenir, que c'était le stress de l'opération. Mais je suis arrivé au stade où je dormais de 20 à 45 minutes la nuit. Je ne restais même plus au lit : je me levais, j'étais sur l'ordinateur, je lisais", raconte-t-il.

Au bout de deux mois, la situation devient invivable pour Bruno et son entourage. "Mon caractère a changé. Je suis devenu insupportable au travail", reconnaît-il. Bruno travaille comme technicien spécialisé dans les systèmes d'alarme. Un jour, le quadragénaire "part en live", selon ses propres termes. Une violente altercation intervient avec un collègue. Son patron le convoque. "Il m'a dit que cela ne pouvait plus continuer comme ça, que je devais consulter un médecin. Il m'a renvoyé chez moi. C'était un vendredi", se rappelle-t-il. Bruno consulte son médecin généraliste le samedi matin. Il lui prescrit aussitôt des somnifères et des calmants. Son médecin décide aussi de l'orienter vers le centre du sommeil de Grenoble (Isère). Mais les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous sont de six mois.

"J'étais devenu un zombie"

"Pendant ces six mois, je suis tombé dans une grave dépression", poursuit Bruno. Il est mis en arrêt longue maladie. Vient enfin le jour de la consultation chez le médecin spécialiste du sommeil. Bruno fait des tests. Son sommeil est enregistré. Le docteur établit aussi un plan pour que son patient se passe des somnifères. "Au fur et à mesure, il m'a aidé à diminuer ma prise de médicaments. De toute façon, je ne les supportais plus, j'étais devenu un zombie. Aujourd'hui, je n'en prends quasiment plus mais je dors toujours très peu. De deux à quatre heures par nuit, pas plus."

Pour compenser, Bruno fait des siestes courtes de 15 minutes sur les conseils de son médecin du sommeil. Il lui a aussi recommandé de faire du yoga, de la relaxation. Mais Bruno assure que cela ne marche pas, qu'il a un "caractère trop anxieux" pour cela. Retravailler dans une entreprise n'était pas envisageable. Mais rester chez lui sans rien faire ne devenait plus possible. Bruno s'est donc lancé en tant qu'auto-entrepreneur, toujours dans le domaine de la sécurité. La fatigue, elle, est toujours là. "Je lutte. C'est un combat permanent", dit-il.

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