: Vidéo Soupçons de maltraitance chez Orpea : "Nous sommes une activité éthique", assure la directrice générale du groupe Korian
La directrice du groupe Korian réagit pour la première fois aux soupçons de maltraitance dans des établissements du groupe Orpea, dévoilés par le livre "Les Fossoyeurs". "Ce qui est dit dans ce livre est aux antipodes" de nos pratiques, assure Sophie Boissard.
"Nous sommes une activité éthique", a assuré Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korian, mardi 1er février sur franceinfo alors que les dirigeants d'Orpea sont dans la tourmente depuis la parution du livre-enquête Les Fossoyeurs qui fait état de "dysfonctionnements" généralisés au sein des Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) français du groupe.
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Les dirigeants d'Orpea sont convoqués par la ministre chargée de l'Autonomie des personnes âgées. Brigitte Bourguignon, qui a d'ailleurs annoncé mardi l'ouverture d'une enquête administrative et d'une enquête financière. C'est la première fois que la directrice de Korian, le premier groupe privé d'Ehpad en France, réagit à cette affaire qui éclabousse son principal concurrent mais qui touche aussi Korian puisque l'action de du groupe a perdu plus de 20% depuis la sortie de ce livre.
franceinfo : À qui venez-vous parler ? Aux salariés de votre groupe, aux familles ou à vos actionnaires ?
Sophie Boissard : Je voudrais parler à la communauté du grand âge. Je veux m'adresser aux personnes âgées, aux familles et aux aidants qui sont sidérés et choqués par ce qu'ils découvrent dans ce livre. Je veux m'adresser à la communauté des soignants et des collaborateurs, en particulier à ceux de mon entreprise, plus de 26 000 soignants en France, qui me disent tous être vraiment, profondément, à la fois choqués et découragés.
Ce qui est dit dans ce livre, c'est la description d'un système d'entreprise cynique et maltraitant qui placerait le profit au-dessus tout. C'est aux antipodes de ce que les autres acteurs du secteur, en tout cas de ce qui se passe chez moi, font au quotidien, la manière dont ils œuvrent auprès des personnes âgées ou auprès personnes fragiles. Notre politique, les consignes, les recommandations qui sont données par la direction médicale, c'est évidemment : pas des rationnements. Chaque établissement commande, utilise le matériel dont il a besoin, c'est évident et je ne comprends même pas comment une telle chose peut traverser l'esprit.
Une action de groupe a été lancée contre votre concurrent Orpéa. Mais l'avocate qui recense les plaintes affirme qu'elle en a reçu des dizaines également visant vos établissements. Etes-vous au courant ? Des familles vous ont-elles contacté ?
Je ne suis pas au courant. J'ai entendu cela lundi. Je sais que des familles peuvent être confrontées à des situations difficiles. Nos métiers sont des métiers difficiles, des métiers dans lesquels on accompagne des personnes fragiles, des personnes en fin de vie et personne n'est parfait. Il y a des choses qui peuvent être mal vécues, mal se passer.
La première des choses, c'est le dialogue et c'est pour ça qu'on a des conseils de vie sociale et des représentants des familles dans les établissements. C'est pour ça qu'on a un médiateur. Nous sommes probablement le seul acteur à avoir un médiateur, qui est un ancien magistrat, qui est là pour que les familles, pour que les personnes en général puissent s'adresser à lui et qu'il puisse comprendre ce qu'il se passe et trouver des solutions. On a besoin de confiance et la confiance passe par le dialogue.
Les gens doutent aujourd'hui des conditions de vie dans l'ensemble des Ehpad. Etes-vous prête, par exemple, pour lever le doute, à ouvrir en grand les portes de vos établissements pour qu'ils soient tous contrôlés ?
Bien sûr que j'y suis prête. Notre cause commune, pour les acteurs du secteur, avec les autorités publiques, les familles ou les associations, est de rétablir la confiance. Le grand âge, l'accompagnement des personnes âgées, fragiles, mérite bien mieux que ce que l'on voit aujourd'hui. Comment on fait ? D'abord, on se donne des normes de qualité opposables à tous. Ça existe dans tous les autres pays. Korian est présent en Allemagne et aux Pays-Bas. On a clairement dans chacun de ces pays des règles. Combien de personnels soignant par lit ? On a des règles.
"En France, aujourd'hui, il n'y a pas de standards de qualité pour les établissements médico-sociaux, pour les maisons de retraite médicalisées comme il y en a, par exemple pour les cliniques ou les établissements de santé."
Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korianà franceinfo
Il faut de la transparence dans chaque établissement en direction des familles et des parties prenantes locales. Il faut que les chiffres soient publiés. Par exemple en Allemagne, les résultats des audits sont publiés etaccessibles par n'importe qui.
Et puis, je crois qu'il faut vraiment un alignement de l'ensemble des acteurs dans la durée. On a besoin de proposer des solutions nouvelles. On a besoin de proposer plus d'aides à domicile. On a besoin de proposer des béguinages pour les personnes fragiles, mais qui ne sont pas dépendantes. Pour ça, il faut qu'on pense tous ensemble dans la durée. Enfin, on a besoin de former. Aujourd'hui, on forme à peu près 50% du nombre de soignants ou d'aides-soignants, d'infirmiers dont on a besoin.
Aujourd'hui une place dans un Ehpad privé coûte environ 40% plus cher que dans un établissement public. Pourtant, dans un Ehpad privé, il y a 30% de personnel en moins. Comment expliquez-vous cet écart ?
Ce sont des chiffres génériques. Chez nous en moyenne, il y a sept personnes pour dix résidents. D'après ce qui est dit, c'est plutôt 5,5 soignants pour dix personnes chez Orpéa. Je demande qu'on fixe des règles opposables qui soient connues par tous. Pour que l'on puisse vraiment objectiver ce qu'est un accompagnement de qualité.
Je voudrais aussi qu'on sorte du fantasme des profits invraisemblables qui seraient fait sur le dos des vieux. Ce que j'entends, ce qui me choque personnellement, et heurte ma conception, mon éthique. Juste un chiffre : le niveau de résultat net que fait le groupe Korian en France c'est 5%. Parce que nous employons énormément. Nous avons embauché 5 000 personnes en CDI en 2021, nous investissons 300 millions et donc, ce qui reste à la fin, c'est 5%, et la majeure partie est réinvestie. Donc, franchement, imaginer qu'il y aurait des marges faramineuses qui seraient faites sur le dos des finances publiques, sur le dos des personnes âgées, c'est faux. Nous sommes une activité éthique et c'est important que tout le monde l'entende.
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