Cinq choses à savoir sur la mission spatiale Polaris Dawn de SpaceX, considérée comme particulièrement "risquée" pour son équipage

Les quatre astronautes embarqués pour cet aller-retour doivent atteindre une zone riche en radiations située à 1 400 km de la Terre, avant d'effectuer une sortie spatiale très attendue.
Article rédigé par franceinfo
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Une vue d'artiste montrant la sortie extravéhiculaire d'un astronaute lors de la mission Polaris Dawn. (POLARIS / SPACEX)

Six ans après avoir envoyé une voiture Tesla dans l'espace, puis testé toute une panoplie de fusées et vaisseaux, SpaceX veut franchir un nouveau cap. L'entreprise américaine fondée par le milliardaire Elon Musk a fait décoller son premier vol habité du programme Polaris, baptisé "Polaris Dawn", mardi 10 septembre depuis le centre spatial Kennedy en Floride (Etats-Unis). 

La mission, inédite à bien des égards, vise notamment à mieux comprendre les effets des radiations spatiales sur le corps humain, en plus de tester un curieux système de communication laser ainsi qu'une combinaison innovante. Franceinfo revient sur les contours de cette nouvelle épopée spatiale 100% privée.

1Le milliardaire à l'origine du programme fera partie de l'équipage

Quatre personnes ont été sélectionnées pour embarquer à bord du vaisseau Crew Dragon de SpaceX et participer à cette mission qui doit durer jusqu'à cinq jours. Il s'agit du pilote américain Scott Poteet, 50 ans, lieutenant-colonel retraité de l'armée de l'air américaine, qui a volé pendant 20 ans à bord des aéronefs les plus sophistiqués. Comme le reste de l'équipage, il a suivi un entraînement d'astronaute en accéléré, durant un peu plus de six mois, contre trois à quatre ans pour les missions de la Nasa, expliquait-il dans un entretien à son ancienne université fin 2023. "Quand on parle de vol, être un astronaute représente le sommet de la pyramide", confiait ce chasseur aguerri, vétéran des guerres en Irak et en Afghanistan.

De gauche à droite : l'homme d'affaires Jared Isaacman, les ingénieures Anna Menon et Sarah Gillis, et le pilote Scott Poteet, les quatre membres de l'équipage de la mission Polaris Dawn. (JOHN KRAUS / POLARIS PROGRAM)

Deux employées de SpaceX, les ingénieures Anna Menon, 38 ans, et Sarah Gillis, 30 ans, seront également aux manettes de cette mission. La capsule Dragon n'a aucun secret pour elles, puisqu'elles ont travaillé à son élaboration pendant plusieurs années. "C'est le plus grand déplacement professionnel de ma vie", s'est réjouie sur le réseau X Anna Menon, qui sera aussi en charge des tests médicaux à bord. 

Enfin, pour commander cet équipage, ce n'est autre que le financier du programme Polaris, l'homme d'affaires et pilote Jared Isaacman, 41 ans, qui vient compléter cette liste. "Je ne pensais pas que je retournerais dans l'espace, confiait-il au Washington Post en octobre 2022, après avoir chapeauté le premier vol spatial 100% touristique de l'histoire, Inspiration4, en septembre 2021. Avec Polaris, nous allons effectuer toute une série de tests technologiques, et réaliser des choses qui n'ont pas été faites depuis 50 ans."

2 Le vaisseau Dragon vise une altitude maximale de 1 400 km

Une fois son décollage réussi, la fusée Falcon 9 de SpaceX doit propulser le vaisseau Crew Dragon loin, très loin du plancher des vaches, jusqu'à une orbite située à 1 400 kilomètres de la Terre. Soit 3,5 fois la distance qui nous sépare de la Station spatiale internationale (ISS), en orbite à un peu moins de 400 km d'altitude en moyenne, selon la Nasa. Si tout se passe bien, il s'agira du "vol le plus haut de n'importe quelle mission Dragon jusqu'à présent, avec l'objectif d'atteindre l'orbite terrestre la plus élevée", expliquent les cadres du programme Polaris sur leur site.

Cette altitude vertigineuse n'a pas été atteinte par des vols habités depuis l'époque des missions Apollo du gouvernement américain, dans les années 1970, qui étaient allées bien au-delà de l'atmosphère, et qui avaient permis d'envoyer les premiers êtres humains sur la Lune. A moins qu'un autre vol privé ne soit mis sur pied en un temps record, il faudra attendre la mission Artemis 2 de la Nasa (au plus tôt en septembre 2025), pour voir des astronautes se hisser à une telle distance de la Terre, comme le rappelle la chaîne américaine CNN.

3 Les astronautes risquent d'être exposés à des niveaux de radiation élevés

En se rendant à plus de 1 000 kilomètres d'altitude, l'équipage fera une incursion dans la bande intérieure des "ceintures de Van Allen" de la Terre. Comme l'explique l'Agence spatiale européenne (ESA) dans un billet, il s'agit de bandes où sont piégées des particules très rapides, principalement des protons et des électrons, provenant du Soleil et interagissant avec l'atmosphère terrestre. Plus précisément, la mission Polaris Dawn évoluera plusieurs jours dans la ceinture de radiation intérieure, qui débute entre 300 et 1 000 km d'altitude et s'étire jusqu'à 10 000 km. 

Les ceintures de Van Allen, deux bandes où sont concentrées des particules d'énergie et de hauts niveaux de radiation en orbite de la Terre. (ESA / FRANCEINFO)

Evoluer dans cette bande est loin d'être sans danger pour les astronautes, "encerclés par la mort", comme l'a déclaré Jared Isaacman à la chaîne CNBC. Selon Piers Jiggens, ingénieur à l'ESA, une exposition prolongée aux radiations peut entraîner, à court terme, "une perturbation du système nerveux central, des cataractes et d'autres troubles de la vision" ainsi que des troubles de la moelle osseuse. L'augmentation du risque de cancer est aussi à craindre. "Il y a effectivement un certain risque, en particulier dans la ceinture intérieure", prévient-il.

Pour être sûr que les appareils du vaisseau Dragon fonctionnent correctement face aux radiations, Jared Isaacman a révélé à la presse américaine que les ordinateurs de bord avaient été attachés ensemble puis "bombardés de rayons" dans un laboratoire d'oncologie, afin de déterminer leur résistance. 

4 Au programme : une sortie dans l'espace et le test d'une combinaison futuriste

Les astronautes ont un agenda bien rempli pour leurs cinq jours de mission en orbite. Au troisième jour, après une chute contrôlée à environ 700 km d'altitude, il est même prévu que Jared Isaacman et Sarah Gillis se prêtent à une "activité extravéhiculaire". Comprendre : une excursion hors de la capsule, reliés par une sorte de cordon ombilical. Il s'agira d'ailleurs de la première sortie commerciale dans l'espace, loin des programmes gouvernementaux.

Puisque le vaisseau n'est pas équipé d'un sas, comme c'est le cas pour l'ISS par exemple, l'ensemble du cockpit du Dragon sera exposé au vide spatial une fois la trappe ouverte, et donc à un risque de "syndrome de décompression", comme cela arrive parfois aux plongeurs.

Pour se protéger, l'équipage de la mission sera équipé d'une toute nouvelle combinaison développée par SpaceX. A la façon de Tony Stark dans la saga Iron Man, les astronautes verront des informations vitales s'afficher sur la paroi de leur casque, qui est d'ailleurs recouverte d'une couche de cuivre et d'indium. Les matières utilisées pour les bottes et la combinaison doivent permettre d'affronter les importants changements de température d'une mission spatiale, à l'intérieur et à l'extérieur du vaisseau. Ces équipements ont été testés jusqu'au dernier moment, avec une validation finale mi-juillet.

5 Il s'agit de la première d'une série de trois missions commerciales 

Avec Polaris Dawn, Jared Isaacman veut poser les jalons d'autres aventures spatiales encore plus ambitieuses. Son programme vise en effet à tester toutes les technologies dont SpaceX aura un jour besoin pour des voyages bien plus lointains. La seconde mission, dont la date de lancement n'a pas été annoncée, vise à aller encore plus haut afin de poursuivre les tests de Polaris Dawn. Le troisième volet représentera quant à lui "le premier vol spatial habité à bord de Starship", le système entièrement réutilisable de SpaceX, pour rejoindre "l'orbite terrestre, la Lune, la planète Mars et au-delà".

Car l'objectif du programme Polaris ne se limite pas aux voyages spatiaux, en témoigne l'importance des tests d'équipements. "La construction d'une base sur la Lune et d'une ville sur Mars nécessitera des milliers de combinaisons spatiales", prévoient par exemple ses concepteurs, qui se projettent déjà vers "de futures missions de longue durée". Le ton est donné.

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