Pas de tir spécial, cocon protecteur, retard... Six choses à savoir sur la fusée Ariane 6 avant son décollage

Franceinfo vous présente le nouveau lanceur phare européen à l'occasion de son vol inaugural, mardi.
Article rédigé par Louis San
France Télévisions
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Une réplique de la fusée Ariane 6 est placée dans le portique mobile dédié au lanceur, au port spatial de Kourou (Guyane), le 12 avril 2023. (ERIC LALMAND / BELGA PHOTO / MAXPPP)

C'est le grand jour ! La fusée Ariane 6 doit (enfin) effectuer son vol inaugural, mardi 9 juillet, un peu plus d'un an après l'ultime vol d'Ariane 5. Franceinfo vous présente le nouveau lanceur lourd européen, qui culmine à 62 mètres de haut, soit un peu plus que le premier étage de la tour Eiffel.

1Elle existe en deux versions

Modulable, Ariane 6 propose deux versions. Celle qui se fait appeler "Ariane 62" (ou A62) dispose de deux boosters, c'est-à-dire deux blocs de propulsion. La version baptisée "Ariane 64" (A64) en compte quatre. La première mouture pèse 530 tonnes et développe une poussée de 800 tonnes au décollage. La seconde pèse 860 tonnes et développe 1 500 tonnes de poussée au décollage.

Illustration d'une fusée Ariane 6 version 62, avec deux boosters (à gauche) et d'une version 64, avec quatre boosters (à droite). (D. DUCROS / ESA)

    2 Des lancements jusqu'à deux fois moins chers qu'Ariane 5

    Les deux versions d'Ariane 6 lui permettent de mieux s'adapter aux commandes, avec davantage de flexibilité. Et les éléments qu'elles ont en commun conduisent à une réduction du coût des lancements, jusqu'à diviser par deux les prix par rapport à ceux d'Ariane 5.

    "Ariane 5, qui était un excellent lanceur, était assez cher", a rappelé Philippe Baptiste, président du Centre national des études spatiales (Cnes), sur BFM Business début juin. "De nos jours, les nouveaux lanceurs doivent être performants, c'est-à-dire efficaces et légers, mais aussi les moins chers et les plus modulaires possible", expliquait également Marie Jacquesson, cheffe de service aux systèmes de transport spatial du Cnes, dans un article pour The Conversation publié en 2022. C'est dans cette même logique de réduction des coûts que le lanceur européen de taille moyenne Vega-C et Ariane 6 fonctionnent avec le même booster à propergol solide, leur carburant. "Il y a une vraie attente du marché pour avoir accès à Ariane 6, a assuré Philippe Baptiste auprès de l'Association des Journalistes Professionnels de l'Aéronautique et de l'Espace. Ne serait-ce que pour avoir une alternative à SpaceX."

    3 Elle lance des satellites à des altitudes différentes

    Le dernier étage d'Ariane 6 est équipé d'un moteur qui est réallumable, ce qui lui permet de déposer des satellites à différentes altitudes (car tous ne circulent pas à la même hauteur ensuite). En ce sens, Ariane 6 est adaptée au marché actuel du lancement spatial, largement occupé par les télécommunications et plus récemment par les constellations de satellites, à l'image de Starlink, de SpaceX, ou de Kuiper, pour Amazon.

    Les constellations de satellites permettent à des utilisateurs au sol d'accéder à internet dans des zones très reculées, là où il n'y a pas d'infrastructures, de réseau (3G, 4G et 5G), de câble ou de fibre. Si en Europe occidentale, où le maillage est très dense, les constellations de satellites ne sont pas toujours de première utilité, elles peuvent en revanche se montrer précieuses en Asie centrale, dans les déserts africains ou sud-américains.

    4Elle arrive avec quatre ans de retard

    "La première fusée Ariane 6 volera le 16 juillet 2020", déclarait sur franceinfo le président exécutif d'Arianespace, Stéphane Israël, le 23 juin 2017. Entre-temps, la pandémie de Covid-19 a provoqué plusieurs retards. Avec les confinements, des chantiers ont été mis à l'arrêt, notamment au port spatial de Kourou, en Guyane. La reprise a été progressive, avec un protocole sanitaire strict et des isolements en cas de symptômes et de tests positifs.

    Les équipes d'Ariane 6 ont aussi fait face à différents problèmes de conception, décalant au fil des mois la date du vol inaugural jusqu'à l'été 2024. Par exemple, un essai d'allumage des moteurs prévu en octobre 2023 n'a eu lieu qu'en novembre à cause d'une anomalie sur un circuit hydraulique.

    Des tests plus longs que prévu du système de bras qui remplissent le lanceur et le moteur auxiliaire en carburant cryogénique ont également engendré des retards, rapportait Le Figaro en 2022. "Chaque bras fait 20 tonnes et on lui demande une précision micrométrique d'horloge suisse", résumait à l'époque Marie Jasinski, chef de projet sur Ariane 6 entre 2014 et 2019, dans cette vidéo de présentation du Cnes. Les tests des échanges logiciels entre Ariane 6 et la nouvelle base de lancement ont aussi été rallongés, rapporte encore le journal.

    5Un nouveau pas de tir dédié à Kourou

    Au port spatial de Kourou, un pas de tir spécial a été construit pour Ariane 6, ce qui n'est pas le cas pour tous les lanceurs. Son nom : ELA4, pour "Ensemble de lancement Ariane numéro 4". Les travaux, confiés au Cnes par l'Agence spatiale européenne, ont été titanesques, nécessitant un an de terrassement. Le pas de tir s'étend sur 170 hectares et se compose d'un bâtiment d'assemblage du lanceur, d'une zone de lancement, d'une route qui relie les différents bâtiments ou encore de zones logistiques et de stockage.

    Vue du pas de tir d'Ariane 6 en construction, à Kourou (Guyane), le 11 juillet 2022. (ESA-CNES-ARIANESPACE / OPTIQUE VIDEO DU CSG)

    Depuis l'espace, les différentes installations du port spatial sont bien visibles et l'aire réservée à Ariane 6 semble plus grande que celles consacrées aux autres lanceurs.

    Les différentes installations du port spatial de Kourou (Guyane), vues depuis la Station spatiale internationale. (ESA / NASA)

    6Elle bénéficie d'un cocon protecteur roulant

    Impossible de passer à côté. Sur le pas de tir d'Ariane 6 s'érige un immense bâtiment. Il s'agit d'un portique qui protège Ariane 6 des intempéries jusqu'au moment du décollage. Ses dimensions : 89 mètres de haut et 49 mètres de large. Les portes supérieures font 42 mètres de haut, celles du bas en font 30. L'ensemble, qui pèse 8 200 tonnes, se déplace sur des rails à la vitesse de 7 mètres par minute. Avant le lancement, le portique doit s'écarter du lanceur, se plaçant à 120 mètres de lui. C'est l'édifice mobile le plus grand du monde, selon le Cnes.

    Le cocon n'est pas une coquille vide. L'intérieur est un dédale qui compte 48 plateformes, présente le Cnes, permettant aux équipes d'assembler les boosters, d'intégrer la partie supérieure où se logent les satellites, d'approvisionner le lanceur en carburant et de surveiller tous les paramètres de la fusée avant son décollage. Ce système innovant est propre à Ariane 6 et diffère de celui d'Ariane 5. Avant son lancement, Ariane 5 passait, elle, par un "bâtiment d'assemblage final", puis effectuait un "roulage" (à la vitesse de 4 km/h) pour se rendre sur sa table de lancement.

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