La France risque d'atteindre "un point de non-retour" si "on continue de couper" dans les budgets de la recherche, prévient la directrice de l'Institut Pasteur

Selon Yasmine Belkaid, invitée sur France Inter, il est devenu "plus facile de faire des coupes budgétaires pour la science que pour d'autres" secteurs.
Article rédigé par franceinfo
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Illustration d'une chercheuse à la faculté de pharmacie à Illkirch-Graffenstaden, le 5 mars 2024 (THOMAS TOUSSAINT / MAXPPP)

"La France n'investit pas assez dans son écosystème de recherche", déplore mercredi 9 octobre sur France Inter Yasmine Belkaid, directrice générale de l’Institut Pasteur. Après plusieurs coupes budgétaires, qu'elle qualifie de "dangereuses", Yasmine Belkaid estime qu'il "est temps de se réveiller".

Selon elle, il est devenu "plus facile de faire des coupes [budgétaires] pour la science que pour d'autres" secteurs. Yasmine Belkaid juge "irresponsable" d'envisager d'éventuelles nouvelles coupes, notamment dans la recherche fondamentale. La directrice de l'Institut Pasteur craint même qu'on atteigne "un point de non-retour en France" si "on continue à couper la recherche qui a déjà été coupée au-delà de ce qui est possible".

"Si on continue à couper la recherche telle qu'elle est aujourd'hui, la France a décidé de ne plus être un environnement de recherche et de ne plus être à la table", dénonce-t-elle. Elle invite à "réaliser que la France a un écosystème de scientifiques extraordinaires et qu'il ne faut pas abandonner cet écosystème".

Les scientifiques "ont de moins en moins d'opportunités" en France

Après sa thèse en France, la chercheuse est partie pendant près de 30 ans aux États-Unis où elle a notamment dirigé le Centre d'immunologie humaine des National institutes of health. Elle explique avoir fait le choix de quitter la France pour des raisons de carrière car au moment de finir sa thèse elle "n'avait pas forcément de débouchés immédiats" en France, tandis que les États-Unis "avaient beaucoup de positions possibles et une possibilité d'explorer une recherche et de devenir indépendant".

Yasmine Belkaid précise que les États-Unis ont très "vite compris" la force que peut représenter l'afflux de chercheurs étrangers. "D'avoir des gens qui viennent de mondes différents, de cultures différentes, d'âges différents est extrêmement puissant", insiste-t-elle. Yasmine Belkaid considère donc que "la recherche américaine a bien compris que donner une voix aux gens très vite, et ce quel que soit leur titre ou leur origine" permet de développer "une intelligence collective très rapide et très puissante".

En France, les scientifiques "ont de moins en moins d'opportunités", il y a "très peu de perspectives en France pour les chercheurs", regrette la directrice générale de l'Institut Pasteur. Si elle invite les scientifiques français à rejoindre ses équipes, Yasmine Belkaid conseille quand même "d'explorer et de passer quelques années à voyager, à explorer une science ailleurs, à s'ouvrir au monde". Elle estime en effet que "partir pour les États-Unis ou ailleurs nous enrichit tous". "D'avoir une carrière internationale nous rend plus puissant, plus ouvert d'esprit et nous rend plus capable d'intégrer les idées des autres dans notre créativité", soutient-elle.

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