Ovni ou reflet lumineux ? Les inspecteurs du Geipan enquêtent
Francetv info a suivi ces spécialistes, rattachés au Centre national des études spatiales, lors d'une reconstitution. Objectif : vérifier si la forme argentée observée par un témoin était due au soleil... ou à autre chose. Reportage.
Il est 5 heures du matin en ce dimanche de juin. Le soleil n’est pas encore levé. Le silence qui règne sur ce champ de maïs situé dans la grande banlieue parisienne pourrait être parfait. Mais il est perturbé par les voix de quatre hommes qui avancent dans la rosée matinale. Ce ne sont ni des chasseurs, ni des touristes perdus. Parmi ces lêve-tôt, trois enquêteurs du Groupe d'études et d'informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (Geipan), un groupe rattaché au Centre national des études spatiales (Cnes). L'autre marcheur est "un ami, venu donner un coup de main", indique Vincent*, enquêteur en charge de ce cas, qui planche sur son premier dossier.
Que font-ils ? Le Geipan est le seul groupe scientifique reconnu par l’Etat qui vérifie les témoignages ce que l'on appelle communément des ovnis, les objets volants non-identifiés. Ce matin, ils mettent en place la reconstitution d'un témoignage. Il y un an, presque jour pour jour, dans ce même champ, un homme raconte avoir vu un phénomène mystérieux, ressemblant à une sorte de soucoupe volante. Le témoin promenait son chien lorsque ce dernier s’est soudainement réfugié entre ses jambes, tremblant de peur. Se demandant ce qui a pu effrayer l’animal, il scrute les environs et affirme avoir aperçu, à quelques centaines de mètres de lui, devant un bosquet qui borde le champ, une forme argentée flottant au-dessus du sol. Après une quinzaine de secondes, le disque s’est élevé silencieusement. Puis il s'est penché sur la droite avant de se volatiliser en partant vers la gauche, sans un bruit. Le Geipan a dessiné la forme sur une photo avec le témoin pour illustrer cette "observation".
C’est pour tenter d’expliquer ce phénomène que les enquêteurs se sont levés au milieu de la nuit. Il faut être sur place, à la même heure, dans des conditions similaires. La date n’a pas été choisie au hasard : "Il n’y a que deux jours dans l’année où les conditions astronomiques (la position des astres dans le ciel) est identique à celle d’un jour de l’année précédente", explique Philippe, un enquêteur venu des Vosges, en prenant des photos du champ encore plongé dans la brume avec sa tablette numérique. Posté à côté de son petit caméscope, installé sur un trépied posé dans l’herbe, le cinquantenaire, les jumelles à portée de main, affirme se tenir à l’endroit exact où se trouvait le témoin lorsqu’il a vu l’étrange phénomène. De son regard perçant, Philippe observe Vincent et Eric (le troisième enquêteur du Geipan). Ils sont en train d'installer le reste du matériel au milieu des jeunes plants de maïs.
"Nous ne maîtrisons pas la météo"
Ecouteurs de téléphone portable autour du cou, chaussures de randonnée aux pieds, Vincent a déballé le petit drone "trouvable à la Fnac" qu’il compte utiliser pour filmer la reconstitution. Il le teste avec sa mini-tablette.
"Nous pensons que le témoin a observé dans la brume un reflet du soleil venu de ce silo, situé à 1,4 kilomètre", indique-t-il en pointant l’édifice du doigt. A quelques mètres, Eric, trentenaire longiligne, coiffé d’une casquette sur ses cheveux longs et raide, pose des fumigènes sur une ligne droite, à intervalles réguliers : ils devraient simuler l’important brouillard qui flottait le matin de l’observation. Tout est en place. Ils n’attendent plus que le soleil, qui doit se lever à 6 h 04.
Malheureusement, si le ciel est dégagé, le coin de l’horizon où le soleil doit émerger est bouché par un nuage. Les minutes passent, le soleil est là, mais obstrué par le nuage, qui ne bouge pas. "C’est cuit. On est largement sorti de la plage horaire d’observation. Maintenant, le soleil est trop décalé", soupire Vincent à 6 h 20, après avoir fait atterrir son drone. "Il y a beaucoup d’éléments à réunir pour une reconstitution. Et nous ne maîtrisons pas la météo", commente-t-il, résigné, en rangeant le matériel. Reste que cette sortie n’a pas été inutile. Les trois enquêteurs s’accordent pour écarter l’hypothèse du reflet dans la brume. Ils estiment qu’il n’a pas pu être assez fort et lumineux pour créer le phénomène décrit par le témoin. Une thèse confortée par leur observation effectuée la veille au soir.
"Une enquête parfois longue"
Car "une reconstitution n’est que l’aboutissement d’une enquête parfois longue", insiste Vincent dont les yeux commencent à rougir de fatigue. En effet, tous les cas signalés au Geipan, généralement par la gendarmerie, ne conduisent pas à des reconstitutions. "Elles sont assez rares. Il n’y en a que deux à trois par an" sur les quelque 300 cas ouverts chaque année, précise-t-il. Et il est encore plus rare de mobiliser plusieurs enquêteurs sur un tel événement : "D’habitude, il n’y en a qu’un seul, car on ne compte qu’une vingtaine d’enquêteurs, répartis dans toute la France."
Ainsi, pour ce cas comme pour d’autres, des investigations préalables ont été menées. "On vérifie si ce n’est pas une méprise astronomique, ni un avion qui passe ou un satellite, explique Philippe. Et avec internet et certains logiciels, c’est rapide et gratuit : on peut obtenir toutes les conditions météo, la carte du ciel, les tracés de satellites, énumère cet ufologue aguerri ("je suis dans le milieu depuis 35 ans", affirme-t-il). Ces vérifications permettent de classer rapidement la majorité des dossiers." Généralement, les témoins voient un objet dans le ciel qu’ils n’ont pas l’habitude de voir et s’inquiètent. Alors que ce n’est rien d’anormal.
"En ce moment, il y a beaucoup de méprises avec les lanternes thaïlandaises. Ce sont des lampions que l’on allume, qu’on lâche et qui s’élèvent dans le ciel, relève Eric, l’enquêteur venu de l’Aisne, initialement passionné d’astronomie. Il y en a souvent lors des mariages ou des anniversaires. Alors quand des personnes pensent avoir vu un objet étrange dans le ciel avec plein de points lumineux, on regarde la date : si c’était un samedi soir, qu’il ne pleuvait pas, on se dit que ça ressemble à ça. Et si ça suivait le sens du vent, ce que l’on peut connaître facilement maintenant grâce à des sites internet, il n’y a plus de doutes."
Google Street View, un outil à part entière
Mais si les vérifications à distance ne suffisent pas, les enquêteurs rencontrent le témoin. Comment savoir s’il dit la vérité ? "Les gendarmes sont un bon filtre. Cela fait partie de leur métier de jauger la véracité des propos d’une personne. S’ils nous font parvenir un cas, il est probablement sérieux", argumente Philippe.
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