Nicolas Sarkozy condamné dans l'affaire des "écoutes" : trois questions qui se posent après ce jugement sans précédent
L'ancien président de la République a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, par le tribunal correctionnel de Paris, lundi 1er mars. Il a fait appel de cette décision.
Il est le premier ancien président de la Ve République à être condamné à une peine de prison ferme. Nicolas Sarkozy a été jugé coupable, lundi 1er mars, de "corruption" et de "trafic d'influence" par le tribunal correctionnel de Paris, qui l'a condamné en première instance à trois ans de prison, dont un an ferme, dans l'affaire dite des "écoutes". Un jugement sans précédent. Avant lui, seul Jacques Chirac avait été sanctionné par la justice, condamné en 2011 à deux ans de prison avec sursis dans le dossier des emplois fictifs de la ville de Paris. Nicolas Sarkozy, qui a toujours affirmé n'avoir jamais commis "le moindre acte de corruption", a immédiatement fait appel de cette condamnation. Franceinfo revient sur les questions qui se posent après ce jugement de première instance.
Nicolas Sarkozy pourrait-il purger une peine de prison ?
Dans ce procès, l'ancien chef de l'Etat a été condamné à trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, par le tribunal correctionnel de Paris. Mais la défense de Nicolas Sarkozy a immédiatement interjeté appel du jugement, suspendant de fait sa condamnation avant un second procès.
Reste que, même si cette peine venait à être confirmée en deuxième instance, il semble peu probable que Nicolas Sarkozy passe effectivement par la case prison. En effet, ni le Parquet national financier (PNF) ni le ministère public n'avaient requis de mandat de dépôt à l'encontre de Nicolas Sarkozy. En d'autres termes, il n'a pas été demandé l'incarcération immédiate de l'ancien président de la République en cas de condamnation.
Par ailleurs, la présidente du tribunal avait indiqué que la partie ferme de sa peine pourrait être aménagée avec une "détention à domicile sous surveillance électronique", comme cela est précisé dans le délibéré du 1er mars 2021. Désormais, l'ancien président ayant fait appel du jugement, il reste présumé innocent jusqu'à ce que sa condamnation soit confirmée – ou non – lors d'un second procès.
L'ancien président peut-il encore être inquiété par la justice ?
Oui, car l'affaire dite "des écoutes" n'est pas la seule dans laquelle le nom de l'ancien président est cité. Depuis la fin de son mandat présidentiel, le nom de Nicolas Sarkozy apparaît ainsi dans douze dossiers, listés par Le Monde (article payant). Et s'il a bénéficié de deux non-lieux, quatre enquêtes sont encore en cours.
Ainsi, l'ancien président doit de nouveau faire face à des juges, dès le 17 mars et jusqu'au 15 avril, dans le procès de l'affaire "Bygmalion", portant sur les frais de sa campagne présidentielle de 2012. Il encourt une peine d’un an de prison. Il est également mis en examen dans le cadre du financement de sa campagne présidentielle de 2007 : il est soupçonné d’avoir financé une partie de sa campagne grâce à des fonds venus du régime de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi.
Nicolas Sarkozy est également cité comme témoin assisté dans l'affaire Karachi. A cette époque, en 1997, le gouvernement Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le ministre du Budget, aurait accordé d'importantes commissions lors de ventes d’armes au Pakistan et à l’Arabie saoudite. Un non-lieu a été prononcé en août 2016. Mais cette décision a été annulée en novembre 2018 quand la justice a relancé l’enquête sur cette affaire.
Enfin, une enquête préliminaire pour "trafic d'influence" a été ouverte contre l'ancien président par le Parquet national financier à l'été 2020 après un article de Mediapart. Selon le site d'investigation, Nicolas Sarkozy a reçu un virement de 500 000 euros début 2020 dans le cadre d'un contrat de conseil auprès du groupe russe d'assurances Reso-Garantia. "La justice cherche à vérifier si l’ancien chef de l’État a seulement agi comme consultant, ce qui serait parfaitement légal, ou s’il se serait adonné à des activités de lobbying potentiellement délictuelles pour le compte des oligarques russes", rapporte Mediapart.
Son retour en politique est-il encore envisageable ?
Retiré de la politique depuis 2016, Nicolas Sarkozy reste toujours très populaire à droite. Ce qui pourrait le motiver à se porter candidat pour la présidentielle de 2022 : l'ex-chef de l'Etat a fait appel de sa condamnation, rien ne l'empêche, sur le papier, de le faire. En effet, il n'a pas été privé de ses droits d'éligibilité par le tribunal et remplit donc les conditions applicables au scrutin présidentiel décrites par le Conseil constitutionnel.
Cependant, pour de nombreux observateurs, le jugement rendu lundi compromet son avenir politique. Et pour cause : pour Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2, son procès en appel pourrait se tenir dans un an minimum, soit en pleine campagne présidentielle. Selon elle, "un retour de Nicolas Sarkozy n'est pas politiquement jouable" d'ici là. Même si pour "le noyau dur de l'électorat Les Républicains, le retour du patron serait la planche de salut", la journaliste estime que "son poids et son influence vont franchement diminuer" après cette affaire.
Une analyse partagée par Anne Bourse, journaliste politique à France 3, pour qui la droite doit faire le deuil du retour sur le devant de la scène politique de l'ancien président. "Comment se présenter à une élection présidentielle en étant le premier ancien président condamné pour corruption, trafic d'influence et à écoper d'une peine de prison ferme ?" soulève-t-elle. Et de rappeler qu'en 2011, "lorsque Jacques Chirac a été condamné, sa carrière était terminée."
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