: Vidéo "J'ai enfreint la règle de l'impunité" : comment ce juge français est devenu indésirable à Monaco
En enquêtant sur les liens troubles du pouvoir monégasque avec Dmitri Rybolovlev, milliardaire russe et figure incontournable du Rocher, le juge d'instruction Edouard Levrault avait osé défier la principauté. Dans cet extrait de "Pièces à conviction", voici comment le magistrat détaché par la France a été brutalement débarqué, en août 2019.
"Lorsque vous avez, dans une principauté, un juge d'instruction qui décide de mener des investigations indépendamment du rang des uns ou des autres, c'est une chose à laquelle les autorités monégasques ne sont pas habituées. Il y règne un climat d'impunité, et je pense que (...) j'ai enfreint cette règle implicite, cette règle de l'impunité."
Ces réflexions sont tirées du témoignage pour "Pièces à conviction" du juge Edouard Levrault. Ses investigations dès 2016 dans le cadre de l'affaire Rybolovlev, ce milliardaire russe installé dans la principauté et propriétaire de l'AS Monaco, ont ébranlé le pouvoir monégasque.
Trop près du palais princier ?
Durant les deux années de son enquête pour corruption, le juge français a lancé des perquisitions chez des ministres et ex-ministres, auditionné les principaux chefs de la police de Monaco, saisi les comptes de la Croix-Rouge monégasque (l'une des institutions les plus prestigieuses du Rocher) dont le prince est le président.... En s'approchant trop près du palais princier, le juge Levrault a-t-il franchi une ligne rouge ?
En juin 2019, alors que son détachement à Monaco est sur le point de prendre fin, le magistrat est convoqué dans le bureau du ministre de la Justice, Laurent Anselmi. On l'informe que son mandat ne sera pas renouvelé, comme il est pourtant d'usage. Une décision "discrétionnaire et non susceptible de recours", qui n'est assortie d'aucun motif, disciplinaire ou autre…
Une ordonnance signée par Albert II
Le magistrat français voulait savoir si le prince Albert était personnellement impliqué dans l'affaire Rybolovlev. Il s'apprêtait à convoquer le chef de cabinet du prince, Georges Lisimachio. Mais celui-ci ne se rendra pas à la convocation du juge : il l'informe par courrier qu'il bénéficie d'une "immunité juridictionnelle".
Cette immunité, "qui ne peut être levée que par le prince", a été mise en place le 22 mai 2019 par une ordonnance signée par Albert II. Les autorités monégasques auraient-elles eu vent, comme le pense Edouard Levrault, de futures investigations, et auraient-elles "cherché à s'en prémunir" ? En tout cas, Georges Lisimachio semble intouchable...
A Monaco, l'enquête reste ouverte. Edouard Levrault, lui, a quitté le Rocher en septembre 2019. Il est aujourd'hui magistrat au tribunal de grande instance de Nice.
Extrait de "Scandales à Monaco : les révélations d’un juge", une enquête à voir dans "Pièces à conviction" le 10 juin 2020.
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