: Vidéo Chauffeur, voiture, officiers de sécurité… La très chère protection des anciens responsables politiques
Le ministère de l’Intérieur communique rarement ce chiffre : le coût de la protection due aux anciens Premiers ministres. Il s’élevait à plus de 2,8 millions d'euros en 2019. Depuis, et à force de remaniements, la liste des anciens s’est encore allongée. Et à l’heure de faire des économies, certains, comme Elisabeth Borne, n’entendent pas renoncer à leur protection : "J’ai porté des réformes qui n’étaient pas toutes populaires, une protection et une sécurité, ça me paraît justifié", explique-t-elle.
Mais lorsqu’on a quitté Matignon il y a 20 ans, a-t-on encore besoin de la voiture et des deux officiers de sécurité ? Nous avons posé la question à un retraité toujours actif : Jean-Pierre Raffarin. "Ce n'est pas de l'argent de poche, se défend-il. C'est une voiture avec des policiers pour la sécurité. J'ai des missions publiques (…) Figurez-vous que je suis allé défendre le cognac en Chine. J'y suis allé tout seul, et ce n’est pas l'Etat qui a payé !"
"Je rapporte plus d'économies à l'Etat que je ne lui coûte !"
Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre (2002-2005)à "l'Œil du 20 heures"
Quant à savoir s'il serait prêt à plus de modération dans ses dépenses : "Bien sûr que je suis prêt !", nous assure-t-il.
Il n’y a pas que les anciens Premiers ministres, les ex-ministres de l’Intérieur aussi ont droit à une protection policière permanente… Tous ceux que nous avons contactés estiment que c’est bien le minimum dû aux serviteurs de l’Etat. "Nous ne sommes pas payés, nous n’avons pas de frais de réception, nous n’avons pas de bureau, nous n’avons pas de moyens de transport autres que la voiture", pointe Manuel Valls, ancien ministre de l'Intérieur (2012-2014) et ex-Premier ministre (2014-2016).
Pour Jean-Louis Debré, à Beauvau entre 1995 et 1997, la sensibilité des dossiers traités, même anciens, justifie la protection : "J’ai eu Action directe, la bande à Baader, Carlos et compagnie.(…) Chaque fois que quelqu’un que j’ai mis en prison sort de prison, je suis prévenu."
"Personne ne m’a jamais agressé. Mais ça me sécurise, c’est clair."
Claude Guéant, ancien ministre de l'Intérieur (2011-2012)à "l'Œil du 20 heures"
"Moi, je trouve que c’est justifié compte tenu des fonctions exercées", nous explique Claude Guéant, à l'Intérieur de 2011 à 2012.
L’idée de faire des économies sur les mesures de protection ne date pas d’hier. En 2015, après les attentats de Charlie Hebdo, le service se retrouve débordé, nous confie aujourd’hui un ancien haut gradé de la police : "On n’avait plus les moyens avec l’explosion des menaces terroristes. La question s’était posée de voir s’il était toujours cohérent d’assurer une protection à monsieur Balladur, madame Cresson". Finalement, personne ne perdra ses officiers de sécurité.
Cent cinquante personnalités protégées, selon les syndicats de police
A ce jour, 150 personnalités seraient protégées, selon les syndicats de police. Pour bénéficier de cette mesure, la menace doit être évaluée par les renseignements. Lorsqu’elle n’est pas avérée, la protection n’est pas accordée. Enfin, en théorie... Car les syndicats dénoncent des protections indues : Anne-Aymone Giscard d’Estaing, encore protégée 43 ans après la fin du mandat de son mari. Ce serait aussi le cas aussi d’Olivier Véran ou encore d’Olivier Dussopt, que nous avons sollicité. “Je ne fais aucun commentaire (...) En la matière, je me suis toujours rangé aux décisions du ministère de l’Intérieur"."
Les syndicats policiers évoquent des décisions politiques sans lien réel avec la sécurité : "Je pense que la demande claire et légitime, c’est de mettre fin aux abus et aux passe-droits", réclame Julien Adubeiro, secrétaire régional d'Un1té police. "C’est-à-dire que certainement, il y a des demandes au niveau politique et l’administration suit ce que le politique lui demande d’appliquer. Et nous, en bout de chaîne, les policiers, on assure la mission, même si elle nous paraît aberrante."
Une charte de bonne conduite
D’autant que dans le secret des voitures officielles, certaines personnalités seraient loin d’être exemplaires. C’est ce que nous raconte un officier de sécurité qui a protégé un ministre en poste il y a plus de 20 ans : "En bas de son immeuble, il te demande de porter ses valises, et de les mettre dans le coffre. Dans la voiture, il jette ses journaux par terre, et c’est à toi de les ramasser. Une fois, en passant devant une boulangerie, il m’a tendu un billet, sans rien me dire. En fait, c’était ma tâche d’acheter son pain. Il est méprisant. Pour lui, on est une conciergerie de luxe.”
"Certains demandent qu’on mette le gyrophare deux tons, pour aller plus vite, mais ça, c’est encadré. Alors, à l’arrière, ils te disent ‘c’est long là, je ne vais pas être à l’heure à mon rendez-vous.' Certains tapent même dans le siège. Si tu refuses, ils vont te pousser à la faute."
Face à des comportements inappropriés, l’administration fait désormais signer une charte de bonne conduite à toutes les personnalités protégées. Quelques jours avant la censure du gouvernement, Bruno Retailleau faisait savoir qu’il voulait remettre de l’ordre dans les protections accordées. L’histoire ne dit pas encore si lui-même serait prêt à renoncer à la sienne.
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