"Avec la série 'Black Musketeer', nous développons un héros dont la couleur de peau est un obstacle à ses ambitions"

Un mousquetaire noir a bel et bien existé dans l'histoire de France. Le personnage d'Aniaba a inspiré une série attendue sur Disney+, "Black Musketeer". Franceinfo a rencontré le scénariste au festival "Marseille Séries Stories".
Article rédigé par Cédric Cousseau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
Thomas Mansuy, scénariste et créateur, vendredi 17 novembre au "Marseille Séries Stories" (CC)

Après Chevalier, retraçant le parcours du compositeur Joseph Bologne de Saint-Georges sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, le catalogue de la plateforme Disney+ pourrait s'enrichir d'un nouveau contenu mettant à l'honneur un personnage noir oublié des livres d'histoire. Cette fois, avec un garde d'élite venu du continent africain et en explorant l'univers des Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas.

Le scénariste Thomas Mansuy, qui a déjà collaboré sur Derby Girl (Francetv Slash) ou Dix pour cent (France 2) et qui s'attèle aussi à une première saison de Lucky Luke, participe au développement de Black Musketeer. Il est pour quelques jours membre du jury du "Marseille Séries Stories", festival dédié aux séries adaptées d'œuvres littéraires. Pour franceinfo, il détaille pour la première fois son projet.

Black Musketeer est en cours d'écriture. De quoi parle la série ?

Black Musketeer se base sur Aniaba, un personnage historique réel, un homme venu de l'actuelle Côte d'Ivoire, héritier du trône du royaume d'Assinie et que Louis XIV a fait venir en France pour des raisons diplomatiques. Cet homme grandira à la cour, sera baptisé par Bossuet, deviendra filleul du roi puis mousquetaire. Le but était ensuite de le renvoyer chez lui pour qu'il prenne le pouvoir. Nous, on en fait un personnage de fiction, romanesque, placé avant les mousquetaires que l'on connait, d'Artagnan et compagnie, pour raconter son destin. Celui d'un jeune homme fougueux, perdu dans un pays qui n'est pas le sien, en proie au racisme.

Avez-vous l'intention d'en faire une série de pure fiction ou est-ce que la réalité historique vient s'ajouter ?

Le projet ne se veut absolument pas historique. On écrit une comédie de cape et d'épée avec de la belle action et des idéaux : l'honneur, le bien, le mal, la couronne de France. Il y a de l'humour comme vous pouvez en retrouver dans Pirate des Caraïbes qui est une de nos références, c'est-à-dire un mélange de premier degré, d'aventures épiques et de situations un peu cocasses.

Peut-on savoir quel acteur incarnera ce nouvel héros Disney ?

Absolument pas car on ne le sait pas nous-mêmes. Nous sommes en train d'écrire la série, il y a encore beaucoup d'inconnues.

La représentation à l'écran de la diversité est aujourd'hui devenue un sujet de société. Certains ont fait part de leur incompréhension d'avoir vu apparaître cette année une actrice noire pour incarner la Petite sirène dans la déclinaison de l'oeuvre en live action, quand d'autres saluent le succès et la nécessité de la série Miss Marvel mettant en scène une adolescente américaine d'origine pakistanaise et de confession musulmane. Comment abordez-vous votre série dans ce contexte ?

Pour nous, il est important que des personnages de couleur, de différents genres, sexualités, religions existent. C'est important parce qu'on écrit pour un public qui veut s'identifier. Moi en tant qu'homme blanc, j'ai toujours eu des héros blancs auxquels m'identifier enfant : les Indiana Jones, Clint Eastwood, Jean-Paul Belmondo... En tant qu'auteur, je sais que tout cela participe à la construction d'un individu. Pouvoir se retrouver dans un personnage fait aussi rêver. Continuer à ne représenter qu'une petite part de la population est un non-sens. Les séries sont une chance car, plus que dans les films, elles créent des galeries de personnages. Dans Black Musketeer, l'enjeu de la représentation n'est absolument pas gratuit. La première qualité d'Aniaba n'est pas d'être noir mais un héros animé d'ambitions personnelles, qui a des choses à apprendre sur lui, qui doit trouver un sens à sa vie. La couleur de sa peau représente, à cette époque-là, un obstacle et va appuyer le fait qu'il est exclu, qu'il est perdu, confronté à une incompréhension car les gens le voient comme étrange. On traite d'une époque qui est celle des prémices de l'esclavage et tout le monde dans le royaume ne savait pas ce qu'était un homme noir.

Avez-vous constitué une équipe qui est elle-même diverse ?

Quand on a commencé à travailler sur Black Musketeer, on a évidemment pensé aux polémiques qui pourraient surgir. Nous, on pense qu'on les évitera parce que le sujet de la série n'est pas la réprésentation, on ne va pas avoir besoin de traiter de causes sociales, sociétales. Mais on a beaucoup réfléchi à ces questions et une autrice antillaise qui a travaillé également dessus, sur l'identité, a rejoint notre équipe d'écriture. Et je pense qu'on a réussi à traiter le sujet comme il fallait. 

Les plateformes recherchent-elles aujourd'hui des séries proposant plus de diversité à l'écran ?

Non, on ne reçoit pas un cahier des charges avec des attentes sur l'inclusivité, la diversité ... Le sujet de la représentation est dans l'air du temps et c'est une très bonne chose. Personnellement, je ne ressens pas de pression. On le voit par exemple sur les personnages féminins, on a maintenant le réflexe d'en avoir beaucoup plus et on ne se force pas. Aujourd'hui, on va plus loin en créant des personnages féminins beaucoup plus complexes. Pour nous, auteurs, c'est beaucoup plus intéressant ne serait ce que pour la dramaturgie.

En quoi Alexandre Dumas reste-t-il moderne et Les Trois mousquetaires propices à de multiples adaptations au cinéma et en séries en 2023 ?

Ce qui est passionnant avec Alexandre Dumas, c'est qu'il était presque un auteur de séries avant l'heure. Les Trois Mousquetaires étaient initialement écrits en feuilletons pour la presse et ça se voit dans l'écriture. Dumas mettait du suspens parce qu'il fallait que la semaine d'après, les lecteurs lisent la suite. Il y a de multiples intrigues, des rebondissements complètement rocambolesques, de l'emballement. L'auteur avait une écriture au fil de la plume et les adaptations des Trois mousquetaires sont plus structurées que le roman d'origine. Donc oui, en ce sens, il est assez facile et même merveilleux d'adapter le style de Dumas.

Et qu'est-ce qui est moins facile en revanche ?

La langue. Les personnages de Dumas parlent une très belle langue, un langage soutenu et c'est magnifique de les lire, ils se sortent des piques quasiment en alexandrins. Donc il faut se poser la question de l'adaptation de la langue. Faut-il garder cette élégance, simplifier ou moderniser ? L'autre difficulté réside dans les costumes et les costumes, ça coûte cher. Des poursuites à cheval, ça coûte cher. Des batailles navales, ça coûte cher. Le siège de La Rochelle, ça coûte cher. Il y a un souci économique avec Alexandre Dumas.

Chacun s'est représenté les personnages du roman Les Trois mousquetaires. Le livre appartient qui plus est au patrimoine de la littérature. Est-ce intimidant de s'y attaquer ?

Évidemment mais je pense que ça a été plus compliqué pour la toute première personne qui a adapté le roman. Avec cette impression de toucher au sacré. Nous avons tous une idée des Trois mousquetaires qui, bien souvent, n'est pas celle du roman. Moi-même, ma première approche était le dessin animé "Albert, le cinquième mousquetaire"... On s'attaque à un monument mais on s'attaque aussi un imaginaire collectif. J'ai presque envie de dire que tout le monde a droit à sa petite part de Dumas. Nous travaillons des personnages que tout le monde connaît, on se sent étrangement assez libre. 

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